L'envie, à l'envi…
Ottavia Salvaggio, la
sauvage, fait de ce roman, le livre signature de
Julia Kerninon.
L'évolution de l'auteur, aux yeux de son lectorat fidèle, est évidente. Une nouvelle fois, elle brosse le portrait d'une femme ancrée dans son époque. Mais ici elle est ample car elle à ses hommes, ses enfants et ses amies.
Le choix du lieu l'Italie et du métier n'est pas un hasard, la confrontation est immédiate entre sensualité et rudesse.
L'incipit nous dit la femme, elle se prépare avec des gestes si féminins dans un quotidien sur lequel elle ne se retourne pas, ce n'est pas elle qui assure l'intendance.
Ottavia a attendu le jour de ses seize ans, sans annonce, elle n'est pas allée à l'école ; elle s'est vêtue d'une tenue adaptée, est allée se planter devant son père qu'elle admire, dans sa cuisine à lui, le chef renommé : elle veut être cheffe.
Sa décision s'est construite sur l'observation du couple de ses parents, sa mère a abandonné ses rêves pour suivre celui qu'elle aimait, homme captivant et charismatique mais qui ne laissait pas beaucoup de place aux autres. Ottavia est allée vers la lumière d'autant que son père avait engagé Cassio , mauvais garçon mais talentueux. Lui aussi elle l'admire mais elle est avec lui dans la confrontation, comme deux boxeurs qui se jaugent avant le combat.
Une attitude qui fait grandir au point pour Ottavia de refuser le restaurant de son père, elle ne lui succèdera pas, elle aura son établissement. S'affranchir est le prix à payer.
Si Ottavia se prépare sereinement à aller travailler c'est parce que Bensch est là et qu'il a adapté sa vie à celle de la femme qu'il aime. Ils ont eu trois enfants et s'ils vivent dans une maison agréable, c'est parce que Bensch a su faire.
Entre Cassio et Bensch il y a eu Clem et le retour de celui-ci va créer un point de bascule.
Julia Kerninon ne crée pas d'icônes mais des femmes qui avancent, qui refusent, qui se renouvèlent.
En filigrane les lecteurs retrouveront la création littéraire et celle-ci semble danser avec liberté et passion.
La psychologie des personnages de ce roman est encore plus approfondie, elle surfe sur des bases solides mais aussi sur les failles de chacun.
Pour les femmes la faille la plus prégnante est celle de trouver sa juste place.
Pour cela il faut se battre, s'imposer, renoncer aussi et louvoyer souvent.
Dans ce roman, il y a plus de personnages, l'écriture est ample, dense, et dans une construction qui suit l'évolution de la psychologie de son personnage. Femme multiple, solide mais pas seulement, libre mais pas uniquement. Une complexité qui est analysée avec brio, l'auteur n'a pas besoin de faire de son personnage principal une femme fatale ou lisse ou agréable.
Sauvage, oui, Ottavia grandit en poussant tout sur son passage, mais son épanouissement sera-t-il complet avec son « travail », où devra-t-elle explorer d'autres contrées pour être en phase avec ce qu'elle est profondément ?
Je pense que ce portrait de femmes risque de déranger certaines âmes ; pour une femme particulièrement être à sa place est l'équilibre à trouver entre habiter son corps et sa vie.
Un roman inspiré et inspirant.
©Chantal Lafon
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