Cette lecture m'a été conseillée : « J'ai beaucoup aimé un livre d'Herman Koch ; "
le dîner". La couverture est moche et ne donne pas envie. Pourtant ce livre qui semble au début être quelque chose de léger, tourne vite au drame, le tout très bien cadré, très bien amené. On est happé par une histoire assez incroyable et on n'en sert pas indemne. » Une chance – si l'on veut – je l'ai trouvé dans la médiathèque où je m'approvisionne. Au début, c'était très bien. On dirait une pièce de théâtre presque. Un couple attend au restaurant un autre couple qui les a invités. C'est un endroit très chic comme il y en a beaucoup en France : cher mais pas rassasiant. Ils ne sont pas venus pour le plaisir d'être ensemble et de déguster de bons petits plats arrosés de bon vin. le politicien Serge Lohman est venu avec sa femme, Babette, discuter de l'acte immoral - qu'ont commis leurs enfants respectifs - avec son frère, le profession d'histoire, Paul, et sa femme Claire. Ils vont laver leur linge sale en famille mais au restaurant – sans doute pour éviter que cela tourne au drame, ou parce que comme le dit l'auteur, le malheur a besoin d'être mis en scène. « le malheur est toujours en quête de compagnie. le malheur ne peut supporter le silence – et encore moins les silences gênés qui s'installent lorsqu'il se retrouve seul ». de là, sortent beaucoup de vérités cyniques pas bonnes à dire mais qui sont dites tout de même. J'ai aimé la description de la France et des Français vus par des Hollandais qui possèdent une petite ferme qu'ils retapent luxueusement en Dordogne à l'aide des artisans du coin. Là-aussi, c'est cynique mais c'est bien vu. Une chaleur étouffante dans ce coin de France, des gens qui les tolèrent pour leur argent et des jeunes qui leur en veulent car le rachat par les Néerlandais des vieilles bâtisses pourries ont fait monter les prix de l'immobilier… Une femme dit : « Nous vivons ici comme Dieu en France » le narrateur se rappelle un vieux spot télévisé disant « Oui, c'est possible de vivre comme Dieu en France. Avec un bon verre de cognac et du vrai fromage français… » Je ne me souviens pas du tout de ce spot mais je pense qu'il dit vrai. le narrateur fait aussi référence à deux films dont l'un Les Chiens de Paille m'a beaucoup marquée : « la population locale, après s'être livrée au début à quelques brimades, décide d'une horrible vengeance contre des nouveaux venus qui pensent avoir acheté une jolie maisonnette dans la campagne anglaise. » Il parle ensuite du film Blow up, de
Michelangelo Antonioni où un photographe agrandissant une photo voit un revolver sous un buisson : plus tard, il s'avère que l'arme a servi à un meurtre. Claire critique vertement le film Devine qui vient dîner ? et le traite de film le plus raciste jamais tourné. Cela m'a fait mal car en son temps, j'avais adoré ce film mais ses arguments sont valables, bien sûr ! le fiancé incarné par Sidney Poitiers est un homme charmant, un noir intégré. « Il doit servir d'exemple pour tous les autres Noirs déplaisants, les Noirs incommodants, les Noirs dangereux, les voleurs, les violeurs et les dealers de crack. » J'avais aimé ce film et voici qu'on me le démonte brillamment ! L'auteur semble très instruit en tout cas en ce qui concerne la filmographie contemporaine. Mais a-t-il lu tous les traités de morale antique ? Son livre ressemble à une tragédie grecque sans que son issue soit fatale. N'est pas
Sophocle qui veut.
J'ai ressenti beaucoup de malaise en voyant le comportement insensé de Paul, le professeur vis-à-vis de ses supérieurs et du directeur de l'école de son fils, puis aussi en voyant le manque d'éducation de son fils, Michel qui tourne au voyou d'ultra-droite, qui ne supporte pas l'autre dans son avilissement, lui, le petit fils bourgeois, bien propre sur lui, face à l'humain déchu, le clochard. Et la maladie, que ce soit l'autisme, le syndrome d'Asperger ou tout autre maladie mentale, n'est pas une excuse à de tels comportements.
J'ai refermé ce livre avec beaucoup de gêne. Bien sûr beaucoup de vérités sont dites mais étant à ce point cyniques et brutales, mieux aurait valu qu'elles restent enfouies dans l'inconscient de leur auteur. C'est désespérant de voir qu'au vingt-et-unième siècle, on en est toujours au même point.