Une vue de ROUEN en 1525

Ce « pourtraict » panoramique de la grande cité normande est une invitation au voyage et à la flânerie.
Réalisé en 1525 par Jacques le Lieur, poète et politique rouennais de l'époque, ce parchemin de grande dimension passé au crible dans cet ouvrage offre une vue saisissante de la ville de Rouen, avec, comme tous les tableaux de cette époque, cette perspective maladroite et naïve mais tellement attendrissante.
En ce début du XVIème siècle, Rouen est la deuxième ville du Royaume de France. Elle est riche et puissante. le peuple de Rouen, avec son baragouin qui lui est propre, est encore une réalité.
La cité toute entière est tournée vers la « rivière de Seine » et son port où d'immenses nefs pansues remplies, on peut le supposer, d'épices, de bois, de céréales ou de pièces rares d'étoffes sont à l'ancrage. Grâce aux échanges maritimes, Rouen est aussi une ville cosmopolite.
Parlons-en de la Seine, tellement différente de celle d'aujourd'hui qui est comme encagée ! Je vois un grand fleuve qui prend ses aises, confortablement installé, et se prélasse entre ses rives boueuses.
A la différence de Rouen qui étouffe à l'intérieur de ses vieux remparts ! La ville semble hésiter, comme flotter, entre moyen-âge et renaissance. Les grands monuments sont surreprésentés : la cathédrale bien sûr, le beffroi, et l'abbatiale Saint Ouen coiffée de sa tour lanterne ; à l'ouest, dans le quartier Cauchoise, le Vieux Palais, bâtiment moyenâgeux édifié par Henri V, monarque anglais, avec sa grande tour austère et rude au surnom peu engageant de « Mal s'y frotte ».
A l'exception du hameau de « Claquedent », la rive gauche de la Seine, vaste lande marécageuse, est peu habitée. de nos jours, c'est la zone la plus urbanisée de la ville.
Sur ce parchemin, Rouen domine la nature d'une manière éhontée, la relègue à l'arrière-plan. La pointe des clochers est aussi haute que les sommets des cinq monts au bas desquels elle est en réalité lovée.
A quoi pouvait bien ressembler ma rue en 1525 ? Je l'ai retrouvée dans un plan de Rouen datant de 1720 mis en dernière page de l'ouvrage en surexposition avec un plan de 1525. C'est une rue située un peu au-dessus de l'impressionnante porte Cauchoise, aux pieds Du Mont aux Malades. Une rue en forme de V inversé qui n'a pas bougé d'un poil, à la différence que les parcelles cultivées et les vergers qui la bordaient ont été remplacés par des immeubles datant du XIXème et du XXème siècle.
Un bel ouvrage découvert chez un bouquiniste qui, allez savoir pourquoi, rend vaguement mélancolique quand on le feuillette. Grâce à lui, j'ai pu m'imprégner de l'histoire de cette ville que j'aime tant. Une histoire riche, parfois épique et glorieuse, parfois douloureuse, comme celle de toutes les grandes cités deux fois millénaire.