Pour arracher deux femmes puissantes s'il en est à la gangue du roman national plus ou moins moisi, une recréation savoureuse et enlevée, joueuse et diabolique, queer et rusée, des figures historiques de Yolande d'
Aragon et de Jeanne d'Arc.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/01/30/note-de-lecture-
fantaisies-guerilleres-guillaume-lebrun/
Yolande d'
Aragon n'est pas toujours le personnage historique qui vient immédiatement en tête lorsque l'on se penche sur la guerre de Cent Ans (1337-1453) entre la France des Capétiens et l'Angleterre des Plantagenêt. Pourtant, les historiens de métier s'accordent à voir en elle l'une des plus habiles forces politiques et têtes pensantes de l'époque, ainsi qu'une redoutable manoeuvrière mondaine et matrimoniale, d'abord dans l'ombre relative de son époux Louis II d'Anjou, puis, grâce au mariage de sa fille aînée Marie avec le troisième fils de Charles VI, comme belle-mère du roi Charles VII, après la mort successive des deux premiers dauphins. Dans ce troisième texte et premier roman assumé de
Guillaume Lebrun, publié en août 2022 chez
Christian Bourgois, son personnage prend une dimension beaucoup plus épique et pleinement savoureuse, en devenant plus grand encore que sa propre légende, créant de toutes pièces une figure historique beaucoup plus connue qu'elle par le truchement d'une véritable école clandestine de futures cheffes de guerre légendaires, école dont la lauréate deviendra
Jeanne d'Arc – et assumera la narration du roman à ses côtés.
«
Fantaisies guérillères » est un roman profondément enthousiasmant, dans son double maniement d'un anachronisme enjoué de tonalité et d'atmosphère (pour lequel on songerait naturellement aux tours de force des
Wu Ming /
Luther Blissett de « Q /
L'Oeil de Carafa », à la Marie-France Albecker de « Et j'abattrai l'arrogance des tyrans », voire, à l'écran, au
Brian Helgeland de « A Knight's Tale ») et d'une inventivité langagière que l'on n'avait plus connue en matière médiévisante depuis la superbe
Céline Minard de «
Bastard Battle » (2008). Si l'on y ajoute cette désinvolture joueuse vis-à-vis de l'Histoire avec un grand H (dont chaque interstice et chaque rumeur peuvent être si joliment mis à profit ici), liberté de parole que ne renierait sans doute pas la
Catherine Dufour de «
L'histoire de France pour ceux qui n'aiment pas ça », et une ruse scénaristique, sous contrainte des chroniques pourtant établies, qui force l'admiration, on obtient in fine une bien belle réussite, où l'humour et la faconde s'allient à une cruauté et un sens du queer utile, proprement enchanteresses.
On peut aussi se régaler (plutôt a posteriori, car cette Histoire-là se prête aux spoilers) avec ce qu'en disent par exemple Zoé Courtois (dans le Monde des Livres, ici),
Dominique Goy-Blanquet (dans En attendant Nadeau, ici) ou Ellen Ichters (sur RTS, ici).
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