Jenny, médecin, et sa jeune soeur Lisa découvrent un étrange spectacle en arrivant dans la ville montagnarde de Snowfield, Californie. Corps disparus, mutilés, et pas une seule âme qui vive dans ce patelin pourtant sans histoire. Ou plutôt, si : il y a bien une âme, quelque chose, qui vit là, dans les ténèbres.
Très clairement, si vous avez peur du noir, ce roman ne va pas vous aider.
Je ne connais absolument pas
Koontz, qui a un lectorat très solide aux Etats-Unis mais très modeste, pour ne pas dire confidentiel, en France. Aussi est-ce ma première fois avec l'auteur – enchanté monsieur – souvent présenté comme étant un ami de
Stephen King, rien que ça. Un tel statut ne stipule absolument rien sur la qualité d'écriture du copain –
C.S. Lewis était très ami avec
J.R.R. Tolkien, pourtant ce dernier
lui trouvait une plume faible et facile. Comme quoi. Mais là King adore
Koontz et c'est tant mieux pour
lui. Ce qui importe, en fait, c'est qu'on adore aussi
Koontz ou, en tout cas, qu'on
lui trouve de charmantes qualités qui nous font regretter qu'il ne soit pas davantage connu par chez nous.
le roman est paru en 1983 sous le titre Phantoms aux Etats-Unis et a été publié trois ans plus tard en France, traduit par
Jacqueline Lahana. J'aime bien citer le nom des traducteurs et des traductrices et tout le monde devrait le faire : sans ce beau monde il serait difficile d'accéder à certains chefs-d'oeuvre de la littérature et leur importance est plus grande que celle qu'on leur accorde.
Koontz entre tout de suite dans le vif du sujet : dès les premières pages, l'horreur est là, et on visite en compagnie de Jenny et Lisa une ville dont la population a au mieux disparu, au pire été trucidée dans d'atroces souffrances. le gore est là : mains serrant toujours un rouleau à pâtisserie, têtes humaines passées au four, corps gonflés et noircis… Mais aucune trace des éventuels coupables – la liste des suspects allant d'un ou plusieurs tueurs en série à une arme bactériologique. le silence est assourdissant. Parce que la ligne téléphonique ne fonctionne pas normalement, il est difficile pour Jenny d'appeler à l'aide… Et d'ailleurs, elle sent bien qu'il y a une présence au bout de la ligne, à chaque fois qu'elle tente de joindre qui que ce soit. La médecin arrive toutefois à appeler le shérif d'une ville voisine, Santa Mira, qui se rend sur place en compagnie d'une petite équipe. le but, alors, va être simple : tenter de comprendre ce qui s'est passé, éviter que tout cela s'ébruite, et faire comme se de rien n'était. Trop simple. Voilà l'humanité prise en chasse par on ne sait trop quoi, et ce on ne sait trop quoi va justement réveiller en vous la peur du noir.
C'est vraiment bon. Comme dit plus haut, c'est ma première fois avec
Dean Koontz, petit coquin que je suis, et j'ai vraiment pris mon pied – on n'a qu'à continuer dans les allusions sexuelles. Dans sa première moitié,
Spectres fait peur, très peur. C'est violent, spectaculaire,
Koontz a un sens du suspense inégalé (même
Stephen King fait pâle figure, à côté). Les personnages principaux sont très attachants : on s'entend tout de suite bien avec les filles Jenny et Lisa, mais aussi avec Bryce, le shérif de Santa Mira, ainsi que quelques gars de son équipe. Histoire de consolider l'arc narratif de Snowfield,
Koontz rajoute d'autres sujets dont on comprend leur importance et leur intérêt au fur et à mesure des pages tournées. Certaines scènes sont très réussies et particulièrement éprouvantes. Je pense notamment à celle où plusieurs personnages sont devant la porte entrouverte d'une chambre froide dont l'intérieur n'est pas éclairé et de laquelle sort la voix d'un flic présumé mort.
L'une des grandes forces de
Koontz, est qu'il ne cède jamais à la facilité en disant « Hey, en fait les gars, c'est juste une force surnaturelle qui est à l'oeuvre ». Non, chaque ligne de dialogue suinte le rationnel, chaque personnage (on a quand même une doctoresse, des flics et des militaires) transpire le rationnel. Et c'est d'ailleurs ce qui rend le tout encore plus horrible: le responsable de toutes les morts semble être quelque chose faisant partie de notre monde.
Seulement… La seconde moitié vient contrebalancer la première, d'un point de vue qualitatif. La raison de tous les événements et surtout la solution au problème sont vraiment décevantes. Surtout la solution, oui, parce que trouvée assez rapidement, et on sent un essoufflement d'imaginaire de la part de l'auteur.
Il est très difficile – pour ne pas dire impossible – de ne pas penser aux scénarios des films cultes que sont Predator et Alien qui s'appuient sur le même principe que
Spectres : un groupe d'individus est pris en chasse par quelque chose dont n'apprend la nature qu'à la toute fin. Comme disait
Lovecraft, il n'y a rien de plus effrayant que l'inconnu.
Et la petite anecdote qui fait plaisir : l'une des victimes est un prêtre, le père Callahan, qui n'est autre qu'un clin d'oeil adressé à
Stephen King, puisque le personnage de Callahan est présent dans
Salem et le cycle de la Tour Sombre. Un autre personnage quant à
lui s'appelle Arkham, référence évidente à
Lovecraft dont l'esprit n'est finalement pas si évoqué que ça. Quoique fan du Maître de Providence depuis une époque où il n'était pas aussi populaire qu'aujourd'hui, j'apprécie le fait que
Koontz ne cherche pas systématiquement à
lui pomper des idées, comme beaucoup d'auteurs horrifiques le font malheureusement aujourd'hui.