L'auteur, apprend le décès de son père qui vivait à Brooklyn, tandis que lui, réside à Montréal depuis l'été 1976, il avait alors 23 ans.
Tous deux ont dû fuir leur terre natale, Haïti, pour échapper aux dictateurs qui gouvernaient , pour le père, Papa Doc, pour le fils, Baby Doc et leur cohorte malfaisante des tontons macoutes.
Lui, tenait la chronique littéraire dans un journal culturel et politique « le Petit Samedi soir » et il serait probablement devenu la prochaine victime après l'assassinat d'un de ses jeunes collègues s'il ne s'était pas aussi exilé.
« le père a passé plus de la moitié de sa vie loin de sa terre, de sa langue, de sa femme ». Il a même refusé de revoir son fils : « La douleur de vivre loin des siens lui était devenue si intolérable qu'il a dû effacer son passé de sa mémoire ». Il est mort seul et fou.
Il part pour les États Unis pour l'enterrement de son père. Il revoit, à cette occasion, ses oncles et avec eux, il va tenter d'entrer en possession du contenu d' une mallette entreposée dans un coffre à la banque, certainement des documents, mais ne trouvant pas le code d'ouverture, il ne pourra pas récupérer ce qu'elle contient.
C'est alors qu'il décide de se rentre à Haïti où il n'est pas retourner depuis trente ans. Il accomplira ainsi « l'enterrement spirituel » de son père. « Mon père est revenu dans son village natal. Je l'ai ramené. Pas le corps que la glace brûlera jusqu'à l'os. Mais l'esprit qui lui a permis de faire face à la plus haute solitude. »
Et c'est là que le titre prend toute sa signification et sa force «
l 'énigme du retour »
Énigme : définitions du Larousse
jeu d'esprit où l'on donne à deviner une chose en la décrivant en termes obscurs souvent à double sens
Problème difficile à résoudre : chose ou personne difficile à comprendre.
Il va retrouver son pays toujours dévasté par la corruption, la pauvreté ( Port-au-Prince deux millions d'habitants dont la moitié crève de faim », la prostitution .
Il tente de redécouvrir son passé en partant sur les traces de son enfance, de son adolescence, en rencontrant quelques camarades « Il nous a fallu cinq bonnes minutes pour faire remonter à la surface ces images floues du passé. Dire que nous fûmes inséparables dans le temps. On s'est souri, puis quittés. Comme si on ne s'était jamais vus. La seule façon de préserver le peu qui reste. » , en revoyant des photos jaunies, en entreprenant un périple à travers le pays dans le sillage de sa parentèle : sa grand-mère, son père, accompagné de son neveu , en revoyant aussi les anciens amis de son père.(Port-au- Prince, Petit Goâve, Baraderes, village natal de son père, Pétionville Kenscoff ...)
Windsor retrouve son pays d'abord avec les yeux de quelqu'un qui a perdu ses marques, puis peu à peu, immergé dans les souvenirs et dans le terroir natal, il va les retrouver, partiellement, de façon plus importante aussi C'est bien un exilé, un déraciné qui revient au pays, presque un étranger qui doit retrouver ses repères, un voyage comme une quête insidieuse, ou l'espérance d'une vie meilleure reste en suspens, irrémédiablement désillusion et lucidité« Tous ceux qui n'ont pas encore compris que seulement 10 % auront un emploi décent à la fin des cours. Et donc que les études ne suffisent pas. Pour travailler dans ce pays, me dit un étudiant amer mais lucide, il faut venir d'une famille riche ou se rallier à une famille politique puissante. »
« Je m'étais promis de ne pas regarder la ville avec les yeux du passé .
Les images d'hier cherchent sans cesse
à se superposer sur celles d'aujourd'hui.
Je navigue dans deux temps »
En revenant, il va aussi permettre à ceux qui ont connu son père de les faire replonger dans leur passé (il ressemble vraiment à son père) et il va aussi permettre, aux autres de rêver à de nouveaux exils (le neveu notamment)
« Certains travaillent pour le gouvernement, d'autres sont en prison. Certains végètent, d'autres nagent dans l'opulence. Certains jouent encore au séducteur, d'autres ont vieilli prématurément. Mais ceux qui n'ont jamais pu quitter le pays et qui ont toujours voulu partir ont l'impression, en me recroisant de nouveau sur leur chemin, que c'est le temps d'une nouvelle génération de rêver au voyage ». Ce passage résume l'essentiel du ressenti .
La forme et le style :
Deux parties :
Le départ pour l'enterrement . Dans son sommeil, dans ses rêves, l'écrivain revit son enfance, retrouve son pays natal « J'ai dormi ainsi pendant une éternité. C'était le seul moyen pour rentrer incognito au pays » « Dormir pour me retrouver » « écrire aussi pour combattre l'exil » « Ce qui est sûr c'est que je n'aurais pas écrit ainsi si j'étais resté là-bas. Peut être que je n'aurais pas écrit du tout. Écrit-on hors de son pays pour se consoler ? Je doute de toute vocation d'écrivain en exil. ».
Le retour au pays : souvenirs éphémères de son père ( il ne l'a plus revu depuis qu'il avait 4 ans) , l'exil physique, l'exil du temps « Et l'exil du temps est plus impitoyable que celui de l'espace. Mon enfance me manque plus cruellement que mon pays ».
Écriture en prose et en vers libres.
Quelques passages lyriques (trop brefs à mon goût)
Beaucoup de référence aux peintres et à la peinture : vision embellie de la réalité d'un pays en souffrance .
« Les mêmes paysages luxuriants reviennent pour dire que l'artiste ne peint pas le pays réel mais bien le pays rêvé »
Rencontre avec le célèbre
Frankétienne (poète, écrivain, peintre)
« Je n'ai aucun souvenir de mon père dont je sois sûr. Qui ne soit qu'à moi. Il n'y a aucune photo de nous deux ensemble. Sauf dans la mémoire de ma mère ».
NB : La cérémonie d'investiture à son fauteuil d'académicien s'est tenue le 28 mai 2015.