Dans ce court texte autobiographique,
Julia Kerninon livre sa vérité quant à la prise de conscience de sa maternité, elle qui ne jurait que par la liberté. Une écriture funambulesque, l'autrice marchant sans cesse sur un fil oscillant entre jeunesse perdue et nouveau statut maternel, comme s'il fallait choisir entre les deux « une fois qu'on devient mère ». C'est très bien écrit, érudit, touchant parfois, mais à ma grande surprise et déception, je suis restée en dehors.
Le thème de cet ouvrage m'attirait pourtant, puisque selon la quatrième de couverture (ne jamais totalement se fier à une quatrième de couverture pourtant ! Je suis éditrice, croyez-moi ! 😉), nous sommes censés plonger avec l'autrice « au coeur des sentiments ambigus de la maternité. […] Comment être mère ? Comment rester soi ? ». Je m'imaginais donc un texte centré sur ces questions importantes quand on découvre les joies (et les affres) de la maternité, car c'est un moment rarement anodin pour une femme. Or, je les ai trouvées très périphériquement traitées, au début du texte — quand
Julia Kerninon caresse le fantasme de prendre ses jambes à son cou (ce que j'estime être, pour ma part, une pensée très raisonnable) une fois son premier enfant né puis qu'elle se prépare pour le second (cet écueil dans lequel les parents tombent souvent, parce que la mémoire est inconstante et nous fait souvent nous souvenir, comme pour la douleur, qu'aux bons moments ) — et la fin de l'ouvrage quand elle explique comment avoir résolu son dilemme : accepter que le nous d'aujourd'hui est une continuité de ce que nous avons été. le même mais différent.
En somme, un propos pas tellement révolutionnaire grâce à la libération de la parole sur ce point depuis quelques temps, mais rédigé d'un point de vue suffisamment égocentrique pour penser qu'il est partagé par bien peu de personnes. Or, tout parent normalement constitué se demande souvent où sa jeunesse est passée, et où est le jeune adulte insouciant d'avant (et le regretter ou pas).
Bref,
Julia Kerninon a préféré se concentrer sur ses frasques de jeune adulte qui a vécu, qui s'est définie par l'amour et l'écriture, qui a rencontré l'amour de sa vie, bien sage après tous ces tumultes. C'est beau, c'est juste, c'est bien écrit, mais ça prend toute la place, et ce n'est pas ce voyage-là que je souhaitais lire….
En revanche, lire ce texte après «
Liv Maria » prend tout son sens car il permet de comprendre combien
Julia Kerninon a puisé dans son propre matériau pour l'écrire. Peut-être ai-je trop cherché de réponses aux tourments de
Liv Maria dans «
Toucher la terre ferme »….