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Implacable, fondamental, « Chienne » est serré comme un café fort. C'est une urgence de lecture. Ici, tout est vrai, dévorant, cruel. Marie-Pier Lafontaine délivre des mots sur ses maux, sans fausse route ni compromission. Ne pas fuir sous le filigrane, retenir ce grave qui se dévoile, ne pas retourner le sablier des paroles qui s'écoulent, plaies vives à jamais. Hors de tout entendement, parce que de trop. Et pourtant, ses dires sont des coups de hache sur les murailles génitrices. Garder la tête haute, suivre les lignes de cette enfance et adolescence ravagées. Ecouter et comprendre. « Ma soeur et moi n'avons qu'à nous prendre par la main pour savoir avec certitude que nous survivrons au père. » « Il vaut mieux exister en tant que chienne que de ne pas exister du tout. » Il y a des livres joyeux, légers, poétiques dont on retient pour le plaisir le miroir entre nos mains. Certains, plus rares osent s'affranchir. Dépasser la donne, dévoiler ce qui est, fût et deviendra dans longtemps lorsque la résilience, le lâcher-prise oeuvreront et râcleront les aspérités jusqu'à plus soif. Il y a un livre « Chienne » lourd, un cadenas sur les entrailles, les sens agonisants, les rêves d'enfance meurtris. Engagé, un acte politique, sociétal qui telle une charge gonfle les pages de faits. Ce criant, les douleurs, un sadisme au paroxysme de tout entendement. Ecrire et éditer sont des flambeaux. Courage et loyauté. Bousculer l'échappée conventionnelle. Ce récit ne se passe pas seulement dans un antre familial. Ce témoignage est langage de survie. Il est bien au-dessus des cimes d'une lecture seule. Il s'agit du summum de ce qu'un père est absent, invisible. Il est une bête sauvage, imprévisible, dévoreuse. le relationnel brisé à coups de supplications, soumissions, enfant que l'on retourne mentalement toupie et exutoire. Ce récit est littérature. Marie-Pier Lafontaine s'abreuve au ruisseau qui murmure l'écoute, les sons de l'attention aux verbes qui deviendront rédempteurs, un jour peut-être. Ce livre est sa chance, sa carte, son passeport pour revenir sur la terre ferme. Nous sommes lecteurs la responsabilité. « Chienne » est enivré de vérité sourde. Ecrire pour sauver sa peau, celle d'après. le père est un fou, un pervers, le néant. Démoniaque, loup hurlant se jetant sur les brebis, ses filles. Siamoises de souffrances, écartelées, jetées en pâture dans la gueule du loup. La mère voit, reste stoïque. Pire qu'un hurlement, ce déni déchire ces fillettes de papier, de larmes, de résistances. La littérature est une arme. Une alliance vitale entre l'auteure et l'éditeur ici présent. Relier les brisures, aspirer au crucial d'une mise au monde. C'est un acte citoyen sublime. C'est aussi pour cela que l'on pleure. Que « Chienne » soit lu par tous et toutes. Offert, qu'il bouscule l'ordre établi d'un conventionnel que l'on ne veut plus. Qu'il soit lu à voix haute dans les lycées, sur tous les frontons. « Que personne ne puisse croire qu'il s'agit de la fin. » Indispensable.

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C'est un texte brutal, poignant et troublant, qui fait vivre beaucoup d'émotions fortes. L'autrice y décrit une cruauté inconcevable, qui fait froid dans le dos, et évoque de façon particulièrement éloquente ce que c'est, pour un enfant, que de grandir dans la peur.

Il est toujours dur de juger d'un livre basé sur des faits vécus, surtout lorsque les événements racontés sont de vraies horreurs. C'est d'autant plus délicat quand il est question d'autofiction, parce qu'il est alors impossible de distinguer le réel de la fiction. J'imagine, toutefois, qu'il s'agit d'un moyen pour les auteurs de se révéler et d'aborder des sujets difficiles tout en préservant, d'une certaine façon, leur intimité.

Je dirai tout de même ceci : il s'agit d'un portrait composé par bribes plus que d'un récit, et l'absence de réponses et de résolution finale m'a un peu laissée sur ma faim. D'un point de vue narratif, j'aurais aimé en savoir plus ou sentir que cette histoire me conduisait quelque part. Mais c'est peut-être, au fond, exactement ce qu'il y a à retenir d'une lecture comme celle-là : il n'y a pas de sens inhérent à l'horreur. La violence ne mène nulle part.

À ne lire que si vous avez le coeur solidement accroché!
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Cette courte autofiction de 121 pages, telle que la définit elle-même l'auteure, est un cri de douleur et de haine qui tord les tripes.
La narratrice raconte les sévices, les tortures, les avilissements que son père monstrueux, "papa-ogre", lui faisait subir à elle mais aussi à sa jeune soeur et à leur mère, décrite comme passive, complice. le père, mais peut-on encore l'appeler ainsi, se repaît de la douleur, de la peur de ses filles et les réduit à des objets qui satisfont ses désirs sadiques. La cruauté qui s'exerce contre ces deux petites filles est insoutenable. Cette lâche barbarie donne d'autant plus des haut-le-coeur qu'elle s'exerce contre des enfants sans défense dans un milieu, la famille, censé être un cocon protecteur.
Pas d'indication de lieu, de dates, aucune description d'environnement, aucune mention d'autres personnes que le père, la mère, la petite soeur (la narratrice fait partie d'une fratrie de 9 enfants) afin que le/la lecteur/trice ne trouve aucune échappatoire à l'horreur.
Le texte se compose de fragments décousus, comme des flashs ainsi que peuvent se présenter des souvenirs traumatiques. Ces fragments sont séparés par de grands espaces blancs comme si l'auteure reprenait son souffle afin d'éviter que les souvenirs ne la noient, ne l'étouffent. le texte est une série de crachats de haine que Marie-Pier Lafontaine doit expectorer pour respirer un peu mieux.
Cette auto-fiction nous ramène à d'autres auteures qui ont eu la même démarche, qui, à travers la création littéraire, ont essayé de faire face au traumatisme comme Annie Ernaux, Christine Angot parmi d'autres.
Texte profondément dérangeant, qui donne envie de vomir mais puissant, qui imprime sa marque douloureuse dans celles et ceux qui le lisent.
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Un texte court, brut de décoffrage mais qui exprime bien la radicalité de l'expérience des deux soeurs qui ont subi des violences qu'on juge insoutenables, et qu'elles ont pourtant soutenues de la part d'un père sadique et d'une mère inscrite aux abonnés absents d'une fonction maternelle normale. Une écriture sous la forme de scénettes courtes qui flashent et interpellent le lecteur de façon frontale et restitue la bestialité des agressions. Une lecture dure à l'image des sévices endurés et qui rend ce témoignage indispensable.
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Personne ne rêve d'avoir pour père un sadique de la pire espèce, encore moins quand sa mère est une complice quasi active de son monstrueux mari. Et pourtant c'est qui arrive à la narratrice et qu'elle nous explique en long et en large, sans épargner aucun détail, avec un langage cru teinté autant de hargne que d'une certaine résignation. Cela donne une lecture très confrontante, dure car elle touche une réalité qu'on préfèrerait ne pas connaître. Et c'est justement à cause de cela qu'un tel livre doit exister. de là à le recommander, j'hésite tellement il est sans concession, dérangeant au cube et certainement susceptible de bousculer au-delà du tolérable pour certains. À vous de voir, personnellement je suis content d'y avoir goûté malgré le goût très amer qu'il me laisse.
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Dans Chienne, Marie Pier Lafontaine condamne l'enfance meurtrie en clamant l'horreur avec rudesse et flamboyance. Les mots heurtent, empoignent et déchirent le lecteur. L'autrice hurle la rage contenue pendant ces années de silence écrabouillé par son géniteur, avec la complicité de sa mère. Elle conte le drame de ces enfants martyrs nés dans des familles tyranniques échappant à tous les radars de protection et qui doivent se construire malgré les humiliations, les tortures, le sadisme comme modèle de parentalité. Les mots claquent et empoignent. Les mots enjoignent les actes à rétrécir, ils aident à refaire surface.

Nos sociétés sont peuplées de bourreaux. Ce n'est pas parce qu'on ne les décèle pas qu'ils n'existent pas. Ce n'est pas parce qu'on ne les imagine pas qu'ils ne se modélisent pas. Ils peuvent d'ailleurs apparaître chez monsieur tout le monde. le père soumet ses enfants en les en avilissants. La mère victime elle aussi, ne trouve pas le courage de protéger, elle va même plus loin, elle livre ses filles en échange d'un peu de paix, pour elle, pour elle seule.

Comment peut-on laisser ses enfants en proie à l'agonie ? Comment peut-on oeuvrer avec autant d'acharnement pour détruire un être, qui plus est lorsque c'est son enfant ? Ces questionnements me soulèvent depuis toujours. Je comprends la maltraitance éducative ordinaire (même si je ne l'excuse pas) et je tente de la soustraire (je travaille en protection de l'enfance). Mais la cruauté psychopathique n'a pas de limite et n'est pas solutionnable, pour autant on la traite parfois de la même façon. Même en protection de l'enfance, on en rencontre peu de ces familles-là, sans filets, sans âme. Sont- elles bien cachées ? J'espère toujours secrètement qu'elles ne se soustraient pas seulement aux regards.

Je suis admirative de la résilience de l'autrice, qui sublime par l'écrit cette dégradation, cette offense à sa construction identitaire.
Ce récit est implacable et d'une grande force littéraire. Il est utile, subtile et sans apitoiement.

Lien : https://unmotpourtouspourunm..
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Après avoir découvert ce petit roman en librairie j'ai eu l'envie et de le lire, notamment grâce au petit sticker sur la couverture "Une lecture coup de poing dans vous ne sortirez pas indemne !"
Ce qu'il ressort de ce livre lu en moins d'une heure, c'est une sensation de malaise car le récit est violent, très dur, très cru et bien au delà de l'inimaginable !
Je comprends que ce texte ait été un exutoire pour l'auteure mais je reste mitigée sur l'intérêt du lecteur de lire ça, avec tous ces détails ignobles.
J'aurais aimé en savoir plus sur le passé de cette famille et notamment celui du père. Il manque clairement le contexte pour tenter de comprendre (pour peu que ce soit possible) tout ça !
J'aurais également aimé connaître le dénouement de cette histoire. Que sont devenus les autres enfants ? Que sont devenus les parents ? Quel est le parcours de l'auteure suite à ces évènements ? Qui l'a libérée de tous ces sévices ?
S'agissant d'une autofiction, il est difficile de savoir ce qui est réel et ce qui est romancé. Selon moi, cela pose problème dans ce genre de contexte.
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Hier j'ai lu ce livre.
Hier j'ai ressenti la haine, la violence, les blessures que l'auteure a voulu nous transmettre.
Une centaine de pages percutantes qui ne m'ont pas laissée indemne.
30 minutes de lecture intenses, à glacer le sang.
J'ai vraiment eu l'impression d'être dans sa tête entre les souvenirs et leurs conséquences sur sa vie d'adulte, les interrogations sur la cécité des gens autour, l'apathie de sa mère, la destruction de sa personnalité et les tentatives pour se construire malgré tout.
Ça prend à la gorge.
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La chronique crue et tranchante d'une enfance vécue sous les sévices abominables du père et la lâcheté de la mère. L'étrange magie des mots nés de l'horreur sans fard.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/02/03/note-de-lecture-chienne-marie-pier-lafontaine/

Dès les trois premières pages, l'horreur s'installe pour ne plus nous quitter. Une horreur très directe, celle du calvaire vécu par deux soeurs, livrées aux fantasmes d'inceste et aux sévices les plus cruels de leur père, sous le regard amorphe de leur mère, qui n'aura érigé qu'une seule barrière à la barbarie, barrière que l'on jugera de taille ou non : « Pas de pénétration ! ». Dès lors, c'est sur trois registres que la fille cadette, bien des années après les faits, trouve ces mots en forme de haches de bataille pour raconter, enfin, ce qui se passa pendant des années dans ce huis clos. Mots décharnés, asséchés, et pourtant bouillonnants, mots crus qui sonnent comme une contre-attaque tardive plutôt que comme une thérapie, naturellement. Dire, c'est désormais faire vraiment exister ce qui fut dissimulé avec tant d'acharnement et tant de passivité de l'environnement (car les enfants tombent et mentent, c'est bien connu). Dire les agressions sadiques, dire les pensées qu'elles inspiraient alors, dire le traumatisme à vaincre ensuite : trois missions confiées à ces phrases cinglantes dans leur simplicité, leur répétition et leur insistance paradoxale.

Publié en 2019 au Canada chez Héliotrope, puis en 2020 en France au Nouvel Attila, le premier roman de Marie-Pier Lafontaine n'est pas un témoignage, mais une création littéraire. La part d'(auto)fiction et celle de réalité qu'il contient ne regarde après tout que son autrice, qui a trouvé dans le creuset de son master de création littéraire de l'UQAM l'énergie et le courage de transformer un certain potentiel de vécu, vraisemblablement tragique, en une oeuvre magnifique, cruelle, percutante et étrangement poétique – et à valeur proprement universelle, bien au-delà de la tentation documentaire. Comme le rappelait avec grande justesse Hélène Frédérick dans se belle recension pour En attendant Nadeau (à lire ici), « la littérature ne guérit pas, mais peut toutefois combattre ». Comme l'autrice le confiera elle-même deux ans plus tard, dans son essai au titre clair, « Armer la rage », et au sous-titre (« Pour une littérature de combat ») encore plus direct – au sens de la boxe, que Marie-Pier Lafontaine pratique en amatrice assidue -, essai écrit notamment en réaction à la remarque d'un professeur lui assenant que la littérature n'était pas le lieu de la dénonciation : « Répondre à mon père était l'interdit principal de la maison. Raconter était donc tout simplement impensable, enfant. Qu'est-ce que j'aurais bien pu dénoncer de toute façon ? Je pensais qu'il était normal et courant qu'un père soit excité par ses filles et que les enfants soient battus jusqu'à l'âge de 14 ans. Il valait mieux le croire. L'idée de la normalité, même obscène et distordue, retardait le moment de l'effondrement. » (rapporté par Chantal Guy, dans La Presse, dans un article-entretien à lire ici).

Marie-Pier Lafontaine a dit plusieurs fois en entretien toute l'admiration qu'elle éprouvait pour Chloé Delaume. Comme elle en effet, elle transforme l'expérience vécue en quelque chose qui est tout sauf une thérapie, elle développe une subtile alchimie de la vengeance par les mots, qui dépasse rapidement son objet, même aussi terrifiant que celui dont il est question ici. Comme le notait avec sagacité Camille Laurens dans son Feuilleton du Monde des Livres (à lire ici), « la narratrice martyre porte un regard clinique sur la psychopathologie du pervers et de ses complices ». Les mots tranchent à rebours, la chirurgie est libératrice, qui succède aux scarifications désespérées de la grande soeur adolescente : toute une escrime de la haine salvatrice s'élabore dans ces pages, répondant à l'horreur par un fantasme travaillant d'abord et avant tout le décalage souverain pour, enfin, en oeuvre littéraire rare, exploser – et espérer faire pénétrer à son tour ses shrapnels le plus profondément possible.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Une enfance inexistante, brisée, anéantie, exterminée, renversée dans la violence, pour la violence et pour des désirs pervers. Une enfance remplacée par l'appétit malsain du monstre, de l'ogre, du père qui assouvit ses désirs dans l'éclatement du corps, du coeur et de la tête de ses enfants. Particulièrement de ses filles, ses chiennes de filles.

Il les soumet, les étrangle, les frappe, les touche, leur raconte ce qu'il voudrait leur faire. Il les viole mentalement, il les viole dans ses paroles.
Qu'il est dur de lire ces textes, ces bouts de souvenirs, terribles au point de remercier la brièveté des chapitres, qui nous laisse souffler. Les synonymes liés à l'enfer ont beau affluer, ils ne portent pas assez l'horreur des actes infligés.

Ce texte existe pour tuer. Tuer le père, la mère aussi. Un père qui tient plus du monstre et du violeur que de l'homme. Et une mère qui sait, qui assiste et participe à cet inceste. Elle prouve à ses enfants qu'une mère, "on le sait, n'existe pas". Ce texte est là peut-être aussi pour rendre au coeur un semblant d'unité. Et pour exprimer des sentiments auparavant cachés, enfouis, qui ont pourtant forgés l'existence de la narratrice.

Ces bouts de textes possèdent une poésie qui fait aussi mal que ce qui est écrit. Mal tellement c'est beau, bouleversant et terrifiant. Comment peut-elle écrire de manière si organique et puissante malgré l'horreur, le cauchemar sans fin imposé par le père sur sa vie. Leur vie. A sa soeur et à elle. Et les autres enfants dont on devine les ombres mais qui ne sont qu'évoqués.

Ces bouts de textes assemblés ne sont parfois que des phrases et le silence du reste de la page crie aussi fort que les mots imprimés. Ces bouts de textes qui disent la volonté de se venger. Se venger en continuant à vivre et à écrire pour dire et réparer.
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