AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,4

sur 10 notes
5
0 avis
4
3 avis
3
1 avis
2
2 avis
1
0 avis
Une phrase de 150 pages pour détailler les phases d'une autopsie géante, puzzle morbide dont Ona devra échantillonner les pièces éparses, corps démembrés ou composants d'explosifs. Pièces à conviction d'un attentat terroriste perpétué sur l'affolé marché d'Abouja. L'observation du carnage est crue, privée d'émotion. À l'exception, peut-être, de cette tête décapitée qu'Ona reconnaît. Son chauffeur. Que fait-il là ? Il faudra tout « reconstituer ».
Boris le Roy décrit l'horreur telle qu'elle est, parce que la censure qui sévit à notre époque dénature les massacres, en efface l'humanité pour tout archiver, détourner les regards, passer à autre chose. En anglais, quand les images sont trop explicites et susceptibles de choquer, on dit qu'elles sont « graphic ». Boris le Roy va plus loin que le « graphic », puisant dans tous les registres. Les chairs meurtries sont dépeintes à la manière de Francis Bacon, du Caravage… ou de Pollock, si j'osais. Il est là l'intéressant paradoxe : en décrivant la barbarie de manière clinique, il rend aux victimes la dignité que le dégoût et le déni communs leur enlèvent. Il n'y a pas de guerre propre. L'expression « frappe chirurgicale », par exemple, est une aberration linguistique, complice de son auteur. Idem pour l'attentat kamikaze : il faut exposer pour ne pas banaliser.
Ce livre, quelquefois éprouvant (âmes sensibles s'abstenir), montre que le roman, lui seul, peut devenir un témoin objectif du malheur. J'ai aussi admiré la manière dont la forme (une prose telle une trajectoire de balle) sert le propos de l'auteur. Dans les pas d'Ona, en la suivant dans sa terrible besogne, on apprend beaucoup sur le Nigéria et le terrorisme qui le gangraine. Autant de digressions, de parenthèses, qui permettent de reprendre son souffle.
Bilan : 🌹🌹
Commenter  J’apprécie          180
Plongée saisissante et tour de force littéraire dans le Nigéria contemporain confronté au terrorisme de Boko Haram.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/01/11/note-de-lecture-leducation-occidentale-boris-le-roy/

Publié en 2019 chez Actes Sud, le troisième roman de l'acteur et scénariste Boris le Roy nous offre un torrent puissant et de la foudre saisissante. Plongés d'emblée dans le flot des notes fiévreuses inscrites à toute allure dans son journal de bord par Ona, policière française experte détachée via l'ONU auprès des autorités nigérianes, décrivant le tumulte à refroidir et analyser en permanence que constituent les premières minutes suivant un attentat terroriste de Boko Haram sur un marché populaire d'Abuja, la capitale de la fédération, la lectrice ou le lecteur ne reprendront jamais leur souffle. Et tant mieux.

Gorgé de flashbacks qui peuvent être aussi bien étonnamment intimes que brutalement géopolitiques, de pensées parasites qui se faufilent comme aux forceps dans la réalité urgente des décombres et des cadavres à sécuriser, le récit, nécessairement chaotique, se structure néanmoins avec maestria, sous l'impact décisif, chevillé au corps et à l'esprit, de la nécessité du professionnalisme et de la froideur analytique, contre toutes les données aléatoires, horribles, de l'immédiat lendemain (décompté en minutes ou dizaines de minutes) de l'attentat. Non pas un journal, mais le flux de pensée entourant et surplombant la rédaction d'un journal, la tentative en action même d'instiller de l'ordre au milieu du chaos – somptueuse métaphore dans la métaphore.

Issu d'un séjour de quelques mois effectué par l'auteur au Nigéria, ce roman, au-delà du véritable tour de force littéraire que constitue sa technique d'écriture et l'immersion radicale qu'elle provoque, saisira la lectrice ou le lecteur par sa profonde intelligence déployée tous azimuts, sans étalage ni esbrouffe. Décryptant avec brio le Nigéria d'aujourd'hui en évitant avec un soin particulier tous les clichés paléo- et néo-colonialistes, Boris le Roy, par la voix / pensée de l'expatriée Ona, nous confronte à une haine et à un rejet, ceux de l'alphabet latin (« Boko »), ceux de l'éducation occidentale en résumé extrême, comme fondation et comme prétexte d'une entreprise de terreur multivariée. Mobilisant aussi bien l'histoire du pays (certains épisodes, logiquement, nous renverront l'espace fugace d'une étincelle intellectuelle aux constructions poétiques et imaginaires, labyrinthiques comme il se doit ici, de Tade Thompson aussi bien que de Christopher Okigbo) que les strates ethniques, religieuses et socio-économiques qui le caractérisent de nos jours (inventant avec une cohérence magnifique les voix ad hoc, dans les fréquentations d'Ona, chaque fois que nécessaire), l'auteur nous plonge dans les réalités d'une guerre idéologique et d'une coopération mutante, d'une série de corruptions et d'une série d'émancipations, multipliant avec une ruse extrême les angles de vue (on songera certainement ainsi au brio déployé par Harry Parker dans « Anatomie d'un soldat », à propos de la guerre en Afghanistan, cette fois). En jouant à l'occasion entre des accents qui viendraient du Oliver Rohe de « Ma dernière création est un piège à taupesMikhaïl Kalachnikov, sa vie, son oeuvre » et d'autres qui se seraient échappés de chez le James Manos Jr. de la série télévisée « Dexter », Boris le Roy déploie à merveille le spectaculaire marchand inscrit au coeur du terrorisme, et son utilisation sans vergogne par ses ennemis même, dans tous ses impacts ramifiés et pas toujours soupçonnables.
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          10
Un livre à couverture colorée, en contraste avec l'horreur et la froideur de son contenu. Les plus initiés auront compris à l'évocation du titre qu'il est question du groupe islamique Boko Haram (signifie en haoussa «l'éducation occidentale est un péché» ), les néophytes - comme nous - en apprendront beaucoup à sa lecture.

Ona, agent scientifique recrutée par l'ONU, arrive à Abuja - capitale du Nigeria - pour parfaire la formation de la police locale aux méthodes d'investigation scientifique. Finalement, la pratique rattrape la théorie quand elle est requise sur les lieux d'une explosion terroriste pour conduire les premières constatations. Parmi les corps déchiquetés des victimes, elle reconnaît son chauffeur mystérieusement disparu quelque temps plus tôt. L'héroïne est alors assaillie par l'emballement des hypothèses et la tentation de l'élucidation.

Véritable exercice de style, l'Education Occidentale ne se compose que d'une seule et longue phrase. Cette absence de point traduit parfaitement le rythme étouffant de la scène - la seule et l'unique du livre - mais surtout la vague déferlante de questionnements et d'hypothèses qui traversent l'esprit de la protagoniste principale.

L'auteur oscille entre thriller scientifique et roman politique. L'ensemble forme une oeuvre hydride, très voire trop technique, avec une accumulation d'acronymes (ONUDC, DSP, CEDEAO, NGN, etc.). Un livre exigent et dense, malgré le peu de pages (147 pages), qui peut perdre le lecteur. On perçoit le réel travail de Boris le Roy dans ce texte qui retranscrit avec justesse le quotidien d'un agent scientifique. Chaque détail de l'enquête est décrit avec minutie, mais le regard froid et mécanique de l'héroïne sur ces corps déchiquetés (c'est son métier me direz-vous) n'emporte pas l'attention du lecteur. Restent donc les développements politiques et diplomatiques sur les troubles que connaît la région.

Un travail journalistique qui nous apprend beaucoup sur l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest - communément appelé Boko Haram - à l'aide de chiffres et analyses, à défaut d'une « enquête fascinante » comme nous laisserait à penser la quatrième de couverture.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          00
C'est la première fois que je lis un livre où le point est inexistant. On commence une phrase et pour arriver au bout il faut parcourir les 150 pages du roman. J'ai eu l'impression d'être emporté par une vague déferlante. On a le sentiment de ne pas pouvoir s'arrêter.
Ona est une jeune femme enquêtrice pour l'Onu et en mission dans la capitale nigériane pour donner un coup de main à la police scientifique locale sur la scène d'un attentat terroriste à la bombe humaine. Il faut avoir le coeur et l'estomac bien accrochés avec les descriptions de tous les corps démembrés ici et là sur la scène de crime. La découverte par Ona du corps de son chauffeur sur le lieu de l'explosion va donner une toute autre tournure à cette enquête... Un sujet sérieux et intéressant à lire.
Commenter  J’apprécie          00
Le titre ?
De facture classique , déconcertant quand on connaît le sujet.
Il a à voir avec Boko Haram, le nom donné à l'organisation terroriste au Nigéria, celle justement qui vient de commettre un attentat sur le marché d'Abuja : Boko, en dialecte haoussa, désigne l'alphabet occidental. le mot pourrait aussi renvoyer à quelque chose de suspect. Haram veut dire interdit.
L'Education occidentale, c'est donc à lire dans un double sens : le regard porté par ce groupe sur l'Europe, mais aussi le rappel que la vision de l'auteur présent là-bas est celle d'un Européen.
Le sujet ?
Boris le Roy a eu l'opportunité de suivre une amie mutée par l'ONU au Nigéria pour former la police scientifique. Dès son arrivée, deux attentats et la prise de conscience que de là où il venait et là où il était, il y avait ces actes terroristes, et donc la nécessité de s'intéresser à cette question. Il passe plus de six mois sur place, y retourne ensuite : le temps de s'immerger, s'imbiber, interroger.
La littérature et le terrorisme ?
BLR recherche un dispositif littéraire, un « souffle » pour restituer au mieux certaines choses. Il met ce travail en parallèle avec « l'insensibilité salvatrice » de l'agente scientifique sur le lieu de l'attentat. Une froideur apparente devant l'intolérable. Ne pas être dans l'émoi circonstanciel, prendre de la distance. Une autre manière de représenter. Mais aussi un instantané : le récit n'a pas la prétention de traiter une question aussi vaste et grave.
De la sidération à la considération ?
L'écriture littéraire est en effet un filtre qui permet le traitement et d'une certaine manière la réflexion. Ona, présente pour la police scientifique, est au service des victimes, dans la mesure où ses relevés sont autant de preuves et de possibilités d'identification. Les journalistes et les politiques sur le terrain, eux, veulent des réponses immédiates, au risque de détruire les preuves. Ona, la protagoniste, n'est ni du côté de la victime, ni du côté du terroriste. C'est cette distance que la littérature permet de ménager.
Questionnements multiples ?
Ona elle-même s'interroge sur sa place dans ce pays, sur sa mission et plus largement sur celle des organisations internationales au Nigéria : quelle légitimité ? quel pouvoir réel ? qui aide-t-on ? Il y a un passé colonialiste anglo-saxon (« manipuler plutôt qu'asservir ») dont l'influence demeure.
On ressent sur place une forme de « chaos flottant », l'impossibilité de savoir le vrai, de décoder les propos des uns et des autres.
Plusieurs fils narratifs ?
Il y a d'abord l'enquête technique mais très vite elle se double d'une introspection : Ona retrouve la tête de son chauffeur sur les lieux de l'attentat. Un personnage terriblement ambigu. Elle n'a jamais su qui il était vraiment et tout en poursuivant son travail, elle relit le passé, l'analyse, l'interprète. Elle l'a cherché quand il a disparu après lui avoir volé sa voiture, elle a « enquêté » sur lui. Est-il ce jour-là une victime ou le terroriste ? le tissage entre présent et passé, souvenirs et réalité, doutes et rigueur scientifique se fait sous forme d'un flux narratif continu, scandé par les indications de relevés, étapes du récit, comme des « têtes de chapitres ». Deux fils savamment liés.
Donner à voir ?
Les images du marché dévasté sont très précisément écrites. Chaque élément corporel recueilli par Ona est décrit avec une minutie sans concession (« l'insensibilité salvatrice»). BLR se dit très influencé par Claude Simon, dans La Route des Flandres : aller « jusqu'au bout du geste, de la sensation, de l'image ». Il est question aussi de peinture dans le récit : regarder les corps et ne pas être fasciné par le fragment. « La Forme est la première et la dernière instance de la responsabilité littéraire » écrit Barthes. le travail de l'écriture est fondamental, d'autant plus sur de tels sujets.
Une boucle ?
La dernière page se superpose à la première, en se modifiant peu à peu. Expression de la sensation d'être dans un cercle, dont on aura du mal à sortir. « Ne pas se retourner, toujours avancer », c'est le leitmotiv d'Ona, mais la terre est ronde, elle reviendra nécessairement à son point de départ.

Un récit en mouvement, celui de l'écriture « continue », celui de la pensée et des émotions. le dispositif littéraire choisi par Boris le Roy rend compte de la dispersion réelle,
celle des corps et des interprétations et de la tentative, vaine, de démêler le vrai du faux, de trouver la vérité.


Lien : https://www.tribunelivres.com
Commenter  J’apprécie          00
Il est 13h30 lorsque Ona arrive au marché d'Abuja au Nigeria, quelques minutes après une terrible explosion. Agent scientifique recrutée par l'ONU pour former les équipes locales aux méthodes d'investigations scientifiques, la jeune femme est à la recherche du moindre indice. Tout a volé en éclats. Les étals pulvérisés recouvrent les corps démembrés des victimes. Ona se met au travail méthodiquement, cherchant à comprendre ce qui a provoqué l'explosion. Avec surprise, elle s'aperçoit rapidement que l'un des corps des victimes n'est autre que celui de son chauffeur, homme mystérieux au comportement trouble.

Véritable exercice de style, L'Education Occidentale n'est composé que d'une seule et longue phrase, traduisant le rythme étouffant de la scène. Entre thriller scientifique et roman politique, se superposent passé de la jeune femme et réflexions face à la scène. L'ensemble forme un roman hybride, un peu déroutant. C'est un livre exigeant et dense, malgré le peu de pages et qui emporte le lecteur vers la réalité sordide du terrorisme. En élucidant point par point tous les détails de l'enquête, le personnage nous offre l'agitation de son âme dans une situation hors du commun. Toutefois, malgré l'analyse sociale fascinante et les événements décrits avec une réalité frappante, je suis restée complètement en dehors du texte, tant le regard froid et mécanique m'a gênée. Ici, il n'est pas question de sentimentalisme, et si cela apporte beaucoup de dignité au sujet, le lecteur est pris au dépourvu par cette absence totale d'émotion. Je perçois le réel travail de l'auteur dans ce texte, mais il m'a vraiment manqué quelque chose pour l'apprécier pleinement.
Commenter  J’apprécie          00
Ce livre n'a aucun point !!!
Exercice de style intéressant mais je n'ai pas réussi à rentrer dedans...
Commenter  J’apprécie          00
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (18) Voir plus



Quiz Voir plus

Portraits d'écrivains par des peintres

Bien avant de devenir Premier peintre du roi, et de réaliser les décors de la galerie des Glaces à Versailles, Charles Le Brun fut élève de Simon Vouet. De quel tragédien fit-il le portrait en 1642 ?

Corneille
Desmarets de Saint-Sorlin
Molière
Racine

12 questions
68 lecteurs ont répondu
Thèmes : portraits d'écrivains , Peinture française , peinture anglaiseCréer un quiz sur ce livre

{* *}