Ce volet des enquêtes de Bernie Gunther se passe en deux temps et en deux lieux : la première partie se tient en 1934 dans un Berlin en pleine préparation des jeux olympiques de 1936, un évènement qui doit, selon les nazis, montrer au monde la toute puissance du Reich d'Hitler et de la race aryenne. La deuxième partie se passe en 1954 à Cuba, où Batista exerce sa dictature, aidé par la CIA et les Etats Unis, sous la menace de révoltes des camarades de Castro.
Dans la première partie, Bernie Gunther, "démis" d'une police nazifiee, enquête, en tant que responsable de la sécurité de l'
hôtel Adlon, sur la mort apparemment naturelle du Doktor Rubush, propriétaire d'une des plus grande mine de calcaire d'Allemagne... Il y fait la rencontre d'une journaliste américaine, Noreen Charalambides, qui est venue pour dénoncer les conditions de vie des juifs allemands et la politique du régime nazi, tout cela afin de convaincre le comité américain des jeux olympiques de boycotter les JO allemand. Un businessman américain, Max Reles, met son expérience et son avidité au service du Reich pour construire les stades et infrastructures des JO.
Philip Kerr nous montre une Allemagne devenue nazie, où tout est interdit aux juifs, le commerce, les postes de travail dans l'administration ou dans le bâtiment, et ou leur mort importe peu (accident ou meurtre). le régime enferme les opposants dans les camps de concentration, les SS matraquent à tout va dans les rues, la nuit brune est tombée sur l'Allemagne. Et dans ce contexte, Bernie Gunther, qui soutenait la République démocrate de Weimar, ne s'y retrouve plus. Plus sarcastique et désabusé que jamais, machiste assumé, il va pourtant retrouver des couleurs et un sens à son métier avec Noreen. Car le régime nazi est sous pression en ce qui concerne la construction des stades, il faut aller vite... Alors le Berlin des affaires soudoie, côtoie la pègre, fait travailler au noir des juifs, et manipule les marchés des matières premières nécessair
es aux fabrications. Gunther enquête dans les bas fonds berlinois, sous pression lui aussi, et cela lui permettra de comprendre ce qui se trame au sommet dans cette Allemagne rongée par le nazisme. Comme toujours
Philip Kerr est dur avec son enquêteur qui prend des risques énormes et donc des coups, frôle la mort, et doit lui aussi composer avec le régime et les bandits mafieux pour survivre.
Et 30 ans plus tard, on retrouve les principaux personnages, Noreen et Bernie Gunther, ainsi que Max Reles à la Havane, dans la deuxième partie encore plus sulfureuse !
Là, on passe des casinos aux cabarets, dans ce Cuba qu'on appelait le "bordel des États Unis" avant le révolution de 1959. Gunther a changé de vie, et d'un régime totalitaire à l'autre, il s'est rangé des mécaniques... Mais l'histoire le rattrape. Noreen, dont il est toujours amoureux après 20 ans d'absence, a évolué et soutient les futurs guérilleros. Il devra encore naviguer entre deux camps, qui ne lui conviennent pas. Mais on ne se refait pas, sa loyauté (ou dévotion amoureuse) envers Noreen va encore lui jouer des tours... et puis, il apprend des choses qui vont l'impliquer personnellement...
C'est un très bon roman policier "historique" qui nous fait voyager dans deux temps bien distincts. Je pense que j'aurai du lire d'abord "
les ombres de Katyn" (qui se passe en 1943) car il en est question dans la deuxième partie. Cela ne gâche en rien la lecture et l'intrigue. Mais je voulais suivre la chronologie du personnage dans le temps, ce que ne fait pas l'excellent
Philip Kerr.