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2,93

sur 130 notes
Voici un livre complexe où l'auteur trace le parcours de deux personnes épuisées par leur vécu, en quête de réponses et de renaissance , le sentiment de non accomplissement , dévorées et fragilisées par le doute ....

Cherchent - elles une reconstruction , une métamorphose, une renaissance , une connaissance d'elles mêmes et du monde?
S'abandonnent - elles à leurs incertitudes entre rêve et réalité ?


Jules Epstein , richissime avocat New- Yorkais qui s'est fait tout seul, Pére de trois enfants , Jonah, Lucie, Maya , dix et treize ans de moins que ses aînés a disparu.

Il se dépouille de tous ses biens .

S'installe dans un logement minable à Tel - Aviv, s'évapore dans l'entourage d'un rabbin mystique...

Y serait - il pour quelque chose ?

Emporté par sa perte d'intérêt pour le plaisir, l'énergie tempétueuse ne souffle plus en lui....

Il divorce de sa femme Lianne aprés trente - six ans de mariage ...
Le deuxième personnage Nicole , 40 ans , le double de la Romanciére , aprés la dissolution de son mariage séjourne au Hilton de Tel- Aviv., lieu qui peut être intégré à la narration tellement il y est présent ...

Photographié au coeur de l'ouvrage , ce bâtiment ressemble à une barre de béton, glaciale et affreuse .

Par la grâce de l'écrivain, il apparaît comme un endroit chaleureux et ouvert sur le monde , propice au rêve ...

L'architecture est omniprésente dans ses romans .

Ce roman intense et riche évoque la création littéraire , l'identité juive et l'invention de soi -même , la création du monde et la théorie du" multivers", les faux semblants et les jeux de miroirs, le deuil et la mémoire, les fantasmes, l'invention de soi -même , le poids du passé ....

L'auteur embrasse une multitude de sujets , la responsabilité dans l'écriture de nos vies, leur orientation, la possibilité d'en changer le cours à tout moment, entre rêve et réalité .

Oú l'on croise Kafka ....l'écrivain Max Brod , Esther Hoffe, Shimon Pérez , Madeleine Albrigt , une façon d'humaniser ces gens célébres , Eliezer Friedman , professeur de littérature retraité, qui confie à Nicole une mission d'un ordre un peu spécial ....

L'auteur cherche par le biais de la littérature à élargir la réalité , à visiter le champ des possibles , à pénétrer dans l'esprit de quelqu'un d'autre afin de s'interroger sur qui elle est, un voyage oú la métamorphose n'est jamais loin , oú le fantastique s'invite.

....
Un roman plus complexe que " L'histoire de l'amour ", un concentré de philosophie, qui offre une multitude de sillons à creuser , dans le champ des possibles, pas du tout facile à decripter par sa densité .....

La vie serait- elle un roman ?

Il se déroule intégralement en Israël ..

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Philipppe Roth salue Forêt obscure de Nicole Krauss comme un livre brillant. Il l'est. L'auteure nous tient en haleine non par le caractère haletant de l'intrigue mais par le tsunami mental auquel elle nous convie via l'histoire des deux héros : Nicole (un double d'elle-même) et Epstein, tous deux juifs américains, en pleine crise existentielle. La première a le sentiment de cumuler échec amoureux et stérilité créative. le second ne supporte plus sa réussite sociale et financière. Même si l'un est un être de l'excès et du trop-plein et l'autre une créature qui vit une dissociation permanente dans laquelle elle a du mal à s'ancrer corporellement dans un lieu, leur point commun est qu'ils vont décider tous les deux de partir, sous de faux prétextes, en Israël et plus particulièrement à l'hôtel Hilton à Tel Aviv.
Le roman nous embarque alors dans un récit initiatique et une quête métaphysique qui vont, au gré des associations et des dérives auxquelles nous convie l'auteure, nous faire entrer dans l'univers mental de ces deux personnages sans que nous puissions nous en évader tant le style de l'auteure nous empêche de lâcher prise.
Point de distraction ou de respiration du côté du monde extérieur : lieux et objets ont souvent une forte valeur symbolique qui nous entraîne bien loin des ressentis sensoriels.Le Hilton, par exemple, représente une sorte de forteresse refuge dont ils vont s'évader pour entamer ce qui peut s'apparenter à une recherche de leur vrai soi plutôt qu'à une quête spirituelle même si les références religieuses sont nombreuses. Cela va passer pour chacun par de drôles d'aventures qui vont faire basculer le récit du réalisme vers une forme d'onirisme qui, par glissements successifs, va conduire Nicole et Epstein vers des situations de plus en plus cocasses voire absurdes et vers un dépouillement radical, irréversible, auquel ils ne s'étaient pas forcément préparés.
Fin des faux-semblants et des vies par procuration, ils se retrouvent face à eux-mêmes et à la nécessité d'affronter ce qu'ils ont fui jusque là... Pour Epstein cela passera par un projet fou et ruineux celui de planter une forêt en plein désert du Néguev. "Une forêt obscure", c'est-à-dire un lieu ou l'on se perd, où l'on s'abandonne pour mieux se retrouver. Pour Nicole, après la découverte qu'elle ne vit depuis son enfance que sous l'emprise d'un conformisme social qui la coupe d'elle-même et qui explique son absence d'ancrage corporel, cela passera par une expérience mystico-extatique en plein désert. Là encore le choix du lieu n'est pas anodin par tout ce que cet endroit peut suggérer au niveau d'une quête ou d'une ouverture spirituelle.
C'est un livre qui m'a happée par la densité de la démarche introspective et l'acuité des questionnements métaphysiques auxquels il renvoie. Il m'a donné également du fil à retordre car il fait souvent référence à des connaissances religieuses que je ne maîtrise pas et j'aurais apprécié de pouvoir consulter par exemple en fin de livre, un lexique des termes hébraïques. C'est aussi un roman à clés, qui ne se livre pas facilement et j'avoue d'ailleurs ne pas être arrivée à ouvrir la dernière porte. Si quelle qu'une ou quelqu'un a une explication à me donner je suis preneuse...
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Et si Kafka n'était pas mort de tuberculose et enterré à Prague en 1924 ? Et s'il avait survécu, était parvenu jusqu'en terre d'Israël, était devenu jardinier, avait fini ses jours là-bas tranquillement, sous le soleil et auprès des arbres jusqu'aux années soixante... ? Qu'en pensez-vous ? Idée saugrenue ? Osée ? Candide ? Irrationnelle ? Fantastique ? Ou peut-être un rêve tout simplement, qui sait ? Pourtant, pourtant...
Ce rêve germe, éclot, dans le roman que je viens d'achever, Forêt obscure, dernier roman de Nicole Krauss. Un rêve, bien plus qu'un rêve, une idée folle, peut-être vraie après tout, puisqu'un homme y croit follement, confiant ce récit à la narratrice, convoquant l'enfance et le voyage, puisqu'il est question d'un manuscrit mystérieux... Bon, ce n'est pas l'essentiel du livre mais comme je suis un inconditionnel de Kafka, cette idée m'a totalement séduit...
Forêt obscure est un livre complexe, onirique, terriblement exigeant, mais ô combien bienfaiteur. J'aime l'univers dans lequel Nicole Krauss invite ses lecteurs, m'a entraîné dans cette histoire. C'est le premier livre que je lis de cette auteure. C'en est déjà son quatrième roman. Comment suis-je venu à découvrir cette auteure ? Par hasard, en écoutant la comédienne Léa Drucker lors d'une émission de radio, évoquer quelques-unes de ses lectures consolatrices...
Le titre de ce livre provient d'une citation de Dante : « Au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvai par une forêt obscure ».
Qu'advient-il lorsqu'on a perdu son chemin dans la vie ? Deux histoires avancent, se répondent, celle de Jules Epstein, sexagénaire millionnaire américain saisi d'une crise mystique et souhaitant disparaître dans le désert et celle de Nicole, une écrivaine américaine, ressemblant sans doute de très près à l'auteure, qui doit affronter le naufrage de son mariage. Qu'ont-ils en commun, ces deux-là, à part la fuite de deux êtres qui ne supportent plus leurs vies new-yorkaises ? À part un itinéraire les amenant vers Tel-Aviv ? Sans doute arrivent-t-ils tous deux à un tournant de leur vie... Leur point de départ de cette nouvelle existence : l'hôtel Hilton de Tel-Aviv, immense bloc de béton affreux et moderne posé en bord de mer. Pourtant c'est ici, dans cet endroit laid qui défigure le paysage que la narratrice se souvient d'un épisode merveilleux, inoubliable de sa vie, au bord de la piscine de cet hôtel lorsqu'elle avait sept ans...
Happés par le fantasme de la disparition, ils s'abandonnent alors à leurs incertitudes.
Qu'attend-on de la vie à soixante ans, ou à quarante ans, homme ou femme, lorsque le bilan de ce qui est derrière nous s'avère pauvre, fade, amer en définitive. Lorsqu'il manque quelque chose d'essentiel... Pas forcément totalement fade, mais disons qu'on en attendait peut-être un peu plus... Ou peut-être n'avons-nous pas fait l'effort, trouver le temps, pour accorder à notre vie les chemins et les respirations nécessaires...
Comment saisir ce qui n'a jamais été atteint ? La grâce, le bonheur de se retirer du monde, recommencer peut-être, ou du moins renaître ailleurs...
J'ai appris tout récemment que l'origine du mot crise n'était pas si négatif que cela et puisait dans son étymologie grecque une idée de métamorphose et de rebond, une chance de changer peut-être alors...
Ici, Jules Epstein et la narratrice sont en état de crise et c'est sans doute la meilleure chose qui peuvent leur arriver à ce moment précis de leurs vies respectives... Ils sont en mue... Sans doute les anciennes vies ne sont pas inutiles, mais au contraire nécessaires pour accomplir cette mue...
Forêt obscure, c'est peut-être une forêt intérieure où se perdre, lorsqu'on a déjà perdu beaucoup de choses dans sa vie, à commencer par l'essentiel. Se perdre, s'effondrer, s'écrouler... Les forêts intérieures sont des forêts abyssales. Mais comment sortir de cette forêt obscure ? À tâtons peut-être, ou peut-être ne jamais en sortir, errer, s'inventer d'autres espaces loin du bruit du monde.
En définitive, il y a ici beaucoup de choses et c'est ce que ce livre nous révèle, convoquant dans un même prisme la judéité, le deuil, le poids du passé, le devoir de mémoire, la créativité, l'invention de soi-même et le sens de la vie, carrément...
...Jusqu'à la fin, jusqu'à ce voile qui se lève aux toutes dernières pages...
Comment écrire, réécrire nos vies...? Comment changer le cours des choses...? Parfois, dans ce roman on se croirait presque dans un polar philosophique.
L'écriture est plus que belle, elle est magnifique, envoûtante. Elle nous emporte au-delà des pages.
Je ressors de ce livre étonné par quelque chose de beau, de mystérieux, de complexe, de fascinant et c'est la raison pour laquelle j'ai peut-être un mal fou à vous en parler.
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Il m'arrive de m'assoupir le soir, au cinéma, au théâtre ou à l'opéra. Ce n'est pas par ennui. C'est au contraire parce que l'harmonie de ce que je perçois me détend. Je perds le fil, mais je suis bien, je me relâche, je pique du nez.

J'ai à plusieurs reprises ressenti la même chose dans Forêt obscure, le dernier roman de Nicole Krauss, un ouvrage très joliment écrit (et traduit). En relisant plusieurs fois certaines passages touffus et obscurs pour essayer en vain d'en comprendre le sens, je finissais par ne plus percevoir que l'effet murmurant et lénifiant de la musique des mots.

L'auteure, dont le roman L'histoire de l'amour m'avait enchanté, a écrit là un livre difficile d'accès, où l'on se promène, non sans curiosité, à mi-chemin entre rêverie et réalité, entre souvenir et présent, entre mythe et actualité, entre désert flamboyant et forêt obscure. Elle trace le parcours parallèle de deux personnes lasses de leur vécu, en quête d'un renouveau, d'une renaissance, d'une reconstruction, voire d'une métamorphose,… pourquoi pas d'une réincarnation.

Jules Epstein est un richissime avocat new-yorkais, qui s'est construit tout seul, à l'énergie. Bientôt septuagénaire, il entreprend de tout déconstruire, quitte son cabinet, divorce après trente-six ans de mariage, se désintéresse de l'image qu'il donne de lui. Comme s'il était atteint de ce que son notaire appelle le syndrome de générosité absolue, il se dépouille progressivement de tous ses biens, s'installe dans un logement misérable à Tel-Aviv, et s'évapore dans l'entourage d'un rabbin mystique qui l'avait coopté dans un cénacle de descendants du roi David.

L'autre personnage se prénomme Nicole. Si ce n'est l'auteure, c'est donc sa soeur jumelle, son double. Mère de deux enfants, elle envisage de divorcer de leur père. Une perspective qu'elle vit mal. Mais elle doit regarder la réalité en face : comment un intellectuel peut-il être pleinement soi-même, se consacrer aux enfants, et jouer en plus un rôle de conjoint parfait ? Une difficulté que Jonathan Safran Foer, l'ex-mari de l'auteure, pointait aussi du doigt dans Me voici, son dernier roman.

Pour mettre au clair ses idées, Nicole s'est échappée pour un temps en Israël. Depuis l'hôtel Hilton de Tel-Aviv, elle est projetée dans une étonnante odyssée, sur les traces de Franz Kafka, le génial écrivain juif de la Mitteleuropa, qui, lui aussi, étouffait dans son carcan familial. Elle entre en possession de ses manuscrits inédits – dont la propriété a fait l'objet d'un long débat juridique, aujourd'hui arbitré en faveur de la Bibliothèque Nationale d'Israël –. Se pourrait-il qu'elle soit chargée d'une mission sur certains textes non achevés ? Elle pénètre dans un univers onirique, dans lequel Kafka ne serait pas mort de sa tuberculose à Prague en 1924. Miraculeusement exfiltré en Palestine, où le climat lui aurait été bénéfique, il se serait métamorphosé – non, pas en cloporte ! – en jardinier de talent et aurait fini ses jours dans une petite cabane dans le fond d'un désert. Un lieu isolé, parfait pour la méditation, où elle ira au bout de son introspection.

Dans une interview, Nicole Krauss clarifie son parti de mettre en scène son double : « Invitons-la dans un univers de fiction pour voir ce qu'il lui arrive lorsqu'elle est soumise à toutes sortes d'expériences imaginaires. Voyons comment sa personnalité se transforme, se développe, et quelles en sont les conséquences. Voyons ce qu'il en sort d'intéressant, en espérant que le lecteur fasse la même expérience pour lui-même ».

Espérons que Nicole Krauss en aura tiré des enseignements profitables. Pour ma part, malgré les difficultés rencontrées en tant que lecteur de Forêt obscure, je n'éprouve pas le besoin de suivre le même chemin.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Voilà un des événements littéraires de la précédente rentrée littéraire tant «Forêt obscure» arrive tard, plus de dix ans après «L'histoire de l'amour» un roman au succès incroyable qui a fait connaître l'Américaine en France.

Le roman de Nicole Krauss est vraiment un superbe roman, très riche en thèmatiques passionnantes ( la survie, la trahison, le nazisme , la famille, la passion) et présentait surtout une construction narrative ingénieuse et très maitrisée au fil de périodes et de lieux différentes qui se répondaient l'un à l'autre.

Plus exigeant encore que "l'histoire de l'amour," le nouveau roman de Nicole Krauss embrasse les mêmes thèmes,la judéité, le travail de mémoire; le poids du passé ;la création littéraire, et toujours par le prisme d'une construction littéraire ambitieuse et singulière.

Car c'est à une oeuvre exigeante que nous invite Nicole Krauss, à cheval sur deux histoires ; l'une concernant un certain Jules Epstein, un sexagénaire new-yorkais et philanthrope qui dilapide sa fortune au gré d'une crise mystique entre deux rencontres étranges dans les couloirs du Hilton. et l'autre une concerne une certaine Nicole qui commence un roman et qui pourrait être l'auteur elle-même.

Un texte fort et exigeant, où il est question de métaphysique, de théologie . un texte nourri d'intense réflexions philosophiques qui ravira les lecteurs plutôt aguerris à ce genre de littérature peu acessible mais profondément intelligente, mais qui laissera de côté ceux qui se sentiront vite perdus par les références et l'éruditionpermanente de l'auteur.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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C'est une oeuvre exigeante que nous propose Nicole Krauss, un texte nourri de philosophie, de métaphysique, de théologie et qui s'intéresse aussi à la création littéraire. 
En effet, dans son dernier roman, elle met en scène deux personnages que l'on va suivre et qui ont comme point commun d'arriver à un tournant de leur vie, à un moment où ils ressentent la nécessité de tout remettre en cause. Dévorés par le doute et le sentiment de ne pas avoir suivi le bon chemin sur la route de l'existence, ils vont vivre chacun à leur manière une espèce de basculement, un nouveau départ qui revêt la forme d'une quête : quitter une petite vie bien ordonnée, bien organisée pour se lancer ailleurs dans une espèce de chaos dont ils sortiront, du moins l'espèrent-ils plus ou moins consciemment, peut-être autres, en tout cas réinventés. C'est risqué, très risqué même, mais les personnages de Nicole Krauss osent. C'est leur caractéristique et c'est aussi ce qui permet… le roman !
Pour Jules Epstein, un richissime avocat juif new-yorkais qui a brillé toute sa vie durant, la « transformation » (transfiguration?) va tout d'abord consister à donner une grande partie des ses biens et de son argent. S'alléger du poids des possessions matérielles pour se tourner vers plus de spiritualité. Pour ce retour en lui-même, il lui faut impérativement revenir vers les lieux qui l'ont vu naître en Israël.
Il va séjourner à l'hôtel Hilton de Tel-Aviv où Nicole, une écrivaine juive américaine à succès, va également résider. Elle aussi est en pleine crise : son couple va mal, elle n'a plus d'inspiration et s'ajoute à cela le sentiment étrange d'être double : une mère aimante mais engluée dans sa vie de famille et une écrivaine à la recherche de l'inspiration. Souhaitant écrire sur l'hôtel Hilton de Tel-Aviv où elle passait ses vacances, enfant, elle part en Israël, elle aussi. 
Le voyage des deux protagonistes ainsi que les rencontres qu'ils feront les conduiront à se remettre en question : Epstein s'interrogera par exemple sur les liens qu'il a créés avec sa femme et ses enfants, sur le sens de sa vie et sur Dieu. 
Quant à Nicole, il lui faut accomplir une mission qu'un universitaire lui a confiée : retravailler la biographie de Kafka.
Tous deux, contrairement à Joseph K. dans le Procès - qui demeure assis devant la porte de la Loi sans jamais oser pénétrer dans la pièce alors qu'il se devait de le faire - , iront plus loin, franchiront les limites, accompliront leur destin, s'échapperont et pénétreront dans la forêt obscure de leur être et du monde afin d'y trouver une forme de liberté, de vérité et de repos (for rest...).
Peut-être  qu'Epstein et Nicole avaient « une prédisposition à l'espoir et au désir ardent » dont Joseph K. (Kafka) était dépourvu.
Forêt obscure est un roman complexe dans lequel les références aux textes et aux rites juifs, les analyses et interprétations des livres sacrés, les réflexions sur le sens de la vie, la notion de destin à accomplir sont autant d'interrogations qui invitent à de multiples interprétations. 
Une lecture passionnante et intellectuellement stimulante !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Présenté par certains comme le livre de la rentrée, il est évidemment dur de tenir la rampe des espoirs du lecteur.

Déjà, c'est de la littérature américaine, qui, sauf à être exceptionnelle, me laisse souvent une impression de préfabriqué selon les règles universitaires des facultés à la mode.

J'ai trouvé un élan, une envie de raconter une histoire, ou, plutôt deux histoires croisées. Je l'ai lu en français et, comme souvent, je me dis que j'ai dû manquer les saveurs de la version originale. J'ai manqué un enthousiasme, un besoin de lire coûte que coûte la suite de l'histoire.

Conclusion en demi-teinte donc. La seule certitude, j'espère découvrir mieux ou encore mieux dans la rentrée littéraire de cette année.
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Le vieil homme et la romancière

Nicole Krauss creuse le sillon de ses obsessions dans ce roman mettant en scène un juif américain et une romancière partis en Israël. Leurs histoires parallèles vont nous faire croiser, entre autres, les descendants du Roi David et Franz Kafka.

Après avoir lu le nouveau roman de Nicole Krauss me revient en mémoire l'entretien de Camille Laurens et Laure Adler sur France-Culture et cette affirmation de la romancière : «je pense comme Marcel Proust qu'on écrit toujours le même livre, parce qu'on est hanté par quelques obsessions. Mais à chaque fois je cherche une forme différente, peut-être pour dire toujours la même chose… »
« Forêt obscure » s'apparente en effet beaucoup à « L'histoire de l'amour » qui a fait connaître l'Américaine en France. En y retrouve le travail sur la mémoire et le deuil, la judéité et la littérature.
Les chapitres, empilés à la manière d'un mille-feuille, nous offrent d'abord de suivre Jules Epstein en Israël où ce riche New-yorkais a disparu sans laisser de traces, puis de revenir sur son parcours avec ses enfants Lucie, Jonah et Maya qui tentent de trouver les indices susceptibles d'expliquer cette disparition. Entre-temps, on aura fait la connaissance de Nicole, écrivain de son état, qui a suivi le même chemin qu'Epstein et a aussi séjourné au Hilton de Tel-Aviv. L'hôtel peut du reste être considéré comme un personnage du livre, tant il y est présent, y compris en photo.
Pour lier les couches du mille-feuilles, on retrouve d'une part la quête d'Epstein sur l'identité juive, ponctuée par la rencontre avec un rabbin qui entend lui démonter qu'il est un descendant direct de David et d'autre part le travail d'écriture de Nicole, également marqué par une rencontre avec un professeur de littérature qui aurait retrouvé des manuscrits de Franz Kafka.
Entremêlant les réflexions du vieil homme sur le sens de sa vie, la généalogie de David avec le portrait des enfants et petits-enfants d'Epstein, l'exégèse et les interprétations du rabbin avec des scènes de la vie quotidienne en Israël Nicole Krauss essaie d'élaguer cette forêt obscure, mais il faut bien reconnaître que son érudition et sa construction ne nous facilitent pas la tâche.
On peut certes choisir de se laisser emporter par les projets et les obsessions de cet homme. Par sa volonté farouche de vouloir laisser une trace, par exemple en faisant planter des hectares d'arbres dans le désert de cette terre promise. Alors son argent lui permettra peut-être de « prendre racine » dans ce pays et de s'assurer une postérité.
On pourra mettre en parallèle le destin de Kafka sur cette même terre et le choix de l'écrivain de se fondre dans la masse, de travailler dans un kibboutz, d'oublier la littérature. À l'image de ce contraste en noir et blanc choisi pour la couverture du livre, on comprend que la quête de la lumière à tout prix est sans doute la moins bonne voie pour laisser sa trace dans l'Histoire.
Un roman que je ne conseillerai qu'aux lecteurs passionnés par la thématique présentée ici tant sa lecture est exigeante.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Après son roman Une histoire de l'amour, que j'avais beaucoup apprécié, je comptais bien renouer avec Nicole Krauss. Forêt obscure ne m'a pas autant emballée même si le récit est toujours aussi enveloppé d'une écriture soignée.
Julius Epstein, avocat newyorkais financièrement à l'aise, ressent, à la fin de la soixantaine, le souhait de changer de vie. Épris d'un « syndrome de générosité absolue », il entreprend de donner ses possessions et son argent à des fondations et des entreprises de son choix, sans égard pour sa descendance. Parallèlement à ce personnage, Nicole Krauss éprouve elle aussi le besoin d'évoluer différemment dans sa vie d'épouse et de mère. Sur un coup de tête, elle part pour Israël, direction l'Hôtel Hilton de Tel-Aviv, souvenir de vacances passées en famille, où elle espère débuter un nouveau roman.
La judéité occupe une place importante dans cette histoire de transformation personnelle, associée à l'implacable constat que tout retour en arrière impose dans une existence. En ce sens, l'hypothèse évoquée autour de la mort de Franz Kafka est fort intéressante, de même que l'idée de la donation et d'un retour à une vie simplifiée.
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Roman remarqué, Forêt obscure de Nicole Krauss est un livre à la part assez belle et singulière.

Jules Epstein a 68 ans. Célèbre avocat d'affaires new-yorkais, c'est un homme fortuné et influent. Il participe un soir dans les salons d'un grand hôtel à une rencontre officielle entre Mahmoud Abbas, chef de l'autorité palestinienne, et quelques uns des plus importants représentants de la communauté juive de New-York. C'est durant cette cérémonie qu'il fait la connaissance subreptice d'un certain Menachem Klausner, un rabbin vivant à Tel-Aviv. La soirée se prolonge un peu. Impatient et quelque peu importuné par le rabbin, Jules Epstein décide de s'en aller prématurément. Arrivé au vestiaire où il veut récupérer ses effets, il s'est produit un fait surprenant : son manteau et son téléphone portable ont été donnés par erreur à une autre personne, celle-ci a déjà quitté l'hôtel. Sorti dans la rue, démuni, Jules Epstein va tenter de regagner son domicile. Dans la nuit, il subit une agression à l'arme blanche, sans cependant de conséquences physiques graves mais arrivé à son appartement, désorienté, il sent une impression de vide profond le submerger.

Nicole a 40 ans. Elle est une romancière de renommée internationale. Avec son époux et ses jeunes enfants, elle vit également à New-York. Elle traverse un moment difficile de son existence d'auteure, peine à progresser dans son travail. La cause, elle l'éprouve intimement et douloureusement, c'est celle du délitement de sa vie de couple, cette incapacité qu'elle a avec son époux à imaginer un présent, un avenir en commun. Cet abandon à soi-même, cette impuissance à modifier le cours des choses, de sa relation avec son mari, l'enserrent dans un quotidien qui ne lui dit plus rien d'elle-même, de sa personne. Arrivée dans un moment, presque totalement démunie, elle sent l'urgence d'agir, de faire quelque chose.

Ce sentiment de vide où tout bascule, où les points de repère se dispersent et s'éloignent, va être pour Jules Epstein et Nicole, le moment opportun (le kairos) pour agir, celui pour tout quitter et partir. Ils vont l'un et l'autre s'engouffrer dans cette forêt obscure, dans ce lieu fascinant des possibles, pour tenter chacun de trouver un nouveau sens à leur existence. Ce lieu a pour nom Tel-Aviv.

En Israël, sur la terre de ses ancêtres, Jules Epstein va retrouver Menachem Klausner, ce rabbin rencontré à New-York. Ce dernier convaincu que le célèbre avocat est un descendant direct du roi David va tenter de l'initier au courant religieux hassidique. Mais les aspirations de Jules Epstein, bien qu'indéterminées, sont ailleurs.
Nicole est elle peu de temps après son arrivée contactée par son oncle Effie. Celui-ci lui fait connaître un de ses amis Eliezer Friedman, professeur émérite de littérature à l'université de Tel-Aviv. Homme âgé, cet ancien professeur souhaite rencontrer Nicole pour lui confier un projet tout particulier, menant à une valise dissimulée en Israël contenant de nombreux manuscrits, de lettres, de romans et pièces de théâtre inachevés, ceux d'un certain Franz Kafka.

Si Forêt obscure n'est pas tout à fait facile d'abord (il y figure de nombreux points de vue philosophiques, historiques et politiques autour d'Israël, religieux et théologiques sur le judaïsme et le hassidisme notamment - ceux-ci ne saturent cependant pas le propos du livre), le roman de Nicole Krauss recèle une beauté étrange et fascinante. J'ai particulièrement apprécié la part incertaine de ses personnages, de leur histoire. Jules Epstein et Nicole ne sont pas assignés à un but recherché par l'auteure. Ils errent avec leurs convictions, avec leur intuition pour se fondre dans le réel, pour approcher au plus près ce que chacun recherche et ne parvient pas à trouver.
Leur histoire bien qu'inscrite dans le temps et le lieu (Tel-Aviv, l'hôtel Hilton situé sur les bords de la Méditerranée), entretient un état de latence, créé un espace libre, propice à l'imaginaire, à l'imprévu qui m'ont séduit.
C'est, je pense, un roman dans lequel le lecteur a une part active, où il lui faut aller vers l'inconnu, le méconnu, vers un savoir qu'il n'a peut-être pas, où il lui faut apprendre aussi à se défaire de quelques unes de ses certitudes, de ses habitudes de lecture d'un roman.

J'ai trouvé Forêt obscure original aussi dans sa construction car l'auteure y développe trois angles d'écriture, de narration : la fiction (Jules Epstein), l'autobiographie (Nicole est Nicole Krauss) et l'histoire, factuelle (les manuscrits de Franz Kafka rapportés en Israël par son éditeur et ami Max Brod). Trois récits, trois approches différentes qui confluent vers un seul et même sujet, celui du vide, de cet espace nécessaire à faire en soi pour s'ouvrir à la possibilité d'une vie différente.
J'ai également beaucoup aimé le style, l'écriture sobre et intuitive de ce roman.

Pour ces quelques raisons énumérées, pour tout ce que je ne dis pas de la suite et de la fin saisissante et particulière de l'histoire, je recommande vivement la lecture de Forêt obscure de Nicole Krauss, un beau roman intime, surprenant et édifiant.

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