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EAN : 9782490698554
144 pages
Nouriturfu (03/03/2022)
4.18/5   22 notes
Résumé :
La bière est la boisson alcoolisée la plus consommée au monde. Mais savez-vous combien de centilitres de sexisme il y a dans un demi ? Combien de décilitres de patriarcat dans une pinte ? Aujourd'hui, les femmes ont plus que jamais soif de bière et d'égalité : après avoir été historiquement évincées de la profession, les brasseuses sont enfin de retour ; tout comme les consommatrices, qui sont de plus en plus nombreuses à s'intéresser à la bière et à s'y connaître e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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La bière, voilà bien une boisson de bonhomme ! C'est l'incontournable des soirées pizza-foot, évidemment (toujours) entre potes. C'est la petite mousse bien méritée par Monsieur après 30 minutes à tondre la pelouse, bien assis sur son motoculteur qui consomme plus que la dodoche de Mémé. Ouais, la bière, c'est pas pour les gonzesses, à croire qu'on la produit en fermentant de la testostérone… « Cette boisson reste encore aujourd'hui profondément associée au masculin dans l'imaginaire collectif. » (p. 11) Je force le trait, vous trouvez ? Si peu…

Dans le monde brassicole, comme dans tous les autres mondes, les noms de femmes ont bien du mal à se faire entendre et à être retenus, inévitablement remplacés et écrasés par ceux des hommes. Inévitablement, vraiment ? Pas pour Anaïs Lecoq qui, en retraçant l'histoire de la bière, rappelle que les femmes ont très longtemps présidé à sa production. OK, elles ont été écartées de cette activité dès que les hommes ont compris qu'il y avait de l'argent – beaucoup d'argent – à se faire. Mandieu, laisser les bonnes femmes réussir économiquement et devenir financièrement indépendante, ça va pas la tête ? « Alors que c'est la division genrée du travail qui conduit à l'origine les femmes à produire de la bière, c'est ce même principe qui les écarte ensuite de la pratique. Marrant comme les curseurs peuvent facilement être déplacés pour coller aux désirs des hommes. Tantôt afin de faire trimer bobonne pour nourrir la famille avec de la bonne ale, tantôt pour reprendre le business et s'accaparer le pactole et la gloire. » (p. 35)

Mais les femmes ont-elles alors disparu ? Pas du tout, vous voyez le mal partout : elles sont immanquables sur les étiquettes et les publicités, joliment sanglées dans des atours légers pour vous proposer une bonne pinte rafraichissante. « Si on les a exclues du brassage, on a quand même gardé les femmes sous le coude pour aguicher ces messiers et les pousser à consommer toujours plus. » (p. 12) Passer de bobonne à bimbo, en voilà une promotion… L'industrie brassicole, comme toutes les autres, objective le corps de la femme dans des publicités sexistes et fétichisantes qui imprègnent l'imaginaire collectif et la représentation que les femmes ont d'elles-mêmes. Mauvais goût, vous dites ? Oui, et je ne parle pas des bières premier prix. Attendez que je (Anaïs Lecoq) vous parle de la grossophobie et du racisme décomplexé dans le branding et la communication de certaines marques de bière, vous allez tousser fort !

Mais alléluia, la lumière apparaît au fond de la bouteille ! Avec le féminisme-washing, nous gonzesses avons droit à des bières brassées juste pour nous : sucrées, fruitées, mignonnes, pas trop fortes… Et qui produit ces boissons qui n'ont de bière que le nom ? Mais si, vous avez la réponse ! « On n'est pas bien là, entre mecs, à réinventer le féminisme ? » (p. 67) Ça me rappelle une anecdote personnelle. Pendant une soirée d'été en terrasse avec des amis (tous des hommes), je commande une Guinness (mon péché mignon depuis longtemps). le serveur revient avec un Ricqlès. Je le corrige et il me répond : « J'avais bien compris, mais je me suis dit que vous confondiez les deux boissons. C'est fort, la Guinness, vous savez. » J'étais alors une petite chose de 22 ans et quelques et j'ai bafouillé que c'était très bien, que j'aimais aussi beaucoup le Ricqlès. Ce mec habillé en pingouin m'a écrasée de sa certitude qu'une femme (jeune de surcroît), ça n'aime que les boissons sucrées. Maintenant, j'ai un peu plus de bouteille et je commande fermement : « Une Guinness, s'il vous plaît. En pinte, évidemment ! »

Pour en revenir au livre d'Anaïs Lecoq, plusieurs études ont prouvé que les hommes n'aiment pas consommer des produits présentés comme féminins. le savon à la lavande ou la bière à la cerise, pouacre, c'est pas bon pour leurs gros biscoteaux ! Donnez-leur plutôt un gel douche à l'essence de pneu et une bière qui titre fort ! Pauvres petites choses, effrayées par un packaging qui tire un peu trop sur le pastel… « Nos goûts ne sont pas innés, ils sont conditionnés. Cette corrélation entre les saveurs fruitées et la féminité est omniprésente dans la bière. » (p. 86) C'est aussi pour ça que, quand je déguste ma Guinness (et je voudrais, si vous le permettez, déguster en paix), j'entends parfois que je bois comme un homme. C'est-à-dire ? Par la bouche ? Oui, c'est comme ça que l'humanité boit depuis toujours. le goût, Sandrine Goeyvaerts en parle brillamment dans Cher Pinard, publié aux mêmes éditions Nouriturfu. Lisez aussi son Manifeste pour un vin inclusif.

Parlons d'un sujet avec moins de légèreté, l'alcoolisme. Cette maladie ne doit pas prêter à sourire ni être l'occasion d'un bon mot. Quand on l'étudie par le prisme du féminisme (non, ça ce n'est pas une maladie), on comprend que les femmes alcooliques souffrent d'une double peine : la pathologie en question et le poids d'une société organisée pour les opprimer depuis des siècles. « Aux origines de l'alcoolisme des femmes, c'est bien le patriarcat qu'on retrouve pour nombre d'entre elles. Avec, pour principal outil, la charge mentale. » (p. 101) Sur le sujet de l'alcoolisme au féminin, je vous renvoie au très puissant témoignage de Charlotte Peyronnet, Et toi, pourquoi tu bois ?

Bon, alors, c'est foutu, les femmes ont perdu la bataille de la bière ? Non, nous consommateur·ices, nous avons le choix de refuser les produits aux affichages sexistes/oppressifs et de nous tourner vers des offres inclusives et décentes. « Les femmes ne sont pas votre caution diversité, je vous rappelle que nous représentons la moitié de l'espèce humaine. » (p. 131) Des brasseries gérées par des femmes, il y en a. Alors oui, il faut les chercher et ça demande un peu d'effort parce qu'elles n'ont pas vraiment table ouverte dans les raouts brassicoles où ça se congratule entre couilles parce qu'une conférence parle de la place de la femme dans l'industrie houblonnée. « Il paraît bien compliqué d'avoir une quelconque influence sur les politiques brassicoles quand on est complètement absentes des institutions et syndicats représentatifs. » (p. 108) Mais en fait, c'est comme tout, si on cherche, on trouve. Et une fois qu'on a trouvé, on trouve encore plus ! Valoriser et consommer les productions portées par des femmes, ça ne rend pas lesbienne (et je ne vois pas en quoi ça serait un mal, ça, mais c'est un autre sujet) et ça ne fait pas flétrir les valseuses, promis ! Anaïs Lecoq nous donne des pistes pour que le monde de la bière change, du/de la brasseur·se au/à la buveur·se. le point médian, ça en défrise certains ? (Oui, là, je me contente du masculin) Dommage pour vous, parce que je ne vais pas arrêter… « Voilà des décennies qu'on parle de ‘féminiser' la langue française pour mieux coller aux évolutions sociétales non sans avoir affaire à un régiment de Jean-Michel Linguistes s'offusquant de l'acharnement des féministes à massacrer leur langue. Cette dernière a au contraire été masculinisée au fil des siècles, par des mecs trop fragiles pour accepter qu'une femme puisse oser être une autrice ou une doctoresse. Ce forcing organisé et institutionnalisé a réussi à évincer progressivement les femmes de la langue et surtout des postes qui ne devaient pas ou plus leur revenir. » (p. 27) Ah ça, je réponds HELL YEAH MES SOeURS !

Anaïs Lecoq mène une démonstration impitoyable et brillante. Les données sont sourcées et solides et elles gagnent en force grâce au délicieux humour misandre de l'autrice. J'ai essayé de lui rendre hommage avec ce billet un peu féroce. Lisez le livre d'Anaïs Lecoq et buvez des bières, Mesdames, avec modération évidemment !
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Je trouve la couverture très belle et très réussie, les couleurs sont splendides, ça pète dès le premier regard ! Bravo !

C'est ensuite que les choses se gâtent.
L'auteur est très jeune, ce qui explique sûrement la virulence de son propos. le mien sera plus doux, sans doute à cause des quelques années qui nous séparent.
Parce que pour la suite, et bien soit vous êtes déjà convaincu que les hommes sont une engeance en trop sur terre, un ramassis de c*nnards incultes et brutaux qui a infesté tous les milieux et pourrit la vie des femmes et ce livre ne vous apprendra rien, si ce n'est que c'est pareil dans le monde de la bière.
Soit votre point de vue est plus nuancé, et vous allez trouver que quand même faut pas déconner.
Par exemple, moi qui suis un horrible homme blanc cis (même pas CSP+ pourtant !), je ne devrais pas avoir le droit ici de donner mon avis.
Bon, je le donne quand même, sans vouloir rien expliquer à personne (surtout pas aux femmes - ah, zut, serais-je trop méprisant ? Ou veux-je laisser les femmes dans leur bêtise ? C'est que je ne veux pas tomber dans le fameux mensplaining !).
Pour résumer, on a une suite d'exemple plus ou moins de bonne foi de la place trop prégnante des hommes dans le monde de la bière. L'ensemble n'est pas forcément très ordonné, et les arguments s'entrechoquent parfois.
Le tout sur un ton un peu branchouille-novlangue.
On apprend tout de même quelques éléments historiques au détour d'une argumentation anti-patriarcale...
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Avant de commencer, peut-on s'arrêter deux secondes sur la couverture du livre ? J'applaudis le jeu de mot génial du titre, ainsi que la sublime illustration de couverture réalisée par Alice Mazel. Quant au contenu ? Aussi rafraîchissant que le visuel. Pour son premier livre, Anaïs Lecoq (journaliste, féministe et Certified Beer Server) commence fort avec un essai à la fois hyper engagé et divertissant.

Les sujets abordés sont nombreux : histoire des brasseuses (braceresses en ancien français) effacées de l'histoire, marketing sexiste, stéréotypes de genre autour de la consommation d'alcool, alcoolisme chez les femmes, sous-représentation des femmes dans l'industrie de la bière et dénonciation des discriminations allant du sexisme ordinaire (ce bon vieux mansplaining par exemple) à #MeToo... « Maltriarcat » fait voir la bière d'une manière radicalement différente, et pour une novice comme moi c'est une petite révélation.

Ce plaidoyer pour un monde de la bière plus juste et plus inclusif est à déguster en une lampée et à partager sans modération, que vous soyez amateur•ice de cette boisson ou simplement concerné•e par les inégalités de genre. Comme d'habitude, les éditions Nouriturfu frappent fort avec leur collection « le poing sur la table » et nous invitent à repenser de manière politique notre consommation de certains aliments.
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Les femmes dans le monde de la bière, le saviez-vous ?
A l'origine, ce sont les femmes qui ont étés les premières à brasser la bière. Et oui !
Dans ce livre, l'autrice nous fait suivre l'évolution des femmes brasseuses à travers les siècles. Elle nous permet aussi de découvrir d'autres femmes engagées, nous explique les différentes positions des grosses brasseries sur le regard que celles-ci posent sur les femmes à travers la place occupée dans le monde professionnel et leurs représentations dans les publicités etc.
Ce livre m'a donné envie de déguster certaines bières citées.
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Dans un ouvrage court et instructif intitulé Maltriarcat (très bien trouvé ce titre), Anaïs Lecoq commence par dresser un panorama historique de la place des femmes dans le monde de la bière. Un monde dont elles ont fait partie intégrante dès les prémices puisque pendant très longtemps le brassage était une histoire de femmes avant qu'elles se fassent peu à peu évincées du beer game (l'autrice abuse un peu beaucoup des anglicismes donc je fais pareil).

Après cette mise en bouche historique, Anaïs Lecoq s'attaque à la dimension genrée du marché de la bière, notamment la fameuse bière de filles, pure construction commerciale.
C'est impressionnant de voir comment des clichés infusent lentement depuis des années et dictent sournoisement quel type de bière doit aimer une femme, ses goûts, le comportement qu'elle doit avoir vis-à-vis de l'alcool, etc.
Certains biais cognitifs sont bien plus subtils que l'on pourrait le penser au premier abord et Maltriarcat prend le temps de démontrer l'héritage sexisme de nos représentations.

Une fois qu'on aura bien pris conscience de ça, il n'y a plus qu'à espérer que les femmes reprennent toute la place qu'elles méritent dans le monde de la bière certes mais dans la société en général.

Mesdames, brassez, buvez des gros pétroles barriqués, des bières acides ou des bières légères fruitées mais buvez ce qui vous fait plaisir.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
« Voilà des décennies qu’on parle de ‘féminiser’ la langue française pour mieux coller aux évolutions sociétales non sans avoir affaire à un régiment de Jean-Michel Linguistes s’offusquant de l’acharnement des féministes à massacrer leur langue. Cette dernière a au contraire été masculinisée au fil des siècles, par des mecs trop fragiles pour accepter qu’une femme puisse oser être une autrice ou une doctoresse. Ce forcing organisé et institutionnalisé a réussi à évincer progressivement les femmes de la langue et surtout des postes qui ne devaient pas ou plus leur revenir. » (p. 27)
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« Marrant comme les curseurs peuvent être facilement déplacés pour coller aux désirs des hommes. Tantôt afin de faire trimer bobonne pour nourrir la famille avec de la bonne ale, tantôt pour reprendre le business et s’accaparer le pactole et la gloire »
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« Alors que c’est la division genrée du travail qui conduit à l’origine les femmes à produire de la bière, c’est ce même principe qui les écarte ensuite de la pratique. Marrant comme les curseurs peuvent facilement être déplacés pour coller aux désirs des hommes. Tantôt afin de faire trimer bobonne pour nourrir la famille avec de la bonne ale, tantôt pour reprendre le business et s’accaparer le pactole et la gloire. » (p. 35)
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« Il paraît bien compliqué d’avoir une quelconque influence sur les politiques brassicoles quand on est complètement absentes des institutions et syndicats représentatifs. » (p. 108)
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« Aux origines de l’alcoolisme des femmes, c’est bien le patriarcat qu’on retrouve pour nombre d’entre elles. Avec, pour principal outil, la charge mentale. » (p. 101)
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Vidéo de Anaïs Lecoq
La bière est la boisson alcoolisée la plus consommée au monde. Mais savez-vous combien de centilitres de sexisme il y a dans un demi ? Combien de décilitres de patriarcat dans une pinte ? Aujourd'hui, les femmes ont plus que jamais soif de bière et d'égalité : après avoir été historiquement évincées de la profession, les brasseuses sont enfin de retour ; tout comme les consommatrices, qui sont de plus en plus nombreuses à s'intéresser à la bière et à s'y connaître en lambics, stouts, IPA et autres dark lagers. A travers l'histoire passionnante de ce breuvage millénaire, en s'appuyant aussi sur des enquêtes bien plus actuelles et de nombreuses interviews de spécialistes (brasseuses, zythologues, sommelières, cavistes, influenceuses...), Anaïs Lecoq dessine un panorama saisissant et sans faux-col de ce monde de la bière en pleine effervescence, où le patriarcat a désormais la pression.
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