Mémoires de M. Le marquis de Bouille pendant son administration aux isles du vent de l'Amérique

Mémoires de M. le marquis de Bouillé pendant son administration
aux Isles du Vent de l'Amérique

Le conseil départemental de la Haute-Loire annonce une exposition intitulée : « Lafayette, l'intime et la légende » dans ses locaux et pour le mois de juillet 2016. À ce titre, il paraît intéressant de rapporter ici des notes de lecture de l'ouvrage cité ci-dessus édité en 2015, par la Société de l'Histoire de France et diffusé par les Éditions de Boccard. Il a fallu attendre plus de deux siècles pour que ces mémoires du marquis de Bouillé soient offertes au public. Bouillé, petit cousin de Lafayette, qui gouvernait les îles de la Martinique et de la Guadeloupe pendant la guerre d'indépendance des États-Unis, était né à Saint-Eble (commune de Mazeyrat-d'Allier). Une période historique peut s'aborder de deux façons : soit par la lecture d'un ouvrage exhaustif soit par celle des mémoires de l'époque. La lecture de ce texte, plus journal que mémoire, si elle ne permet pas d'avoir une vue d'ensemble des opérations militaires, fait découvrir, mois par mois, le long déroulement de plus de cinq ans de guerre avec ses incidents, réussites et échecs.

Avant la déclaration de guerre de la France à l'Angleterre, les hostilités de part et d'autres se font dans l'ambiguïté : les corsaires américains, avec leurs prises, sont accueillis dans nos ports. Après la prise de l'île de la Dominique sur les Anglais, en septembre 1778, Bouillé, dans un esprit de tolérance, maintient la loi anglaise qui protège ses colons ; en novembre 1781, celle de Saint-Eustache est enlevée ; enfin, dans un récit palpitant, la prise de l'île de Saint-Christophe, en janvier 1782, malgré ou à cause des difficultés qui s'accumulent. Une guerre faite d'occasions manquées, demies victoires ou demies défaites, le quotidien du vivre se double d'aigreurs et d'intrigues mais aussi de feintes et tromperies entre ennemis de bonne compagnie. La prévarication règne à tous les échelons civils et militaires. Ces mémoires témoignent des difficultés de se faire obéir des officiers supérieurs. Les officiers subalternes, blanchis sous les harnais, ne sont peut-être pas à la hauteur de leur dernier commandement. Une réflexion amusante nous montre les jeunes officiers, débarquant de la cour de Versailles, ils n'ont jamais vu la guerre mais se comportent bien au feu. La tempête et la mauvaise récolte aggravent la situation de guerre des habitants jusqu'au sauf-conduit délivré au marchand anglais pour les alimenter. En revanche, le marquis de Bouillé n'est pas tendre à l'égard de l'amiral d'Estaing, un peu plus favorable au capitaine de Grasse. Les rapports avec les amiraux Anglais ne sont pas dénués d'une certaine élégance. Quant aux alliés espagnols, il en attend un souper, ils le gratifient d'un rosaire d'une heure et demie !

Nous y rencontrons des compatriotes comme le marquis de Bouzols, La Fayette, Jean-Georges du Croizet de Retz (décédé à Blesle) et Jean André Veron de la Borie que les savantes annotations et index de Philippe Henrat permettent de repérer. L'introduction de Philippe Haudrère resitue contexte historique et rivalités. Un de mes ancêtres, sous-lieutenant est parti pour la Martinique à 20 ans pour cette longue campagne dans le régiment d'Auxerrois. Bouillé écrit : « Je n'ai jamais vu de troupes plus dociles, plus fermes et plus patientes que le fut ce régiment. »

Christian de Seauve