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EAN : 978B0BFR5P947
484 pages
Grasset (05/10/2022)
5/5   2 notes
Résumé :
NUMÉRO SPÉCIAL : CONNAÎTRE L’UKRAINE

Les médias du monde entier parlent de l’Ukraine. Mais sa diversité culturelle, son histoire et sa métaphysique demeurent méconnues. Sept ans après la parution du numéro 57 (Ukraine, une terra incognita en Europe), Galia Ackerman livre ici un dossier qui permet d’appréhender la réalité, plurielle et cohérente, singulière et rattachée à l’universel, de ce pays auquel la Russie de Vladimir Poutine dénie son identi... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Une fois n'est pas coutume, Grasset nous offre la lecture d'une revue littéraire par le biais de Netgalley. C'est le second numéro spécial consacré au pays en guerre, ce second numéro est paru le 5 octobre. La revue paraît trois fois par an, elle compte sa trente-deuxième année d'existence, elle a pour directeur BHL et son comité éditorial compte, quelques exemples parmi d'autres, Andreï Bitov, Jens Christian Grondahl, Atiq Rahimi, Salman Rushdie, Mario Vargas Llosa. Ce numéro a été composé par Iryna Dmytrychyn, directrice du département ukrainien de l'INALCO, Galia Ackerman, historienne et essayiste, qui a composé une première introduction de ce très fouillé et pointu portrait de la culture ukrainienne. Tandis qu'Oksana Pakhliovska a rédigé une seconde introduction qui rétablit ce lien entre l'Ukraine et l'Europe, que l'actuel président de la Fédération russe tente à tout prix de noyer, comme d'autres de ses prédécesseurs.

La revue est composée de deux grandes parties, la première qui reconstitue les liens historiques, géographiques, culturels et moraux entre l'Ukraine et l'Europe, la seconde sur les personnalités marquantes du pays. On retrouve dans cette première partie, un chapitre consacré à la plus grande université du pays, et de l'Europe de l'Est qui a eu un rayonnement européen, l'académie Mohyla de Kyïv. La culture cosaque fait partie de l'héritage culturel du pays, Iaroslav Lebedynsky se charge de nous en retracer les grandes lignes de l'histoire. Nous avons droit à un panorama riche et détaillé de l'histoire du pays, ou du moins des territoires distincts qui ont fini par former la nation ukrainienne : à travers des thématiques comme cette persistante et acharnée volonté russe à tuer dans l'oeuf le développement et la pratique de la langue ukrainienne, les dissidents ukrainiens, le passage de l'Ukraine de RSS à un état indépendant, la culture ukrainienne, à travers la littérature, religion et cinéma. Puis en seconde partie, on retrouve des parties dévolues aux esprits fondateurs du pays : Mazeppa, le philosophe du XVIIIe siècle Hryhoriy Skovoroda, le poète Taras Chevtchenko, Lessia Oukraïnka, Lina Kostenko, le poète Vassyl Stous, le théâtre ukrainien. Il y a de quoi largement rattraper ses lacunes en matière de culture ukrainienne.

Mais, au-delà même du fait de nous présenter un pays, et son identité culturelle, dont l'unité politique est toute récente, les auteurs s'attachent à mettre à jour ces racines bien plus profondes de l'histoire de l'Europe centrale, et simultanément ces articles mettent en exergue l'attachement profond de l'Ukraine à l'Europe, qui ne fait pas les affaires d'un Vladimir Poutine, d'une Catherine II, d'un Pierre le Grand. Si un procès avait dû être fait pour rétablir son appartenance, tous nos auteurs ici présents apportent avec force une foule de preuve que la russification du pays est un phénomène simpliste et trompeur, le résultat d'une politique de colonialisme de l'Empire russe. Loin d'être un atlas géopolitique sur le pays, sa politique agraire, son économie, les divers auteur-e-s ont choisi les personnalités et influences qui ont marqué la construction de cette identité ukrainienne, qui passe d'abord et avant tout par sa langue. Ce que son voisin russe a compris depuis longtemps.

La fragilité et la complexité de ce pays se reflètent par sa position ambivalente entre Europe et Russie, les invasions russes ne se sont d'ailleurs pas aventurés plus avant à l'ouest, même si cela leur a suffit pour commettre les massacres que l'on connaît. Elle pose la Russie en l'oppresseur qu'elle s'avère être à son égard, depuis des siècles, par le biais de son empire, de l'union des républiques, de sa fédération. Il est question de l'honneur de l'Ukraine, de présenter et défendre le pays autrement que par les armes ou les sordides images qui sont le lot quotidiens de ses défenseurs militaires ou en civils. Une plaidoirie pour démontrer à quel point le pays ne peut être réduit à son voisin russe, ou même polonais. Dénoncer cette politique d'interdits russe, des autodafés. A reconnaître ses guerriers de tout venant: qui la constituent, jusqu'à la révolution orange puis l'Euromaiden. Si l'Ukraine, comme la Pologne avant elle, est si avide de se tourner vers l'ouest, c'est comme l'écrit, son aspiration à cet esprit de liberté, qu'ont pu affirmés les pays au cours des siècles : la révolution française, les deux insurrections polonaises du XIXème siècle. Contrairement à la Grande Russie qui ne lui oppose rien d'autre qu'une sujétion répressive, totale et sans concession.

Cet ouvrage contribue également à désacraliser ce testament russe dont Poutine se prétend, l'auréole de gloire que porte son histoire, sa culture, et même pour certains Vladimir Poutine, afin de mettre en lumière les propres mythes ukrainiens qui n'ont rien à envier ni à l'ouest, ni à la Russie, pour preuve la France a attribué la Légion d'honneur à Lina Kostenko dont vous retrouverez le discours retranscrit dans la revue. Même si on se doute bien que des choix ont été faits quant aux thèmes et aux personnalités choisies, pour la première fois, il m'a semblé découvrir le véritable visage de ce pays, que l'on se représente actuellement derrière les traits d'un président ancien acteur, qui a endossé son rôle de commandant en chef de manière impressionnante, sur les couleurs d'azur et d'or de son drapeau.

Il n'y a pas réellement de chapitres que je n'ai pas aimé lire. Celui consacré à la religion en Ukraine m'a certes un peu compliqué la tâche, et je l'ai passé un peu vite en vérité. J'ai beaucoup aimé cette seconde partie, où chaque chapitre est dévolu à la présentation d'une personnalité, notamment de la littérature du pays. Maria Grazia Bortolini nous présente ce qu'elle nomme "le principal poète et penseur de l'Ukraine du début de l'époque moderne", Hryhoriy Skovoroda, dont le musée vient d'être détruit par les bombardements russes. Oksana Pakhliovska nous présente celui dont on entend peut-être le plus parlé, le poète romantique Taras Chevtchenko, dont elle dit qu'il a posé les bases de l'identité moderne de l'Ukraine. L'auteure Lessia Oukraïnka apparaît également comme une auteure allant dans le sens de la liberté de l'Ukraine et des libertés individuelles. On y lit la vie du dissident Viatcheslav Tchonorvil, fervent nationaliste ukrainien. Nikol Dziub nous parle de Lina Kostenko, qui apparaît comme la véritable grande dame de la nation ukrainienne, en tant que mère protectrice et directrice. Poétesse, romancière, elle est l'auteure de Journal d'un fou ukrainien (2010) L'Harmattan. Ils réunissent tous cette même vision d'une patrie libre, loin du joug russe, mais éminemment conscients de la menace perpétuelle qu'il représente, cette volonté de s'élever, de se construire encore plus, malgré la guerre, dans une unité linguistique, culturelle, aux valeurs morales communes.

Ce numéro exceptionnel est d'une richesse extraordinaire et répond à toutes vos questions si jamais vous souhaitez cerner plus en profondeur l'invasion de l'Ukraine. Je confesse que si je m'étais contenté de regarder certains grands noms qui participent régulièrement à la revue (Yann Moix, Christine Angot, pour ne pas les citer), je ne me serais peut-être pas aventurée à la lire. Mais j'imagine qu'il faut savoir faire le tri ou dépasser ses préjugés, car en dehors de cette vitrine prestigieuse, se cachent les noms de l'intelligentsia ukrainienne à découvrir et à lire. 

Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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Une compilation de textes d'experts de la zone Ukraine et Russe. Une zone Ukraine parle une langue commune, mais faisait partie de l'URSS et de l'empire tsariste, deux régimes qui favorisent ceux qui sont en place, qui pensent dans le même sens qu'eux, additionnés d'une religion orthodoxe très puissante et peu encline à s'ouvrir au monde extérieur (même la religion catholique a fait des progrès !) et surtout qui estiment que la Russie et l'Europe, sont deux entités différentes. Pourtant le français était une langue utilisée en Russie sous l'empire et le ballet comprend de nombreux mots français. il y a toujours eu de nombreux artistes russes, opposant au régime totalitaire.
La zone Ukraine se définie comme profondément européenne nourri de philosophes français sauf Voltaire qui trouvait Catherine II de Russie formidable et là, c'est un peu bizarre car entre servage et exécution systématique des opposants, on est loin d'une démocratie. En fait, la Russie fonctionne comme une autocratie tout simplement.
Bien sûr, on peut ergoter sur la notion de frontières : qui les définit, quelles sont-elles, pourquoi existent-elles ? L'autocratie rime bien avec profit pour un petit nombre, les russes ne sont pas à un paradoxe près : le capitalisme fonctionne très bien chez eux aussi.
Rousseau avait de belles idées, mais l'esclavage existe toujours en être sentients et j'ai toujours autant de mal avec les conceptions toutes théoriques du père absent que fut le philosophe. On notera qu'Orwell et Camus avaient chacun un grand sens de l'anticipation dans tous les sens du terme. le terme idiosyncrasie prend tout son sens surtout avec le début du mot : idiot.. Les tatars (Noureev en était un au physique si particulier tout en puissance) peuplent l'histoire russo-ukrainienne dont les fameux Cosaques (guerriers anarchistes). Je me dis qu'il ne faut pas oublier qu'en 1945, les russes ont combattu les nazis et ont contribué à leur éradication. La question du bien et du mal me laisse perplexe car le bien et le mal sont différents selon les individus, croyances, éducation. J'ai trouvé surprenant le terme de "petite Russie" ? Taille géographique ou artistique ?
J'ai saisi toute l'importance de préserver toutes les langues qu'on surnomme parfois patois en France avec condescendance, même si une langue commune est souhaitable pour que nous nous comprenions tous. L'espéranto n'a pas pris : pourquoi respect des individualités de chaque pays ? Prépondérance de l'anglais ? Mais j'aime cette persistance d'une langue différente, le respect de son existence. L'ONU continue d'être une organisation de sympathiques inopérants et respecte une neutralité digne des suisses, Je ne suis pas sûre qu'il y ait besoin d'autant de personnes pour faire si peu de choses. Je ne peux que m'opposer au fait qu'un artiste doit rester dans un art de prédilection : l'artiste fait ses propres choix, évolue, ses formes d'expression lui appartiennent.
Il me semble que la Russie ne s'est pas effondrée : riche de son pétrole et de son gaz, elle ne dépend de personne. J'ai trouvé très impressionnant le poids de la religion tant en Russie qu'en Ukraine.
Je recommande ce recueil pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui se passe entre la Russie et l'Ukraine et espérer une solution qui permette la fin d'une guerre et le respect des deux peuples. Je remercie les Editions Grasset et NetGalley de m'avoir permis de découvrir ce recueil.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Ukraine : le retour en Europe

La jeune reine parcourt les pays d'Europe, d'un pas léger bien qu'elle soit faite ne pierre. Sa couronne ressemble plus à une parure qu'à un attribut de pouvoir.

Il s'agit d'Anna Iaroslavna, princesse de Kyiv et reine de France, dont les élégantes statues ornent plusieurs villes d'Europe : elle est l'épouse d'Henri 1er et la petite-fille de saint Volodymyr, le grand-prince de Kyiv qui a baptisé la Rous' en 988. Sa mère Ingigerd était la fille d'Olof III Skötkonung, premier roi chrétien de Suède. Son père Iaroslav dit "le Sage", réformateur éclairé et grand-prince de Kyiv, est mort en 1054, date symbolique dans la mesure où c'est cette année-là que la Première Rome rompt définitivement avec Constantinople, la "Seconde Rome". Voici la période initiale de l'histoire de la Rous' de Kyiv ou Ukraine ancienne, à un moment ou sa culture était située dans un espace chrétien commun partagé avec l'Europe. Bien sûr, avant le schisme, il existait déjà un antagonisme entre les deux centres de l'Empire romain. Cependant, cette période d'unité du monde chrétien a donné à l'Ukraine-Rous' un souffle européen. Une fois intégrée dans l'espace de la chrétienté, l'Ukraine ancienne a placé au coeur de son développement le Livre, l'éducation et la culture.
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Cosaque » (en ukrainien et polonais kozak, en russe kazak) est très probablement un terme turc, qazaq, signifiant approximativement « fugitif, dissident » : l’homme qui s’est séparé de son groupe d’origine.
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La majorité des jeunes élèves, qui ont reçu une éducation à Kyiv et dans d’autres villes, sont restés en Ukraine, multipliant ainsi le pourcentage de la population éduquée.
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Il est tout à fait curieux qu’en dépit de ses contradictions internes, l’Ukraine ait pu développer des conceptions européennes d’avant-garde.
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Si l’on part du principe que la langue ukrainienne n’existe pas, pourquoi alors l’interdire avec tant d’acharnement ?!
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