Un écrivain hongrois que j'affectionne tout particulièrement...
Un pessimiste joyeux , observateur lucide, sombre, mais n'hésitant à formuler des réalités noires avec un esprit facétieux, malicieux et parfois, à la limite du fantastique !
Mes préférences dans ce recueil vont à un très beau texte sur "Anatole
France", "Poète des livres " !..., "La machine à écrire déchaînée", où notre auteur décrit les objets consacrés à l'écriture , de la plume d'oie, en passant par le stylo-plume, le bille et enfin la machine à écrire, endiablée...Inutile de demander ce que l'écrivain préfère ?!!...
Une autre nouvelle très bouleversante , "Cygne", sur la mort du chien de l'écrivain...ses considérations très sensibles sur les rapports entre les hommes et les bêtes ...!
Une empathie communicative envers les délaissés, les solitaires, les "décalés", les originaux...ceux qui ne se sentent pas ou ne
parviennent pas à être reliés à la société...
Il y a des textes d'une incroyable actualité, comme "La politique de l'autruche", où notre narrateur (auteur ?) est tourmenté de rencontrer autant de chômeurs dans les rues, de SDF, sans activité...
"Spectacle pitoyable que celui de tous ces chômeurs !
Je suis entouré de personnes qualifiées, qui pourtant traînent toute la journée, désoeuvrées, et dorment à la belle étoile, sur un banc. Aucune entreprise ne veut les embaucher. Jour après jour, ces malheureux cumulent des certificats d'inutilité : ils sont comme de trop sur cette terre. Difficile, alors, de supporter une telle situation." (p. 167)
Son médecin lui recommande de partir quelques jours se changer les idées... et cesser de se tracasser du chômage...
Ce qu'il tente de faire en partant dans une station balnéaire... mais manque de chance...
il fait à nouveau moult rencontres de personnes, occupant des postes subalternes, alors qu'il possèdent des formations et compétences supérieures...Rien ne servit à notre narrateur...
S'enfouir la tête dans le sable, adopter la politique de l'autruche...fut sans le moindre effet !!
Je transcris la "chute" pour montrer le côté loufoque relié souvent à la gravité ...chez cet écrivain....
"-Veuillez vous rassurer, répondit-il. C'est une panne tout à fait anodine. Je vais réparer le moteur sans délai.
- Vous vous y connaissez donc ?
-Bien sûr, avec votre permission. J'ai mon diplôme d'ingénieur mécanicien, avec votre permission.
La nuit, j'eus un cauchemar. Je rêvai que Rubens repeignait ma chambre et que des rois ciraient mes chaussures.
Le matin, je pris le train et rentrai chez moi" (1930)
Dezsö Kostolanyi... me manque pas de se moquer, de persifler tous les travers de la société, des hommes... du chômage aux publicitaires mensongers en passant par les politiciens véreux...et la solitude infinie des individus ne parvenant pas à se sentir liés à leur société....
Un auteur , romancier et nouvelliste surprenant et captivant, à découvrir ou relire; ce que je fais présentement, avec autant de jubilation !!...
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La politique de l'autruche
Spectacle pitoyable que celui de tous ces chômeurs !
Je suis entouré de personnes qualifiées, qui pourtant traînent toute la journée, désoeuvrées, et dorment à la belle étoile, sur un banc. Aucune entreprise ne veut les embaucher. Jour après jour, ces malheureux cumulent des certificats d'inutilité : ils sont comme de trop sur cette terre. Difficile, alors, de supporter une telle situation. (p. 167)
Anatole France
Les principaux personnages de ses romans lui ressemblent. Une lampe de bibliothèque les éclaire d'une lumière à la fois plus crue et plus intime que celle du soleil. Ames déchirées de notre siècle, ses personnages sont partagés entre paganisme et christianisme, entre instinct et morale, entre pensée et sentiment. Et s'il est vrai que la toile de fond de leur vie n'est pas un pré, mais un pan de mur couvert de livres, ils n'en sont pas moins véridiques et réalistes. (p. 162)
La mort de Cygne
Telle était, à peu près, la relation qui nous liait l'un à l'autre, deux créatures coexistant sur cette planète, deux compagnons voués à y respirer et à y mourir. Si le mot "concitoyen" exprime l'appartenance à une même communauté nationale et le mot "contemporain" traduit le fait de vivre à une même époque, aucun vocable de la langue ne désigne la grande et mystérieuse communauté qui existe entre deux êtres vivants. (p. 140)
la machine à écrire déchaînée
On pourrait consacrer tout un ouvrage à l'influence de l'outil sur l'art
d'écrire. Jadis, la plume d'oie requérait un respect, que dis-je, un
recueillement particuliers: l'écrivain la choisissait, la taillait et
l'arrondissait lui-même avec amour pour l'adapter à la forme de sa
main, à ses manies, à sa personnalité, afin que, oublieux de l'univers,
il puisse s'adonner entièrement à son sujet. Les arabesques artistiques
que dessinaient les plumes d'oie déterminaient la forme des phrases,
le choix des épithètes et jusqu'aux rimes bricolées avec amour. Vint
ensuite la plume d'acier, brillant d'un éclat froid tout industriel, mais
qui supposait la présence, sur la table, d'un encrier, puits dans
lequel la plume plongeait de temps en temps pour se désaltérer,
avant de rester à méditer quelques instants sur la margelle. (...)
Enfin apparut la machine à écrire, avec son vacarme infernal, avec
la rapidité des réflexes dactylographiques, avec la voltige du
papier strong et des pelures, et la triste cohorte des dilettantes qui
s'expriment avec autant de hâte que de prolixité, accouchant de
sagas en dix ou quinze volumes, où ils s'évertuent à diluer le
néant. Déchaînée, la machine se mit à écrire d'elle-même.
(...) (p. 177)---1936
Anatole France
Le livre est sa Muse secrète. Ses premiers regards ayant porté sur les livres, ceux-ci devaient l'accompagner durant toute sa vie. Ils sont partout: sous les arcades de l'Odéon, où il passe en philosophant, ou bien en accompagnant de son fameux sourire désabusé ses personnages à leurs rendez-vous amoureux. (p. 161)
Dezso Kosztolanyi. Anna la douce.