Nô est la première BD de cette jeune maison d'édition indépendante, avec aux manettes Lebra en scénariste et aux couleurs (mais aussi fondateur de la maison d'édition) et Tyef au dessin.
Le livre, la couverture :
Le livre est un d'un format classique BD de 46 planches, de bonne manufacture et agréable à prendre en main. le premier plat impressionne avec le gros plan de ce personnage revêtant ce masque de Nô. Il fait limite froid dans le dos…
Et le 4eme plats intrigue et ouvre ainsi l'enquête par cette main, avec les extrémités des doigts cachées, posée sur le masque.
Le dessin, le style, les couleurs, la mise en scène :
Le dessin d'un type semi-réaliste est vraiment bien maîtrisé par Tyef, avec un trait épais et puissant. Certaines proportions dans les perspectives paraissent peut-être légèrement loupées mais dans l'ensemble les mises en scène sont bien travaillées.
Usant ainsi de bon nombre de technique cinématographique, Tyef réussi à nous plonger graphiquement dans un thriller noir, glauque et gore à souhait, mais aussi très dynamique et haletant.
Cet enchainement de plan d'ensemble, gros plan, très gros plans, plans américains, plongée, contre-plongée, etc… donne vraiment beaucoup de rythme au scénario.
Le dessinateur nous insuffle donc, avec beaucoup de tact, ce sentiment dérangeant et désagréable d'être témoin d'horreurs mais sans pouvoir intervenir…
Les tons et couleurs sombres, parfois tranchés par des touches vives et sanglantes au travers d'onomatopées et/ou autres subterfuges, renforcent le coté lugubre et sordide du récit.
Les effets sont placés avec la juste parcimonie pour ce genre d'histoire. Ils guident notre oeil sur des détails percutant comme un homme en colère, un masque effrayant, une silhouette sortant de l'obscurité etc…
Certaines mises en scènes ne sont pas sans nous rappeler des classiques de films d'horreur comme « Psychose », « Halloween », etc…, ce qui agrémente la lecture de l'ouvrage d'un petit jeu pour chercher des références sympathiques…
Le scénario, le découpage :
Le scénario est totalement dans la ligne éditoriale des éditions Atypique.
Souvenez-vous l'article sur la mémoire des siècles…
Cette maison édite des ouvrages dont la notion du bien et du mal est discutable et est toujours en marge.
Dans le cas de cette BD, notre "héros" s'en prend à des criminels qui ont commis des actes immondes. Il élimine ainsi de manière violente les bourreaux de leurs innocentes victimes, un peu à la façon de la très connue série télévisée Dexter avec beaucoup de sang et de crimes particulièrement incongrus.
Est-ce bien ou est-ce mal ? La frontière entre les deux est donc très fragile.
Mais dans ce scénario, je m'attarderai sur le côté gore et violent et le fort sentiment de mal-être qu'il peut amener.
Le thriller est fort, bien conduit, et nous interpelle beaucoup tout au long de sa trame.
A chaque fin de page, on se demande ce que la suite nous réserve.
Les caractères des personnages sont sympas mais parfois basiques et peuvent sombrer hélas dans du fatidique cliché comme le méchant sérial killer en grosse brute de la zone, ou la commissaire en mère célibataire superwoman....
Le découpage, quant à lui, est à la fois très rythmé et aéré. Les cases sont majoritairement grandes, peu nombreuses par planche, de formes rectangulaires mais de toutes tailles.
Certains artifices de découpage sont aussi bien placés comme par exemple une vignette de biais, ou un fond de page illustré avec quelques cases apposées dessus...
Ceux-ci nous permettent de focaliser particulièrement sur une scène cruciale pour l'action ou le récit, comme cette scène sanglante ou le "héros" meurt... (Oups, « spoiler »… ou pas ;-))
Au final, cette petite BD est captivante et originale, imprégnée d'action, de violence, de jolies filles, meurtres etc…
Elle ne doit évidemment pas tomber dans toutes les mains (surtout celles des jeunes enfants…).
Une bonne lecture avec son lot de surprise.
Ciao,
Yann
Lien :
http://www.7bd.fr/2016/05/no..