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sur 1625 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Été 1976, une canicule déferle sur une bonne partie de l'Europe, j'ai à peine un an de moins que Nadia Comaneci. Comme des milliers de personnes, je découvre, à la télévision, la performance inédite de cette petite Roumaine. C'est sûrement l'une des premières fois que j'entends parler de la Roumanie, un de ces pays mystérieux et inaccessibles cachés derrière " le rideau de fer". Mais, qui sont-ils, comment vivent-ils ces gens ? C'est pour toutes ces questions restées longtemps sans réponse que j'ai eu envie de lire ce livre : La petite communiste qui ne souriait jamais.

Lola Lafon nous offre un livre fantastique, Avec une écriture limpide, parfois incisive, avec des mots justes, elle nous raconte le parcours étonnant et déroutant de cette petite roumaine.
Deux grandes qualités émergent, à mon sens de cette narration. Lola Lafon, nous parle de Nadia mais aussi surtout de la Roumanie de Ceasecu, la vie de Nadia est indissociable de cette Roumanie-là.
La deuxième chose que j'ai beaucoup apprécié, c'est la possibilité qu'offre Lola Lafon à chaque fin de chapitre de faire parler Nadia. Même si cette parole est inventée par Lola Lafon. Elle permet néanmoins de faire parler Nadia. de dire que si la Roumanie était un pays très dur, rien n'est si rose dans la société capitaliste qu'on opposait au communisme.
" Sacrifier son enfance ? J'ai raté quoi exactement, de si fantastique ? Aller traîner dans les cafés ? Faire du shopping ? Sortir avec des garçons avant d'être prête à le faire ?Les jeux vidéos ? Facebook ? Qu'est-ce qu'on fait entre six et seize ans que j'ai raté ? Si j'avais eu votre vie normale, je serai quoi aujourd'hui ?
Merci Lola Lafon, un très grand moment de lecture, vos autres livres sont sur ma liste, c'est certain..
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1976, jeux olympiques de Montréal. Une petite gamine roumaine de quatorze ans éblouit de son talent les spectateurs du monde entier : Nadia Comaneci. Elle révolutionne les codes de la gymnastique : il y désormais un avant et un après Comaneci.
Lola Lafon nous raconte son histoire fascinante. Et elle a choisi de le faire d'une façon très originale. Elle l'explique elle-même dans l'avant-propos : "les dates, les lieux, les évènements ont été respectés", mais pour le reste, elle a "choisi de remplir les silences de l'histoire et ceux de l'héroïne". Son livre n'est donc ni une biographie, ni un roman, et j'ai trouvé le résultat très réussi. Lola Lafon a choisi de découper son texte en tout petits chapitres, chacun présentant un évènement, une réflexion, un fait particulier. L'ensemble est percutant, rythmé et très addictif : on a sans cesse envie d'en lire un peu plus.
Voilà donc pour la forme. Sur le fond, j'ai trouvé que ce texte était une belle occasion de réflexion sur le sport mis au service d'un régime, voire d'un dirigeant, sur le surentraînement forcé au mépris de la santé des athlètes, et bien au-delà de Nadia Comaneci et des autres petites poupées de l'équipe roumaine de Montréal, sur le sport de haut niveau. Quel est le prix à payer pour une médaille olympique ? On se doute bien que, même douée, Nadia Comaneci n'est pas arrivée au niveau qui a été le sien sans un travail intensif. Mais ce que l'on apprend sur les méthodes et les exigences de l'entraîneur dépasse l'entendement.
Un livre bien écrit, très agréable à lire, et qui me distrait tout en me faisant réfléchir : voilà ce dont je me suis régalée dans toute la première partie.
J'ai trouvé la seconde partie un peu moins réussie. La fuite à l'ouest de Nadia Comaneci, la chute du régime de Ceausescu : non pas que ces sujets soient moins intéressants, mais j'ai trouvé ces chapitres moins prenants, moins incisifs que ceux du début. Mais ce petit bémol n'entame en rien ma bonne impression générale : je recommande cette lecture à tous ceux pour qui le nom de Comaneci évoque des souvenirs, et aux autres qui pourront à travers ce livre la découvrir.
Enfin, je ne peux pas résister au plaisir de partager deux vidéos particulièrement emblématiques de la petite fée de Montréal :
http://www.youtube.com/watch?v=4m2YT-PIkEc
http://www.youtube.com/watch?v=odTtfnWdfGU
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Prodigieuse biographie de la gymnaste prodige Nadia Comanecci, ce roman, car c'en est un, décortique le mécanisme du succès (un mélange de travail, de persévérance et surtout d'audace de cette enfant magique que le monde entier à découverte aux Jeux de Montréal et qui finira, bouffie, vulgaire et prisonnière de son destin après s'être évadé du dernier rempart du communisme. Mais le roman ne s'arrête pas là: il y a le jeu entre l'auteur et l'héroïne, l'enquête et surtout le portrait d e deux mondes, l'un communiste, l'autre capitaliste, qui peuvent être tous les deux des prisons malgré leurs miroirs aux alouettes. "En Roumanie, nous avions la censure politique, aux USA, j'ai découvert la censure économique", dira Nadia. A travers cette enfant si touchante et si intelligente, l'auteur dresse un tableau du XXème siècle et de la guerre froide. un monument littéraire!
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Biographie romancée d'une des meilleures gymnastes du XXe siècle ? Oui, mais pas que … Retour arrière sur deux systèmes politiques et économiques diamétralement opposés ? Absolument, enfin pour partie. Récit prétexte à une analyse du regard concupiscent et impitoyable d'adultes sur le corps d'une enfant à qui on déni le droit de grandir ? Réponse affirmative, à nouveau.
Il y a bien tout cela dans ce très beau roman de Lola Lafon, construit autour d'échanges fictifs avec son héroïne, mais aussi les secrets de fabrication d'athlètes d'exception ou encore l'histoire en raccourci de la Roumanie, pays un peu oublié, qui est passé en quelques années du statut de nation modèle d'une certaine indépendance au sein du bloc de l'est à un l'une des dictatures les plus ubuesques de la planète.
L'autre réussite réside dans le bel équilibre auquel est arrivé l'auteur, entre admiration et mise à distance, recherche de la vérité et respect de son sujet d'investigation. A la fin de cette lecture, on garde longtemps à l'esprit l'image d'une petite fille puis d'une femme hors de l'ordinaire, volontaire, déterminée, brillante qui protège d'arrache-pied une partie de son mystère. Refuser de se dévoiler totalement dans notre société soi-disant transparente nécessite autant de courage que celui de la petite fille qui a défié toutes les lois de l'attraction terrestre à Montréal en 1976.
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Montréal, 18 juillet 1976, Jeux Olympiques, épreuve de gymnastique. Dans son justaucorps blanc orné d'une étoile, les couettes serties de rubans rouges, une fillette fait sauter les ordinateurs. 90 secondes de perfection qui forment une petite révolution. 1,00, une virgule qui n'est pas programmée pour pouvoir se déplacer. Nadia Comaneci défie la gravité, l'âge adulte et la Russie dans le même temps, à coups d'équilibre, de saltos, de muscles, de volonté et de supers E. Devenue symbole de réussite du communisme roumain, elle inspire des sentiments proches de la dévotion, à l'Est comme à l'Ouest.

Lola Lafon nous emmène sur les pas de cette virtuose, avec une émotion et un intérêt non feints. le roman est ponctué de dialogues rêvés entre l'auteure et la gymnaste, qui apportent du relief à cet ouvrage, mettant en relation son histoire personnelle et la grande histoire politique et sociale de cette seconde moitié du XXe siècle. Elle évoque en lumière et en zones d'ombre la vie dans la Roumanie de Ceauşescu. L'écriture à deux niveaux évite le manichéisme et souligne l'impuissance à saisir la réalité d'un monde aujourd'hui disparu, étranger à nos habitudes.

Si Nadia a émerveillé par sa silhouette gracieuse et fluette, le monde a du mal à lui pardonner de grandir. Fantasme de pureté elle est, fantasme de pureté elle doit rester. Personne ne lui agrée le moindre changement. Ses formes nouvelles viennent en superposition de son squelette, sont étrangères à son corps, à elle-même. Outre l'entraînement auquel Belà la soumet, c'est un combat quotidien qu'elle mène contre la faim. Et le talent de l'auteure réside dans sa capacité à nous parler de tourments, tout en les mettant continuellement en perspective. Il ne s'agit pas d'un roman-dénonciation ni d'un roman-obsession, avec poésie, elle allie admiration, réflexion et tentative de compréhension.
Lien : https://auxlivresdemesruches..
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Un très bon roman, que je vous conseille, sur la vie de Nadia Comaneci : première gymnaste à obtenir la note de 10 aux Jeux Olympiques. C'était à Montréal en 1976, elle avait 14 ans et devenait la fierté de la Roumanie et du régime de Ceausescu – une image de marque pour vanter les mérites de l'enfance communiste. On suit son parcours depuis son enfance jusqu'à sa fuite aux États-Unis en 1989 et son lynchage médiatique par la presse US.

C'est un livre très intéressant sur la propagande communiste, le régime roumain et la vie d'alors en Europe de l'Est. C'est aussi un profond regard féministe sur la perception du corps de la femme. C'est surtout une interrogation sur la liberté réelle à l'Ouest, ou comment parler de l'autre pour mieux parler de nous.

La force du livre est dans son équilibre : en intégrant différents points de vue, notamment par des échanges fictifs entre la narratrice et Nadia Comaneci, l'auteure n'est pas dans le jugement facile d'une époque mais bien dans le questionnement en jouant de l'effet miroir entre l'Est et l'Ouest.

L'écriture est fraiche, poétique, acrobatique et rythmée : ça décoiffe tant dans le fond que dans la forme.
Lien : Https://evanhirtum.wordpress..
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J'ai adoré ce roman, fiction biographique sur Nadia Comaneci, gymnaste star de la fin des années 70.
Il réunit tous les sujets qui me passionnent : les dessous du sport de haut niveau, et son utilisation politique ; l'histoire contemporaine, ici la dictature roumaine ; et la dimension du corps, le corps torturé, adulé et détesté. Car la gracile Nadia n'aura pas éternellement 14 ans...
J'ai adoré le fond mais aussi la démarche. L'auteure s'est appuyée sur des faits historiques, des archives, des témoignages et sur l'autobiographie - largement contestée - de la gymnaste elle-même.
Elle a ainsi construit un récit solide, entrecoupé de dialogues imaginaires mais pertinents sur les zones d'ombre du parcours de Nadia. Restituant ainsi l'ambiguïté du personnage, et de son entourage.
J'ai enfin adoré la plume vigoureuse, à la fois saccadée et parfaitement fluide. Une approche qui sait mettre l'accent sur les failles et les détails signifiants. Une très belle écriture qui m'a conduit à dévorer en quelques heures ce roman.
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En 1976, aux JO de Montréal, une petite fille fait rêver le monde en obtenant, pour la première fois de l'histoire, la note 10 en gymnastique. Au point que la machine à points bugue en affichant 1.0 au lieu de 10. C'est le début d'une formidable aventure pour cette jeune fille de 14 ans, aux allures encore enfantines, qui va enchanter le monde sportif durant des années, lui faisant oublier la guerre froide et tout le reste.

« Ce que la petite a effectué à l'instant dézingue le déroulement des chiffres, des mots et des images. Il ne s'agit plus de ce que l'on comprend. On ne saurait noter ce qui vient d'advenir. Elle jette la pesanteur par-dessus son épaule, son corps frêle se fait de la place dans l'atmosphère pour s'y lover. »

Fascinée par ce destin, Lola Lafon nous propose de revenir sur le parcours, de ses 7 ans, où elle commence la gymnastique auprès de son entraîneur (qui ne la quittera que 10 ans plus tard), à ses 20 ans où on la retrouve fuyant le régime soviétique à quelques heures de l'effondrement de l'URSS. Alternant récit pur et conversations téléphoniques inventées, Lola Lafon m'a passionné tout au long de ces trois cent pages, alors que la gymnastique ne m'avait jamais intéressée auparavant. Au point qu'à peine le livre refermé, j'ai passé une soirée à visionner des vidéos de Nadia Comaneci, la petite communiste qui ne souriait jamais.

« Est-ce qu'elle ne pourrait pas sourire un peu ? Elle soupire. Désolée, mais si mon pied mord la bande après une diagonale de saltos, même de trois centimètres (elle lève sa main et déplie le pouce, l'index et le majeur), je suis pénalisée. Alors oui, elle sait sourire, mais une fois sa mission accomplie. »

Car ce que montre également l'auteur, c'est ce qu'il y a derrière ce mythe sportif : les milliers d'heures d'entraînement, les corps poussés à bout de leurs capacités, l'utilisation de ce succès par le régime roumain, etc. L'histoire de Nadia ne se déroule pas hors du temps : son succès a été fulgurant car elle fut une des figures de proue du communisme, et qu'il n'a été possible que dans l'espace compétitif de cette doctrine, où les enfants ne sont pas dorlotés et où le sport est l'un des plus sûrs moyens de s'en sortir : « pourquoi la gymnastique est si vite devenue un sport prioritaire pour le pouvoir : les gymnastes mangeaient peu, elles étaient très rentables ; trop jeunes pour émettre une opinion sur ce qui se déroulait dans le pays, elles ne demandaient pas l'asile politique à l'occasion d'une quelconque compétition à l'Ouest. «

A travers ses interviews faussement menées, Lola Lafon offre l'opportunité à ceux de l'Est de s'exprimer, par la bouche de Nadia, nous faisant prendre conscience que tout le monde ne désirait pas forcément vivre à l'Ouest, même si le régime de Ceausescu était dur : car vivre à l'Ouest c'est aussi accepter les termes d'un nouveau marché, le manque d'argent pour partir en vacances (ces vacances que le communisme offrait …), l'impossibilité économique de quitter un pays qu'auparavant la politique empêchait de laisser derrière soi, etc. Cette voix iconoclaste met en relief les incohérences des deux systèmes, le temps d'un roman, le temps d'une histoire.

En bref, un roman passionnant, bien écrit et bien mené, à la limite du document, ce qui en fait toute la richesse.
Lien : http://missbouquinaix.com/20..
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La petite communiste qui ne souriait jamais nous raconte le parcours de Nadia Comaneci, gymnaste roumaine qui a réalisé une performance aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976 en obtenant une note de 10 sur 10.

Lola Lafon décrit avec justesse le système roumain mis en place par le dictateur Ceausescu. En effet, sa fiction se base sur des faits et des dates réelles même si l'histoire de Nadia est romancée.

Nadia et son équipe arrivent à détrôner les Soviétiques maîtres en gymnastique de haut niveau. Belà Karolyi, l'entraîneur des petites gymnastes roumaines est un personnage intéressant car il a une volonté de fer et se bat pour faire entrer ses filles dans la compétition nationale et internationale. La rigueur et la discipline constituent les règles de vie des gymnastes.

Nadia, comme la plupart des jeunes filles va vivre sa crise d'adolescence sauf que ses changements morphologiques sont soumis au regard extérieur, l'enfant gymnaste devient une femme.

Les rapports difficiles entre l'Est et l'Ouest sont au coeur du récit. Nadia a un rôle politique en Roumanie car elle contribue à l'image nationale défendue par Ceausescu. La vie quotidienne, surtout pour les femmes est extrêmement difficile. Elles doivent faire des enfants, elles sont contrôlées chaque mois par un médecin et payent des taxes si elles sont célibataires et ne font pas d'enfants.

Lola Lafon a choisi de faire intervenir dans son récit la Nadia d'aujourd'hui. La narratrice est en contact avec l'ancienne gymnaste pour constituer son histoire. Les relations entre les deux femmes sont tendues car l'histoire de Nadia est faite de mystères jamais résolus.

Ce roman est un coup de coeur pour l'année 2014
Lien : http://lilasviolet.blogspot...
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Voici un livre intense, riche et intelligent dont je recommande chaudement la lecture!

La petite communiste dont il est question est Nadia Comaneci, que quiconque étant déjà de ce monde dans les années 70 connaît, même s'il ne s'intéresse pas particulièrement à la gymnastique ou s'il était alors bien jeune, ce qui est mon cas. J'avais en effet 5-6 ans lorsque la Roumaine a triomphé aux Jeux Olympiques de Montréal, mais son nom plus que familier demeure confusément associé à un talent unique et exceptionnel.
Pour autant, allais-je trouver un intérêt à lire une biographie, même romancée, de cette athlète? Si vous-même vous posez cette question, je vous réponds sans hésitation: oui, mille fois oui !

Car il ne s'agit pas d'une simple biographie. Je serais même tentée de dire qu'il ne s'agit pas du tout de cela. Au-delà du parcours mythique d'une jeune gymnaste, ce que Lola Lafon essaie d'appréhender, c'est la perfection, son existence et les réactions que celle-ci suscite. En revoyant, grâce à Internet, les prestations de cette petite fille, on est en effet frappé par l'agilité, la rapidité, la précision et la grâce du mouvement. C'est la première fois que l'on voyait une telle maîtrise dans l'exécution de figures parfois inédites.
Lola Lafon ouvre son roman sur la réaction de stupeur et la confusion que cette parfaite technicité a engendrée. le public et le jury s'interrogent : ont-t-il bien vu ? Les machines permettant l'affichage des notes obtenues s'en trouvent elles-mêmes déréglées. Au lieu d'afficher le premier «perfect ten» de l'histoire olympique, c'est un 1,00 qui apparaît semant encore un peu plus de confusion : les concepteurs n'avaient pas prévu la possibilité de cette note parfaite qui, leur avait-on assuré, n'existait pas...
C'est donc tout d'abord cette forme de perfection que l'auteur s'efforce de circonscrire, en mettant des mots, et de fort beaux, sur ce qui laisse pourtant sans voix.

Bien sûr on demande aussitôt des explications: comment un tel miracle est-il possible ? Lola Lafon, qui s'est amplement documentée, relate la phénoménale force de caractère de cette enfant, dont le talent a pu se développer grâce à un système d'entraînement à nul autre comparable.
Et c'est là que le livre prend une dimension supplémentaire tout à fait passionnante. En effet, cette petite a, aussitôt repérée, été amenée à s'entraîner sans relâche pour repousser toujours plus loin ses limites. On nous décrit une discipline de fer, des heures et des heures de travail, une hygiène alimentaire impitoyable, une complète abnégation, tout cela au service de la promotion d'un régime tyrannique et totalitaire.
Mais ça, c'est le regard que l'on pose aujourd'hui ! Or ce qui est littéralement ahurissant à la lecture de ce roman, c'est de découvrir les comportements des chefs d'Etat, des éditorialistes de presse et, finalement, de la population occidentale en général qui crevaient littéralement d'admiration, de curiosité et d'envie pour ce phénomène. Si Ceaucescu a pu si bien se servir de ce petit bout de femme, c'est bien parce qu'on ne lui demandait pas autre chose !
Peut-on imaginer aujourd'hui que ce dirigeant sanguinaire ait pu être pressenti pour recevoir le prix Nobel de la Paix ? Peut-on imaginer les dirigeants de nos démocraties être amicalement reçus par lui en demandant à voir un entraînement de «Nadia» ? Peut-on imaginer en pleine Guerre froide une star de la télévision américaine venir à Bucarest pour faire une émission spéciale sur la jeune femme, promouvant au passage une Roumanie joyeuse ? Peut-on encore imaginer lire sous la plume d'un journaliste du Figaro : «Tel est l'homme. Tel est le dirigeant politique qui n'accepte d'honneurs que celui de conduire son peuple, comme Moïse, dans la terre promise de la prospérité et de l'indépendance.» ? Qu'importe quelques compromissions, the show must go on et le public en redemande...
Allant plus loin encore, le roman montre comment les pays de l'Ouest ont à la première occasion récupéré les entraîneurs de l'Est, fermant alors les yeux sur les excès de leurs méthodes, pour les appliquer à leurs propres petites filles, et tenter de rafler enfin les médailles tant convoitées.
D'autant que l'adorable idole qui virevoletait hier avec grâce est aujourd'hui devenue une jeune femme. En deux ou trois ans, le corps de Nadia a évolué, a pris des formes, n'a plus tout à fait la même agilité. Lorsqu'elle revient aux JO suivants, on ne lui pardonne pas de ne plus se conformer à l'image qu'elle avait donnée d'elle même. Les mots sont très durs à son égard, et il faut créer de nouvelles idoles à adorer.
Renvoyant dos à dos communisme et capitalisme ultralibéral, Lola Lafon, qui a elle-même vécu une partie de son enfance en Roumanie, refuse ce tableau simpliste et réducteur d'un pays uniformément gris et triste. Sans en minimiser les dramatiques événements, elle s'interroge simplement: que l'on vende un régime ou des des produits, quelle différence finalement pour l'individu qui doit coûte que coûte remporter des victoires pour donner de la visibilité à celui qui lui donne les moyens de s'entraîner ?

Quant à Nadia, il reste le portrait émouvant et tendre d'une jeune fille à la trempe exceptionnelle qui sut tant bien que mal résister à la tourmente médiatico-politique et jouer de ce qui lui était offert pour parvenir à atteindre les objectifs d'excellence qui n'appartenaient qu'à elle.

Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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