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EAN : 9782246863533
368 pages
Grasset (06/06/2018)
3.07/5   7 notes
Résumé :
DEHORS " Ceux que j'évoque aujourd'hui, monsieur le Président, sont enfermés ; ils sont enfermés dehors."

Yann Moix est écrivain.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le tragi-comique de la colère

Moix aurait-il écrit un grand livre comique ? On aurait pu écrire l'exact inverse en insistant sur les portraits de français victimes des exilés (pour reprendre la terminologie Moixienne), leurs déprédations, leurs agressions et faire pleurer l'autre frange.

Supplanter un problème politique majeur par l'apitoiement individuel est un tour de passe-passe digne des plus grandes prestidigitations sophistiques. Avec un Gérard Collomb en tête de turc qui en bon bougre de centre gauche fait ce qu'il peut en ménageant la chèvre et le chou.

Cette interminable lettre adressée au président Macron a quelque chose de pathétique comme s'il avait l'espoir qu'un centriste mène la politique de l'extrême gauche la plus libertaire.

Moix révère la clandestinité à l'image d'une vertu romantique que l'on aurait oubliée, en elle-même symbole de sainteté, qui devrait jouir de tous les avantages légaux et qu'on rechigne à leur donner. Mais comme l'a si bien dit le père de Pagnol, malheureusement, qu'est-ce qu'on est faible quand on est dans son tort.

C'est quasiment une lettre d'insultes, la colère faisant perdre toute lucidité à Moix, il s'excite piteusement et tente d'apporter ce qu'il croit être des arguments alors qu'il ne s'agit que d'un réquisitoire contre les frontières. Être pro ou anti-migrants peut relever du plus pur instinct. Mais une fois ce stade dépassé arrive la réflexion, la pesée du pour et du contre sur la balance des apports et des désastres que ce soit à court ou à long terme. Réflexion que tente de court-circuiter Moix avec son petit bout de lorgnette des destins individuels alors qu'elle relève évidemment de la gestion des flux de masse et de leurs conséquences sur la société.

Le monde est complexe et cruel, et la révolution qui devrait nous mener vers un bonheur inconditionnel et universel n'est pas pour demain. Moix feint de l'oublier et nous propose l'expression d'une utopie juvénile en croisade dont ses artères n'ont plus l'âge.

Pour conclure, malgré ce que j'ai pensé de Dehors je continuerai à lire Moix car il poursuit une noble quête que celle de proposer de la pensée, certes le plus souvent délirante, mais il fait l'effort de la maintenir dans des endroits qui lui sont propres et d'une certaine façon radicale. C'est stimulant quels que soient nos avis sur les questions abordées et j'en veux pour preuve la présente critique.

Et puis il y a toujours ses formules à lui que seul son esprit biscornu est capable de délivrer.


Samuel d'Halescourt
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Les marchandises ont le droit de circuler ; les boulons, les machines-outils, les pistaches, les moteurs ont le droit de traverser la Manche — les êtres humains n’ont point cette chance. Ils sont acculés à se cacher parmi les outils, parmi les bielles, parmi les tomates et les bananes pour construire leur destin. L’Europe accorde aux choses ce qu’elle refuse aux gens. Les biens matériels sont empilés dans les camions et ce sont des hommes, des femmes, des enfants, des bébés qu’on cherche parmi les cageots et les ballots, parmi les caisses et les containers — des hommes attelés à la marchandise, des hommes qui n’ont aucune valeur. Des hommes abandonnés, cachés derrière les lave-vaisselle ou les oranges sanguines, et dont les plaintes aiguës ne nous intéressent pas.
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Comme existe un abîme entre la misère et la pauvreté, existe un abîme entre l’exil et la migration. Celui qui migre est un homme d’intérieur ; celui qui s’exile est un homme d’extérieur. L’homme de la migration est un homme du dedans. L’homme de l’exil est un homme du dehors. Le migrant est installé à l’intérieur ; l’exilé est propulsé à l’extérieur. La migration est une marche ; l’exil est un bond. La migration est une possibilité ; l’exil est une nécessité. La migration est un au revoir ; l’exil est un adieu. La migration est paix ; l’exil est guerre. La migration est un bonheur ; l’exil est un malheur. La migration est organisée ; l’exil est précipité. La migration est voulue ; l’exil est subi.
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Celui qui est mis dehors n’est pas mis à la porte : il est mis à la porte de toutes les portes. Celui qui est mis dehors n’est pas chassé : il est pourchassé. Celui qui est mis dehors n’est pas un migrant : il est un exilé. La migration, monsieur le Président, est une expédition ; l’exil est une dépossession. La migration est une inclusion ; l’exil, une exclusion.
L’exil est une aventure, c’est Énée. L’exil est un roman d’aventures, c’est l’Énéide. Quiconque entend le beau mot d’« exil » entend le naufrage, l’amour et la guerre. La migration est un phénomène ; l’exil est une épopée.
Dans l’exil, on traverse des pays, on rencontre des êtres, on écrit l’histoire, on côtoie le ciel et la terre, on est trimballé entre la vie et la mort. Pendant l’exil, on est dans l’exil ; après l’exil, on est en exil. L’exilé reste exilé, parce qu’il n’arrive jamais nulle part. Il ne peut arriver que dans sa contrée, sa patrie, sa terre natale ; hélas, ce lieu lui est souvent fermé pour toujours — alors, il erre. L’exil est une mélancolie. L’exil est un deuil.
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« Dehors » est la capitale de l’exil. Il y a, sur terre, ceux qui vivent chez eux et ceux qui vivent ailleurs. Parmi ceux qui vivent ailleurs, il y a ceux qui vivent dedans et ceux qui vivent dehors. Le dehors dont je parle n’est pas le contraire du dedans ; il en est la négation. Ce n’est pas un dehors d’air pur et frais, mais un dehors d’expulsion. Ce n’est pas un dehors de promenade, mais de persécution. Le dehors que j’évoque n’est pas un dehors d’évasion, mais un dehors d’aliénation. Ceux que j’évoque aujourd’hui, monsieur le Président, sont enfermés ; ils sont enfermés dehors.
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Pour être un « migrant », il n’est nul besoin d’être un homme ; les espèces animales, ainsi que les végétaux, connaissent la migration, de même que les cellules du corps. Il y a dans la migration, dans ce qui est migratoire, dans ce qui est migrateur, une manière de nécessité naturelle, de passivité zoologique, d’obéissance instinctive qui nie l’histoire humaine.
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