La faim et le corps : Une étude psychanalytique de l'anorexie mentale

A partir des deux positions schizo-paranoïde puis dépressive qui caractérisent successivement la première année de la vie, elle [Mélanie Klein] distingue la peur d'absorber des substances destructrices dangereuses pour l'intérieur du corps, qui est paranoïaque, de la peur de détruire les bons objets extérieurs en les mordant, ou de mettre en danger le bon objet intérieur, en y introduisant du dehors des substances mauvaises, qui est de nature dépressive.

Cependant, si l'on y regarde de plus près, de quoi était faite la satisfaction que l'enfant donnait ? Sage, ne réclamant rien, trop sage dirions-nous, il parcourait assez seul son propre chemin. En effet, il avait tendance à s'isoler et n'avait avec ses congénères que des contacts assez fugaces, superficiels, "conformistes". Il en supportait assez mal les jeux et les éventuelles brimades que souvent il suscitait par son isolement un peu hautain, sa susceptibilité, sa vulnérabilité, et aussi par de brusques éclats de colère. Ainsi les parents, la mère en particulier, en viennent-ils à les surprotéger quelque peu, favorisant l'instauration à bas bruit d'une structuration caractérielle spécifiée par un besoin de domination. Au reste, la précocité dont, dans l'ensemble, de tels enfants ont fait preuve, notamment sur le plan intellectuel, contribue dans une certaine mesure à les isoler de leurs contemporains mais aussi à les assurer dans ce statut "d'enfant unique" parfois un peu gâté, presque toujours admiré. Peu communicatifs, peu "expansifs", quelquefois renfermés, ils ont souvent organisé autour d'eux une certaine distance respectueuse dont on est en droit de se demander à quoi en fait elle répond.

Tous trois ont été des enfants sages, silencieux, sans relief accusé qui solliciterait une particulière attention de la part des parents. (...) tout était rentré dans l'ordre et ils ont grandi, travaillant bien en classe, intelligents mais peu communicatifs, apparemment bien "adaptés", sans toutefois de prédilection marquée quant aux camarades ou aux jeux - si ce n'est peut-être pour la lecture. D'Antoine on ne sait même pas ce peu d'histoire personnelle, tant il a grandi "sans histoire".

On peut enfin ajouter au tableau clinique qui nous a été communiqué, tant par les parents que par les divers confrères qui ont eu à s'en occuper : des troubles du caractère de type tyrannique, notamment dans le milieu familial, contrastant avec une docilité et une sagesse exemplaires dans le milieu scolaire.