Pour commencer, je reconnais ma surprise en découvrant que The Jungle Book est en réalité un recueil de nouvelles et plus encore que trois seulement mettaient en scène Mowgli, Bagheera, Baloo et compagnie ! Parmi les sept autres, trois se déroulent également en Inde, mais au milieu, une nouvelle dénote particulièrement en racontant les aventures d'un phoque blanc à travers les océans.
J'appréhendais cette lecture en anglais (qui dormait dans la PAL depuis 2018) par crainte d'une langue désuète et trop compliquée à comprendre (car je suis évidemment plus familière de l'anglais actuel que de celui de la fin du XIXe siècle).
Cette appréhension s'est finalement révélée inutile car ma lecture a été très fluide. J'ai simplement découvert l'utilisation d'un tutoiement archaïque avec la panoplie « thou – thee – thy – thine » et de leur étrange conjugaison (« art – dost – wilt – didst – mayest – etc. »), mais on s'y habitue très vite. La nouvelle m'ayant posé le plus de difficulté était « The White Seal » du fait du vocabulaire marin (notamment avec toutes les espèces de poissons et d'oiseaux) assez spécifique. Cependant, ça restait globalement très compréhensible au-delà de quelques recherches de vocabulaire par curiosité.
J'ai pris plaisir à découvrir les personnages originaux du Livre de la jungle – tout en regrettant de ne pas les côtoyer plus longtemps –, d'autant que ceux-ci m'ont réservée quelques surprises par rapport à l'adaptation de Disney, à commencer par un Baloo plus sage et sérieux et le manque de prestige de Shere Khan – moqué, conspué, obligé de se livrer à des manigances pour retourner certains loups contre Mowgli (eh non, ce n'est pas une jolie fille qui détourne Mowgli des siens !). J'ai particulièrement aimé la nouvelle mettant en scène Kaa et le Bandar-log (le peuple des singes) : Kaa – bien plus amical que dans le dessin animé – apparaît avec une vraie prestance, une influence réellement hypnotisante, l'un des personnages majeurs de cette jungle sans côté rigolo, alors que les singes font presque de la peine dans leur désir d'être remarqués par les autres habitants de la jungle qui les méprisent et les rejettent. Mais, loin de l'image des singes éclairés, ceux de
Kipling sont les trublions inquiétants et imprévisibles de la jungle, sans mémoire, sans but, sans parole.
Dans toutes les histoires d'animaux anthropomorphes, la violence est bien présente, les lois de la jungle ou les règles de la plage sont parfois impitoyables, et la vie et la mort et le sang s'entremêlent. Entre Shere Khan et Mowgli, « aucun d'eux ne peut vivre tant que l'autre survit » ; pour se faire entendre de ses pairs, Kotick,
le phoque blanc, doit faire couler le sang pour prouver sa valeur ; entre Rikki-Tikki la mangouste et Nag et Nagaina les cobras, il ne peut y avoir de trêve. Et puis, il y a l'asservissement et les massacres perpétrés par les hommes…
Les deux dernières histoires mettent en scène des animaux domestiqués par les humains qui parfois trouvent une échappatoire pour une nuit : des éléphants qui vont danser sous la lune et des animaux utilisés dans les guerres des hommes (cheval, mule, buffles, éléphant, chameau) qui discutent de leur manière de combattre et de leurs peurs. Seule une jeune mule, pas encore habituée aux ordres à accomplir sans réfléchir (valables pour les animaux comme pour les hommes…), posera la seule question sensée : « “What I want to now”, said the young mule, who had been quiet for a long time– “what I want to know is, why we have to fight at all.” »
Le travail de MinaLima offre une superbe édition, avec des illustrations colorées et des éléments interactifs. le tout embellit l'ouvrage et sert le texte sans prendre le dessus avec des éléments ludiques.
S'ils voulaient illustrer
le Second Livre de la Jungle – dont certaines nouvelles mettent à nouveau en scène Mowgli et compagnie –, je compléterai avec plaisir la collection !
Si j'ai eu une préférence pour les nouvelles autour de Mowgli (peut-être parce que c'est ce que j'attendais de ce livre et que les autres ont été une découverte inattendue), ces histoires d'apprentissage, bien plus cruelles que la version de Disney (sans surprise), se sont révélées très sympathiques et prenantes, entremêlant aventures et petites réflexions. J'ai apprécié leur conclusion sur la chanson d'un ou plusieurs personnages qui apporte une touche poétique à chaque nouvelle.
L'édition illustrée par MinaLima est un très bel objet-livre et un écrin de choix pour les découvrir !
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