Dans la collection "les grands marins" des "Éditions de Paris",
Jean de la Varende signe deux superbes biographies, une consacrée à Suffren, l'autre, plus proche, plus intime, nous présente un illustre aïeul.
Car Anne Hilarion de Cottentin, comte de Tourville, maréchal et vice amiral de France est l'ancêtre, le grand-oncle dont l'ombre plane au-dessus de la famille.
Tourville, au regard de l'Histoire, reste un grand vaincu.
Telle est sa renommée, d'avoir poussé l'obéissance à son roi, jusqu'à dans la défaite.
L'histoire a retenu son nom.
Depuis Vercingétorix, la surprenante sensibilité française a toujours porté une vive sympathie aux malchanceux.
Pourtant si la Hougue est une défaite grave, les succès du maréchal devrait l'avoir effacée.
L'homme est un hercule aux mille travaux.
Il a des vertus héroïque et sages, des défauts qui ne sont que moyens.
C'est un grand marin.
Il divisera en vingt-deux commandements successifs la manoeuvre délicate et essentielle de l'ancienne marine chargée de vergues.
"virer de bord vent devant" sera, désormais, codifié...
Il inventera, en 1687, un code de signaux par pavillons pour réaliser la cohésion des escadres...
Il alla si loin dans l'étude des navires qu'il tenta lui-même de réaliser, sur maquette, le vaisseau idéal...
Tourville était froid, distant et silencieux.
Et parfois, il sait se montrer théâtral.
Laissant son équipage bouche-bée, il ne craint pas de grimper aux enfléchures poisseuses des haubans, de se hisser aux gambes de revers pour rejoindre la hune et même les barres de perroquet afin d'observer à la lunettes...
Mais pour moi, au delà de la biographie élégante et originale que nous offre
Jean de la Varende, du portrait flamboyant, du récit passionnant, pour moi qui eût pour arrière grand-père, le capitaine Lebacheley, qui fut, dernier rejeton d'une longue famille d'armateur, capitaine du port de St-Vaast, pour moi la grande affaire de l'ouvrage est le récit et l'analyse de la tragédie de la Hougue.
Ce récit est contenu dans trois chapitres :
- Autour de la Hougue (1691-1692)
- la victoire de Barfleur (29 mai 1692)
- la Hougue (30 mai-5 juin)
Ces soixante-deux pages mémorables, détaillées, érudites des choses de la mer, instruites des événements de l'Histoire forment un ouvrage dans l'ouvrage.
Derrière la silhouette de Jean de la Varende se joue un terrible drame que le conteur a su éveiller du profond sommeil de l'Histoire.
"Le maréchal de Tourville et son temps" est un des livres qui compte dans l'oeuvre du prestigieux auteur normand.