Lire le Clézio, c'est revenir aux sources de la littérature. Formellement, on ne lit rien d'autre que L'Odyssée, le type qui part de son île pour y revenir changé parce qu'il a vu l'or, la toison des argonautes, l'amour, ce corps noir, mystérieux, fuyant, massif, les plus belles pages du livres, le corps sans culpabilité d'Ouma, nu et recouvert d'un sable qui s'envole petit à petit, laissant le désir naître sans violence,
la guerre, l'horizon noir, encore noir, toujours noir, des tranchées de 14-18.
Le Chercheur d'or, partant de l'île Maurice pour y revenir, c'est bien sûr aussi Paul et Virginie, cette soeur du narrateur qui s'appelle Laure, sans que
le chercheur d'or ne comprenne que l'or, c'est Laure, ce navire qui sombre, l'homme qui plonge à la mer pour rien, les ouragans qui détruisent le paradis terrestre, l'un des paradis terrestre, le Boucan, le lieu de Laure, l'Anse aux Anglais, le lieux de l'or, Saint-Brandon, le cimetière marin souillé par le massacre des tortues.
Au dessus de l'errance, le ciel, les étoiles du père, un instant pareil à la terre, découverte du trésor tant désiré, détruit encore et toujours par l'ouragan, la communion des éléments aussi brève et irrémédiablement perdue que la communion des corps. Ouma s'enfuit. le ciel reste. le trésor est l'errance. Il y a quelque chose d'enfantin dans ce roman. Tout n'y est que gaminerie, sublime gaminerie, croyance en la magie de la nature, seul véritable acteur du roman, source du désir et de la fatalité, force vivante, exact opposé de ce que je travaille en ce moment, envers des choses immobiles et superficielles qui peuplent les romans de
Robbe-Grillet, vision religieuse du monde, hélas incontournable.
Le Clézio se soumet à la nature. Son héros ne cherche pas la liberté, prisonnier qu'il est d'un monde qui lui parle, le guide, le perd. Rien de vraiment tragique, juste l'éternelle errance de l'homme dans une forêt sans fin de symboles, les moments où il croit comprendre, ceux où il sait qu'il n'a rien compris.