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sur 519 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Montréal: un coup de téléphone....
Windsor Klébert Laferrière est mort à New York !
Son fils Dany qui s'est exilé depuis 33 ans à Montréal va assister à l'enterrement de cet homme qu'il n'a pas connu et qui, quand il a voulu le rencontrer n'a pas ouvert sa porte !
Il ne peut pas récupérer la valise qui est dans le coffre de la Chase Manhattan Banck car le code est introuvable !
Il va retourner à Haïti annoncer la mauvaise nouvelle à sa mère et sa famille !
Il a été élevé par sa grand-mère Da à Petit Goâve car après le départ en exil de son père, sa maman a voulu le mettre à l'abri de la dictature de Papa Doc et de ses Tontons Macoute. Puis à 11 ans, il est revenu à Port-au-Prince, mais Duvalier avait été remplacé par son fils Bébé Doc et, à 15 ans d'intervalle, il a du s'exiler lui aussi pour des raisons identiques.
Il va retrouver sa mère et sa soeur cadette mais il loge à l'Hôtel car il ne se sent pas créole car le temps a détendu certains liens avec son pays ! " C'est plus dur de désapprendre" !
Avec son neveu Dany, il va rencontrer les amis de la génération de son père : ils étaient 4 : Jacques est mort, Windsor s'est exilé aux US, François s'est réfugié à la campagne et, celui qui a été ministre du commerce lui prête son auto et son chauffeur pour qu'il puisse sillonner son pays et visiter le village natal de son père , rencontrer des poètes haitïens ..
La réalité d'Haitï est triste et décevante : c'est la misère, la désespérance, la corruption, les vols, les rackets et la violence !
Un roman original car il est écrit avec des poèmes en vers libres qui alternent avec un peu de prose, et des sortes de haïkus ( version haïtienne ) qui donnent beaucoup de poésie et de charme à cette énigme du retour signée par Dany Laferrière et, qui avait obtenu le Prix Médicis en 2009 !
L.C thématique de juillet : les voyages
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Avant tout, nous rappelons que Babelio a décidé de s'associer à un projet ambitieux : chroniquer l'ensemble des romans de la rentrée littéraire. Vous retrouverez donc aussi cette chronique sur le site "Chroniques de la rentrée littéraire" qui regroupe l'ensemble des chroniques réalisées dans le cadre de l'opération.

Nous remercions les Editions Grasset qui nous ont gracieusement expédié cette "'Enigme du Retour" de Dany Laferrière, roman-chronique que nous détaillons ci-après.

Perdu dans les neiges de Montréal, où il s'est réinstallé en 2002 après avoir vécu un temps en Floride, l'auteur haïtien Dany Laferrière apprend le décès d'un homme dont le souvenir ne survit en lui que par les photos et les récits d'autrui : son père. Après l'enterrement, il prend son bâton de pélerin et rejoint Haïti pour y retrouver le disparu - et aussi se retrouver lui-même.

Car leur destin est similaire et celui du père a influé de manière déterminante sur celui de ce fils qu'il n'a pourtant pratiquement pas connu. Menacé par les sbires de François Duvalier (surnommé "Papa Doc" par les autochtones), le père a pris le chemin de l'exil, renonçant à une vie de chien couchant, stable mais humiliante et dépourvue du droit à la parole, pour celle, plus compliquée et infiniment solitaire, de l'homme qui entend vivre et mourir debout. Redoutant la vengeance de Duvalier, la mère de Dany Laferrière, qui vivait à Pointe-à-Pitre, s'est alors séparée de son fils, qu'elle a expédié à Petit-Goâve, chez sa propre mère, la grand-mère Da à qui l'écrivain a si souvent rendu hommage dans ses livres.

A onze ans, l'enfant réintègre le foyer maternel pour entamer ses études secondaires et, bon chien chassant de race, il emprunte, en devenant adulte, la voie droite, royale, mais semée d'embûches sur laquelle, un jour, son père s'était évanoui ainsi que disparaissent au chant du coq les visions du vaudou.

Et ce qui devait arriver arriva : après l'assassinat d'un ami journaliste par les Tontons Macoute qui, entretemps, étaient passés au service du fils du dictateur, Bébé Doc, à son tour, sans prévenir personne d'autre que sa mère, Dany Laferrière se laissa engloutir par le vaste monde, disant un adieu qu'il croyait définitif à Haïti, son soleil, ses goyaves et la poussière de ses cimetières que hante depuis toujours le Baron Samedi.

Dans "L'Enigme du Retour" - dont le titre fait peut-être écho à "L'Enigme de l'Arrivée", de V.S. Naipaul, auteur britannique né, lui aussi, dans les Caraïbes - Laferrière dépeint l'errance et l'instabilité qui l'habitent, la déchirure qui marque en lui la frontière entre son "Moi" enraciné à Haïti, amoureux du soleil malgré la misère ambiante et les horreurs de la dictature, et son "Moi" exilé qui, bien que vitupérant le colonialisme, ne peut s'empêcher de sourire avec ironie lorsque son jeune neveu, qui n'a jamais quitté son île, évoque Montréal comme il parlerait de l'Eldorado.

L'action est ici pratiquement nulle, l'auteur se promène et se souvient, nous conviant à visiter son Haïti à lui, avec sa chaleur écrasante, ses bidonvilles immuables, ses paysans qui attendent, son vaudou - qui semble d'ailleurs aussi mystérieux pour Laferrière qu'il le serait pour n'importe quel Européen - et son passé - ce passé dont le pays ne parvient pas à se débarrasser.

Le style est très simple, les phrases courtes ont parfois des airs - vrais ou faux, je n'ai pas su le démêler - de vers libres. La pudeur est au rendez-vous toutes les fois que l'écrivain évoque ce père avec qui il aurait voulu jouer, grandir et partager son exil.

Un seul bémol - oui, je vais oser car j'ai mes convictins, moi aussi ;o) : il est pénible de voir un homme aussi intelligent et aussi sensible que Danny Laferrière raisonner comme si l'Occident, et l'Occident seul, avait inventé la colonisation et l'esclavage.

En tant qu'Occidentale et Française d'origine espagnole et portugaise, j'admets sans problème la responsabilité occidentale dans le destin passé et actuel d'Haïti. Mais l'esclavage existait chez les peuples les plus anciens et, si l'on veut traiter la question avec un maximum d'impartialité, il convient de ne pas passer sous silence les pratiques des Arabo-musulmans en Afrique, et ceci dès le VIIème siècle de notre ère au moins. (Cf. à ce propos l'excellent ouvrage de Jacques Heers : "Les Négriers en Terre d'Islam.")* Sans oublier la complicité des chefs africains qui pratiquaient eux-mêmes l'esclavage. Quant au colonialisme ... le premier homme des cavernes qui a décidé de s'emparer des terres du clan voisin est celui qui l'a inventé : était-il blanc, était-il noir, était-il rose à pois bleus ? Qu'en saurons-nous jamais ? L'être humain peut avoir différentes couleurs de peau : mais l'instinct de profit, lui, est universel.

Malgré cette divergence, j'ai suffisamment apprécié "L'Enigme du Retour" pour en recommander la lecture, tout particulièrement à celles et ceux qui n'ont pas pu vivre tout ce qu'ils auraient voulu vivre avec leur père disparu.

* : Autre ouvrage à lire sur la question : "Esclaves chrétiens, maîtres musulmans", de Robert C. Davis, qui traite le sujet de 1500 à 1800 en Mer Méditerranée. Ca remet les idées en place."
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L'auteur, apprend le décès de son père qui vivait à Brooklyn, tandis que lui, réside à Montréal depuis l'été 1976, il avait alors 23 ans.
Tous deux ont dû fuir leur terre natale, Haïti, pour échapper aux dictateurs qui gouvernaient , pour le père, Papa Doc, pour le fils, Baby Doc et leur cohorte malfaisante des tontons macoutes.
Lui, tenait la chronique littéraire dans un journal culturel et politique « le Petit Samedi soir » et il serait probablement devenu la prochaine victime après l'assassinat d'un de ses jeunes collègues s'il ne s'était pas aussi exilé.

« le père a passé plus de la moitié de sa vie loin de sa terre, de sa langue, de sa femme ». Il a même refusé de revoir son fils : « La douleur de vivre loin des siens lui était devenue si intolérable qu'il a dû effacer son passé de sa mémoire ». Il est mort seul et fou.

Il part pour les États Unis pour l'enterrement de son père. Il revoit, à cette occasion, ses oncles et avec eux, il va tenter d'entrer en possession du contenu d' une mallette entreposée dans un coffre à la banque, certainement des documents, mais ne trouvant pas le code d'ouverture, il ne pourra pas récupérer ce qu'elle contient.

C'est alors qu'il décide de se rentre à Haïti où il n'est pas retourner depuis trente ans. Il accomplira ainsi « l'enterrement spirituel » de son père. « Mon père est revenu dans son village natal. Je l'ai ramené. Pas le corps que la glace brûlera jusqu'à l'os. Mais l'esprit qui lui a permis de faire face à la plus haute solitude. »

Et c'est là que le titre prend toute sa signification et sa force « l 'énigme du retour »
Énigme : définitions du Larousse
jeu d'esprit où l'on donne à deviner une chose en la décrivant en termes obscurs souvent à double sens
Problème difficile à résoudre : chose ou personne difficile à comprendre.

Il va retrouver son pays toujours dévasté par la corruption, la pauvreté ( Port-au-Prince deux millions d'habitants dont la moitié crève de faim », la prostitution .
Il tente de redécouvrir son passé en partant sur les traces de son enfance, de son adolescence, en rencontrant quelques camarades « Il nous a fallu cinq bonnes minutes pour faire remonter à la surface ces images floues du passé. Dire que nous fûmes inséparables dans le temps. On s'est souri, puis quittés. Comme si on ne s'était jamais vus. La seule façon de préserver le peu qui reste. » , en revoyant des photos jaunies, en entreprenant un périple à travers le pays dans le sillage de sa parentèle : sa grand-mère, son père, accompagné de son neveu , en revoyant aussi les anciens amis de son père.(Port-au- Prince, Petit Goâve, Baraderes, village natal de son père, Pétionville Kenscoff ...)

Windsor retrouve son pays d'abord avec les yeux de quelqu'un qui a perdu ses marques, puis peu à peu, immergé dans les souvenirs et dans le terroir natal, il va les retrouver, partiellement, de façon plus importante aussi C'est bien un exilé, un déraciné qui revient au pays, presque un étranger qui doit retrouver ses repères, un voyage comme une quête insidieuse, ou l'espérance d'une vie meilleure reste en suspens, irrémédiablement désillusion et lucidité« Tous ceux qui n'ont pas encore compris que seulement 10 % auront un emploi décent à la fin des cours. Et donc que les études ne suffisent pas. Pour travailler dans ce pays, me dit un étudiant amer mais lucide, il faut venir d'une famille riche ou se rallier à une famille politique puissante. »
« Je m'étais promis de ne pas regarder la ville avec les yeux du passé .
Les images d'hier cherchent sans cesse
à se superposer sur celles d'aujourd'hui.
Je navigue dans deux temps »

En revenant, il va aussi permettre à ceux qui ont connu son père de les faire replonger dans leur passé (il ressemble vraiment à son père) et il va aussi permettre, aux autres de rêver à de nouveaux exils (le neveu notamment)
« Certains travaillent pour le gouvernement, d'autres sont en prison. Certains végètent, d'autres nagent dans l'opulence. Certains jouent encore au séducteur, d'autres ont vieilli prématurément. Mais ceux qui n'ont jamais pu quitter le pays et qui ont toujours voulu partir ont l'impression, en me recroisant de nouveau sur leur chemin, que c'est le temps d'une nouvelle génération de rêver au voyage ». Ce passage résume l'essentiel du ressenti .

La forme et le style :

Deux parties :
Le départ pour l'enterrement . Dans son sommeil, dans ses rêves, l'écrivain revit son enfance, retrouve son pays natal « J'ai dormi ainsi pendant une éternité. C'était le seul moyen pour rentrer incognito au pays » « Dormir pour me retrouver » « écrire aussi pour combattre l'exil » « Ce qui est sûr c'est que je n'aurais pas écrit ainsi si j'étais resté là-bas. Peut être que je n'aurais pas écrit du tout. Écrit-on hors de son pays pour se consoler ? Je doute de toute vocation d'écrivain en exil. ».
Le retour au pays : souvenirs éphémères de son père ( il ne l'a plus revu depuis qu'il avait 4 ans) , l'exil physique, l'exil du temps « Et l'exil du temps est plus impitoyable que celui de l'espace. Mon enfance me manque plus cruellement que mon pays ».

Écriture en prose et en vers libres.
Quelques passages lyriques (trop brefs à mon goût)
Beaucoup de référence aux peintres et à la peinture : vision embellie de la réalité d'un pays en souffrance .
« Les mêmes paysages luxuriants reviennent pour dire que l'artiste ne peint pas le pays réel mais bien le pays rêvé »
Rencontre avec le célèbre Frankétienne (poète, écrivain, peintre)
« Je n'ai aucun souvenir de mon père dont je sois sûr. Qui ne soit qu'à moi. Il n'y a aucune photo de nous deux ensemble. Sauf dans la mémoire de ma mère ».

NB : La cérémonie d'investiture à son fauteuil d'académicien s'est tenue le 28 mai 2015.

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N°709 - Décembre 2013.
L'ENIGME DU RETOURDany Laferrière – Grasset.[Prix Médicis 2009]

Avec l'élection du Canadien (Québécois) d'origine haïtienne Dany Laferrière en décembre 2013, L Académie Française s'ouvre à la francophonie. Ce n'est d'ailleurs pas vraiment une nouveauté puisqu'elle avait déjà accueilli en son sein Marguerite Yourcenar qui fut la première femme académicienne et plus récemment Mickaël Edwards (La Feuille Volante n° 629). Il est en effet légitime que cette institution qui oeuvre pour la défense de la langue française et pour sa culture ouvre ses portes à ceux qui, hors de nos frontières, la diffuse et la serve si bien.

Avec « L'énigme du retour »Dany Laferrière raconte son retour à Port au Prince, sa ville natale qu'il avait dû fuir à l'âge de 23 ans pour échapper à la dictature qui sévissait dans son pays comme son père l'avait fait avant lui. Il était parti sans avertir les siens, « sans se retourner » et parlera de cela dans « Le cri des oiseaux fous ». de cet homme qui vient de s'éteindre à New-York dans le plus grand dénuement solitaire, il ne connaît que des photos [« Je pense à un mort de qui je n'ai pas tous les trais du visage en tête »]et il doit l'annoncer à sa mère restée au pays, comme un coup de fil l'en a informé, une nuit. Il prend donc la route pour assister à ses funérailles américaines.
L'annonce de cette mort pourtant inévitable le bouleverse au point qu'il part et refait donc à l'envers le chemin fait, trente trois ans plus tôt mais sans le corps de ce père qui ne retrouvera jamais sa terre natale. Ce seront donc des funérailles sans cercueil, c'est seulement l'esprit de son père qu'il rapporte avec lui et qu'il retrouve en rencontrant ses anciens amis, ceux qui vivent encore dans son souvenir. Il prend pourtant beaucoup de précautions pour annoncer à cette femme qui s'est réfugiée dans la prière et la religion la mort de son mari. En réaction, elle chante et danse sa tristesse. Pourtant il retrouve Haïti, son climat et la beauté de ses femmes dont il parle si bien (il évoque avec des mots simples leur nuque fragile et leur corps gracile, parle avec émotion des rêves qu'il faisait étant enfant quand il pénétrait en songe dans la chambre des filles dont il était amoureux pour les regarder dormir), le syncrétisme entre le christianisme et le vaudou (ainsi cet homme qui entreprend une conversation avec lui et qui se rend compte au bout de quelque temps qu'ils ne se connaissent pas et disparaît dans la pénombre, sa mère n'y voit rien d'autre qu'un mort), le kidnapping, la violence, le sexe, la corruption, les meurtres, des disparités sociales mais un pays qui n'est plus le sien, un pays où le régime certes a changé mais qui est peut-être le même que sous la dictature et qu'il ne le reconnaît pas malgré ses efforts [« Les images d'hier cherchent sans cesse à se superposer sur celles d'aujourd'hui, je navigue dans deux temps »]. Il constate seulement un fait mais entre les lignes on sent quand même quelques regrets. Au Canada il n'en retrouvait la douceur que dans l'eau chaude de sa baignoire où il « se recroqueville comme dans un ventre rempli d'eau » et compare malgré lui son soleil, sa misère et les horreurs de la dictature au froid et à la sécurité du Canada qui ne sera jamais pour lui qu'une terre d'exil [«Je suis conscient d'être dans un monde à l'opposé du mien. le feu du sud croisant la glace du nord fait une mer tempérée de larmes »]. Il ne peut s'empêcher de sourire quand son neveu qui porte le même prénom que lui et qui n'a jamais quitté Haïti lui parle du Canada comme d'un véritable Eldorado.
Il prend conscience qu'il n'est plus d'ici (d'ailleurs, après avoir bu un jus de fruit local il est atteint d'une diarrhée comme en ont les touristes, ce qui est plus qu'un symbole) et qu'il ne sera jamais un vrai écrivain haïtien parce qu'il n'a pas connu la faim qui est ici le lot quotidien des pauvres. Quand il tente d'interpeller de jeunes enfants en créole, ils ne le comprennent pas [« C'est là que j'ai compris qu'il ne suffit pas de parler créole pour se métamorphoser en Haïtien »]. Lui qui est devenu journaliste, écrivain, essayiste, n'a plus vraiment de racines, un pied sur son île ensoleillée et l'autre sur le continent glacé, il n'est plus vraiment haïtien mais pas non plus canadien, n'oublie pas de vilipender le colonialisme et il se terre dans une chambre d'un hôtel réservé aux journalistes, comme un étranger pour ne pas donner à sa mère l'illusion qu'ils pourraient vivre de nouveau ensemble, après toutes ces années de séparation. Au vrai, son retour ne se fait pas vraiment incognito et celui qui revient chez lui après une si longue absence est toujours entouré d'une sorte d'aura. Il ne manque pas de gens qui disent le connaître ne serait-ce qu'à cause de son père et d'autres que, malgré lui, il ne reconnaît pas.
Dans cette pérégrination à travers le pays, un peu comme s'il reprenait possession de sa terre quittée plus de trois décennies plus tôt, il entre en communion avec cette grand-mère qui l'a élevé, avec la mémoire de son père à travers ceux qui l'ont connu. A partir des traces de son père, en fait un véritable fantôme, le narrateur fait un parcours initiatique qui se terminera finalement en lui-même et prend conscience qu'il l'a peu connu. Ils ont eu chacun leur dictateur, tout les deux ont eu l'exil en partage, sans retour pour le père et énigmatique pour lui-même. Il n'a pu ramener son corps mais l'esprit paternel l'accompagne[« Il m'a donné naissance , je m'occupe de sa mort. Entre naissance et mort on s'est à peine croisé – Je n'ai aucun souvenir de mon père dont je sois sûr »] Ayant passé une nuit symbolique dans un cimetière où son père ne reposera jamais, il est reconnu comme Legba, un dieu vaudou haïtien à la frontière du visible et de l'invisible et cet hommage posthume rendu à son père avec des mots sera son véritable tombeau.
Ce retour, même s'il est pathétique et peut-être dramatique n'est pas dénué d'humour et à son neveu qui veut devenir écrivain il conseille d'avoir de bonnes fesses parce que, pour écrire, il faut rester longtemps assis ! Son humour un peu caustique s'adresse aussi à lui-même, à son parcours [«Je suis passé en si peu de temps de végétarien forcé à carnivore obligé »] ou même carrément enjoué quand il parle de la dictature de son pays qu'il a fui pour mieux tomber sous celle du Canada qu'est le froid.
Dany Laferrière n'oublie pas qu'il est lui aussi un écrivain qui revendique ses influences, la culture française certes mais aussi l'oeuvre d'Aimé Césaire, le poète de la négritude, mais aussi celui du « Cahier du retour au pays natal » ainsi passe-t-il du statut d'exilé à celui d'écrivain. C'est en cela sans doute que ce retour tant désiré est une énigme, retour à la fois rêvé et désenchanté ou l'imaginaire colorie l'exil dont la réalité et aussi un peu sa notoriété l'excluent de fait de ce pays [« Je sens une distance de plus en plus grande entre la réalité et moi »].

Le style est simple, grave, sur le ton de la confidence et de la pudeur et les vers libres alternent avec une prose faite de phrases courtes, agréables à lire, pas vraiment un roman traditionnel mais une écriture forte, riche, pleine d'émotion, touchante, une petite musique un peu nostalgique, plus un récit autobiographique qu'une véritable fiction romanesque, une somme de réflexions personnelles sur l'exil, sur cette moitié d' île un peu oubliée et sur un peuple qui a perdu tout espoir. Je l'ai ressenti comme un long poème fait de visions factuelles, de scènes quotidiennes qui illustrent si bien cette citation de Victor Ségalen « Voir le monde et l'ayant vu, dire sa vision »

Avec les poèmes de Laferrière je retrouve l'illustration du dérisoire contre l'inacceptable, l'écriture contre la douleur et la mort

©Hervé GAUTIER – Décembre 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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C'est le premier livre que je lis de cet auteur, qui est pourtant du même pays que moi (Québec) . Quelle belle écriture, poétique et sensuelle. Son périple dans son pays natal lui fait découvrir de multiples petites choses qu'il avait oubliées et nous les fait partager avec une telle douceur et une grande poésie. Très beau livre.
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Voilà un livre décrivant un voyage, des rencontres, des souvenirs s'entremêlant aux anecdotes du moment présent. Tout cela dans un style poétique. le personnage de l'écrivain fait d'ailleurs de nombreuses références à Aimé Césaire, poète engagé qui lutta contre le colonialisme et le racisme. Il montre son évolution par rapport à cet auteur qu'il n'aimait pas du tout, au départ, mais dont il comprenait la révolte. Ensuite, il nous raconte que l'un de ses livres est son livre de chevet.
Son rapport à l'écriture est intéressant. Lorsqu'il donne une interview, il a l'air assez grossier, pourtant, ce qu'il dit est si réel, si caustique!
[...]
Lire la suite sur:
Lien : http://www.lalivrophile.net/..
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J'ai été déçue par ce roman dont je n'ai pas tellement apprécié la mise en page. je n'ai pas été touchée par les émotions du fils sur la trace de son père disparu. peut-être n'était-ce pas le moment?
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Entre le roman et le recueil de poésie, une histoire de retour aux origines, à l'enfance, aux valeurs profondes. de belles images, des parfums, des couleurs.
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L'énigme du retour
Dany Laferrière

Pour commencer, je précise que c'est le premier livre de cet auteur que je lis.

Ce livre me laisse perplexe : j'hésite entre m'ébaubir devant le génie littéraire et m'esclaffer devant la fainéantise de l'écriture.

Dany Laferrière dans L'énigme du retour tient une sorte de journal de son retour en Haïti à la suite de l'annonce du décès de son père.

Parfois on a de belles réflexions, parfois moins.

« Ma vie va en zigzag depuis ce coup de fil nocturne
m'annonçant la mort d'un homme
dont l'absence m'a modelé.
Je me laisse aller sachant
que ces détours ne sont pas vains.
Quand on ne connaît pas le lieu où l'on va
tous les chemins sont bons.  »

ou

« L'impression d'être dans le roman
d'un écrivain négligeant. »

Ce qui me laisse dubitatif profondément c'est l'écriture qui alternent entre vers (mais sans arriver à être de la poésie), versets et paragraphes descriptifs on-ne-peut-plus banals.

Pour finir, comme me le disait ce jour même une collègue, je devrais lire d'autres livres du même auteur afin de pouvoir confirmer ou infirmer mon opinion.

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Après une troisième lecture faites à différentes périodes de ma vie de lecture, je ne sais toujours pas quoi en penser. Un roman écrit magnifiquement, des thèmes et une structure poétique originale. le roman dégage une douceur et une nostalgie aux lecteurs. Pourtant. Chaque lecture m'a laissé une impression que rien n'allait me rester après la lecture, qu'il manquait quelque chose. Je peux difficilement expliquer quoi, ne trouvant aucun défaut apparent et évident assez pour me laisser cette impression. Bref, j'attendrais une quinzaine d'années avant de la relire!
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