AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Janine Bisiaux (Traducteur)
EAN : 9782380352528
252 pages
Massot éditions (04/02/2021)
4.29/5   7 notes
Résumé :
Mona Eltahawy, figure iconoclaste du féminisme arabe, livre ici son enseignement. Elle signe un manifeste provocateur et non-conformiste.
L'autrice développe les sept péchés – ou vertus féministes – que les femmes doivent commettre pour faire éclater le règne du patriarcat. Elle nous invite à nous libérer de l'image de la " gentille petite fille sage " et nous donne des moyens pour le faire : la colère, l'attention, l'obscénité, l'ambition, le pouvoir, la vi... >Voir plus
Que lire après Les 7 péchésVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Tout d'abord, un grand merci à Babélio et aux éditions Massot pour cet envoi !

En débutant « Fuck le patriarcat » je m'attendais à un discours relevant plus d'un féminisme décolonial, tel qu'énoncé par Françoise Vergès, mais il me semble que Mona Eltahawy plaide plutôt pour un féminisme « universel ». Elle rappelle bien que le système patriarcal exploite toutes les formes d'oppression et que les premières à crier leur colère sont rarement les femmes blanches cisgenres hétérosexuelles et de classe aisée.

Pour autant , je ne comprends pas si, en termes de méthode, elle veut un féminisme universel en mode rouleau-compresseur qui met tout le monde dans le même panier, ou si elle encourage l'émergence de revendications féministes tenant compte de contraintes (notamment culturelles et religieuses) propres à certains contextes. Selon elle, doit-on employer les mêmes armes, les mêmes discours et avoir les mêmes modes d'action partout ? C'est l'impression que j'ai.

Mais dans ce cas ne s'arroge-t-elle pas précisément la même place que ceux qu'elles dénoncent et qui prétendent parler en mon nom et/ou au nom de « celles qui n'ont ni le luxe d'être en colère ni celui de s'insurger » ?

Un peu plus loin dans son chapitre « L'attention », Mona Eltahawy explique comment elle utilise sa notoriété pour attirer l'attention sur ses combats et quelle position privilégiée elle lui offre. Elle encourage chacune à se saisir et à revendiquer tous les espaces d'expression que le patriarcat ne condescendrait autrement à délivrer qu'au compte-goutte. Mais il est certain que toutes ne pourront pas prétendre au même espace/temps médiatique, ni recourir à la diplomatie américaine pour se tirer des geôles égyptiennes. le privilège, là, n'est pas seulement celui de la notoriété, il me semble.

Du coup je trouve assez malvenu que Mona Eltahawy se mette dans le même panier que Qandeel Baloch, instagrameuse pakistanaise qu'elle évoque longuement, qu'une grande popularité ne protégera pas des mains de son étrangleur de frère. On ne part pas toutes avec les mêmes chances ni, surtout, avec les mêmes possibilités de fuite. Alors si Mona Eltahawy se met effectivement en danger par ses prises de position en de multiples occasions, c'est peut-être un peu aussi parce qu'elle sait qu'elle prendra moins cher que des millions d'autres, anonymes dans des manifs ou dans les autres pays. Faut-il lui être redevable de porter la voix de celles qui sont violées et tuées ? Alors qu'elles sont violées et tuées précisément parce qu'elles portent leur propre voix, sans pour autant se faire mousser pour ça ?

En gros, les propositions de Mona Eltahawy me semblent parasitées par une reconnaissance insuffisante de ses privilèges. C'est regrettable car elles sont justes.

En effet ces sept « péchés » qu'elle déroule ne devraient pas être le seul apanage des hommes. Ils ne deviennent bizarrement des péchés que quand les femmes s'en emparent, ben tiens. Et puis Mona Eltahawy maîtrise l'art de la petite phrase lapidaire qui fait mouche. Elle écrit en outre, je pense, comme elle discoure, avec enthousiasme, franchise et précision. Ce doit être galvanisant de l'écouter parler.

Mais je la trouve donc parfois en porte-à-faux et, pour utiliser une métaphore religieuse, comme l'Eglise catholique qui ordonne le dogme plutôt que comme l'idée protestante d'une Bible accessible à l'interprétation de tous. Elle est inspirante sans le moindre doute, mais je me passerais d'une figure de martyr volontaire.

Dans son chapitre « L'ambition », en fin de compte, Mona Eltahawy reconnaît volontiers qu'elle est « une grande fan de l'ambition féminine ».

« Pour qui je me prends ? Pour quelqu'un qui a su devenir autre chose que ce à quoi on la destinait. Je crois être l'une des féministes les plus importantes d'aujourd'hui et c'est pourquoi j'ai écrit le livre que vous êtes en train de lire. Mon ambition : être une auteure lue dans le monde entier et dont le travail compte, en particulier pour les femmes. Mon ambition : être une voix radicale et pertinente contre le patriarcat, le racisme, l'homophobie, la transphobie et toutes les formes de sectarisme. Et je crois y être parvenue. Voilà pour qui je me prends. Est-ce que cela fait de moi quelqu'un d'arrogant ? La belle affaire… Je l'ai foutrement mérité. »

Mais si j'ai eu du mal avec cette ambition de représenter toutes les femmes et tous les combats indistinctement, je dois reconnaître qu'elle a réveillé des souvenirs et encouragé ma colère dans son chapitre « La violence », dans lequel je me reconnais plus que dans aucun autre du livre.

Mona Eltahawy cite la professeure de droit Mary Anne Franks :

« de manière plus controversée peut-être, l'article affirme également qu'une augmentation de la violence féminine doit être tolérée même si cette violence viole le principe de proportionnalité. Aussi regrettable que cela puisse être, dans certains cas une femme va réagir de manière excessive et peut-être même exploiter consciemment cette tolérance accrue, créant ainsi une crainte quant à la mesure des représailles ; mais cela sert l'objectif final d'une forme de rétribution de la violence. »

Et c'est seulement à la page 181 que je fais le rapprochement. Depuis les premières pages, elle évoque le tabassage en règle qu'elle a infligé à un type qui l'avait peloté en boîte de nuit. C'est finalement dans son chapitre traitant spécifiquement de la violence, que je réalise que moi aussi je l'ai employée.

Que comme elle et comme les femmes qui ont témoigné suite à son hashtag #IBeatMyAssaulter, je me souviens de cette gifle qui a résonné si fortement sur la joue de ce garçon au collège et l'intense sentiment de soulagement et de puissance que ça m'a procuré, alors même que j'ai toujours su que ce jour-là il a dégusté pour deux – pour lui et pour cet autre abruti que j'avais loupé de peu une heure plus tôt. Et je réalise au passage qu'elle avait fait tellement de bruit, cette gifle, que la CPE est sortie de son bureau… et qu'elle a engueulé le garçon. Pas moi. Big up madame.

Je me rappelle aussi de toutes ces fois où j'ai gueulé plus fort que des suiveurs, des tripoteurs, des types en train de se masturber devant moi ; que je les ai fait fuir, que je les ai dénoncé et que ma colère était justifiée et justifiait ma violence verbale et/ou physique.

Je me rappelle de cet homme qui a ostensiblement relevé son journal devant une jeune femme, poursuivie de station en station à mesure qu'elle changeait de wagon, qui espérait son aide. Et qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même ou par ses « soeurs » ; que c'est moi la main sur le signal d'alarme qui ai hurlé au pote d'un mec agressif et éméché que non, c'est pas moi qui allait avoir des problèmes si je tirais dessus et que s'il ne calmait pas son compagnon, j'allais lui trouer le bide avec l'embout en métal de mon parapluie. Je me rappelle de ma colère, de mon indignation et de ma frustration, que j'ai eu peur mais que j'étais galvanisée – que je ne suis pas restée assise planquée derrière un journal comme un gros lâche.

Alors oui, je suis d'accord avec Mona Eltahawy quand elle affirme : « Il faut que les hommes aient suffisamment peur des femmes pour qu'une agression devienne une anomalie. » Parce qu'au fond, a-t-on d'autre choix !
Commenter  J’apprécie          20
Ce livre est ma nouvelle Bible !
M'intéressant depuis quelque temps maintenant au féminisme et aux diverses argumentations existantes en sa faveur mais également contre, je lis de plus en plus d'articles, de comptes twitter sur le sujet. Mais c'est le premier livre que j'attaque et si j'ai craint un peu au début de trouver ça difficile à lire (je ne suis pas une grande fan de non-fiction en terme de livres), j'ai rapidement été enchantée.
L'enthousiasme, la passion de l'autrice, sont très présents dans ses propos, et sont assez contagieux. Mona Eltahawy propose un manuel pour comprendre à la fois comment le patriarcat s'organise (et je peux vous dire que c'est de manière insidieuse !) et également un bon nombre d'arguments en faveur de sa destruction, rien de moins.
Au travers de l'image classique des 7 pêchés capitaux, elle choisit ses propres « pêchés » qu'elle estime que toute femme devrait dès à présent s'accaparer, car il s'avère que ce sont en fait des qualités que les hommes s'octroient et par un subtil système de dévalorisation, interdisent de manière plus ou moins formelle aux femmes.
Je trouve que l'ordre dans lequel sont présentés ces pêchés aide à la montée en puissance du discours, on commence par les plus soft pour terminer sur les plus virulents. Et l'explication de chacun d'entre eux est à la fois illustrée d'exemples vus/vécus par l'autrice ou qui lui ont été rapportés par d'autres femmes ambassadrices du féminisme à travers le monde entier.
Ce que j'ai trouvé intéressant était de sortir des habituels sujets liés au féminisme, comme la place de la femme à la maison, entre les tâches ménagères et les enfants, ou au travail, entre inégalités salariales et discriminations liées au sexe. On voit ici plutôt comment le patriarcat s'auto-entretient par le biais des gouvernements notamment et de la politique. Personnellement, ce livre m'a permis d'ouvrir les yeux sur le féminisme à une échelle supérieure que celle à laquelle je me trouvais actuellement, et ainsi d'avoir une vue plus globale de la situation et une meilleure compréhension des mécanismes en cours. Il est également stupéfiant de réaliser réellement que la situation est vraiment similaire sur chacun des continents, à travers les nombreux exemples donnés tout au long de l'ouvrage.
Je suis ravie d'avoir découvert ce livre par le biais d'une masse critique, j'en ressors grandie dans ma vision des choses et du système dans lequel nous vivons.
Commenter  J’apprécie          22
Oh pétard. Vous savez quand vous ouvrez un livre et qu'au bout de deux pages vous vous dites "purée, j'ai pas assez de temps devant moi et je sens que je vais pas avoir envie de le lâcher". C'est l'effet de ce livre. Reçu hier, je l'ai ouvert pendant ma pause ce matin. le temps de lire 5 pages et j'ai déjà un aperçu de ce qu'il va être : un putain d'uppercut. J'adore le style, mordant et percutant, de l'autrice. Elle fait du bien, on se sens immédiatement moins seule avec notre colère.

J'ai relevé pas moins de 3 citations sur ces quelques pages et je me suis retenue pour d'autres (on va pas retranscrire tout le livre ici non plus) mais du coup je vais procéder comme avec beaucoup d'autres livres avant : des prises de notes au fur et à mesure. On se retrouve ce soir pour un retour globale sur l'introduction (ça me démange de gruger sur mon temps de travail mais on va rester sérieux #professionalisme :p)

J'avance et le contenu est passionnant, je relève beaucoup d'éléments à retenir pour des débats, pour illustrer des positions qu'on peut avoir à défendre. J'ai fini le premier péché : la colère ! Et j'ai décidé que plus jamais je ne m'excuserai d'être en colère parce que, comme elle, je le suis, je suis révoltée et on me l'a souvent reproché aussi. Mais à partir d'aujourd'hui je n'aurai plus honte de crier, de dire "non", de m'opposer. J'ai compris qu'avoir honte, minimiser ma colère et mon ressenti c'était laisser le patriarcat gagner.

Depuis un an je me suis vraiment lancée dans la lecture d'essais féministes, j'ai "rencontré" de grande figures du mouvement actuel et ceux des mouvements passés. Chaque lecture forge, certaines plus que d'autres et Mona Eltahawy fait partie de ces voix qui vous porte comme Pauline Harmange et Victoire Tauillon.
Commenter  J’apprécie          20
Génial ! Tellement de choses essentielles sont décrites, analysées et étayées par des statistiques. On sent bien que c'est une journaliste qui écrit et on ressent une "gifle" d'accepter en tant que femme depuis tant d'années toutes ces humiliations sans broncher du tout pour la plupart du temps. Nous sommes conditionnées à la naissance et effectivement nous devons offrir ce livre à nos filles, à nos soeurs afin qu'elles réalisent l'oppression féminine et la combattre
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Le patriarcat est universel. Le féminisme doit l'être tout autant. Je veux que le patriarcat et tout ceux qui en profitent ressentent la même terreur que ce type dans le club de Montréal qui, avant de s'enfuir, m'a regardée pour voir la femme qui avait osé répliquer. Le patriarcat doit savoir que le féminisme est révolté par les siècles de crimes perpétrés contre les femmes et les filles du monde entier, des crimes justifiés au nom de la "culture" et autres "tradition", et ponctués de "c'est comme ça", qui sont autant d'euphémismes pour dire que "ce monde est dirigé par des hommes pour les hommes". Notre féminisme doit être ferme, agressif et sans remords. C'est la seule façon de combattre un patriarcat systémique.
Commenter  J’apprécie          00
Mais à qui profite la civilité ? Le racisme n'a rien de civilisé. Ni de poli. Et pourtant, tous ces gens ont répété à l'envi qu'il faut être courtois lorsqu'on parle de Trump et de ses partisans. C'était, bien sûr, des blancs. Pour les Américains qui n'ont aucune expérience du racisme, c'est un concept, une théorie, une idée à débattre, et non une réalité endurée. Bordel, stop ! (...) Je refuse d'être civilisée avec quelqu'un qui refuse de reconnaître pleinement mon humanité.
Commenter  J’apprécie          00
Les hommes ne peuvent plus rester les bras croisés en affirmant : "Bon, n'étant ni riche ni puissant, ce n'est pas ma faute." Mais ça l'est si vous ne luttez pas activement contre le patriarcat, car, de fait, vous en profitez. Vous êtes mal à l'aise ? Très bien. Vous avez raison de l'être. Le malaise vient de la remise en question des privilèges. Le temps est venu de défier et perturber le patriarcat, partout.
Commenter  J’apprécie          00
« Je ne suis pas une experte, mais... ». Il faut savoir qu'un des moyens les plus utilisés par le patriarcat pour rabaisser les femmes, physiquement et intellectuellement, est le langage, et en particulier ce que nous pouvons ou ne pouvons pas dire. Il ne s'agit pas juste d'une lutte pour le temps d'antenne pour le contrôle de l'ego des femmes. Mais de polir jusqu'au langage de ces dames.
Commenter  J’apprécie          00
La lutte contre le patriarcat est rendue plus difficile par ces femmes qui lui sont inféodées. Et si le patriarcat n'est pas l'apanage de ces messieurs, le féminisme ne consiste pas à haïr les hommes. Toutes ces dames ne sont pas mes alliées ou mes sœur juste parce qu'elles sont femmes. Nous sommes sœurs lorsque nous partageons le combat contre le patriarcat.
Commenter  J’apprécie          00

Video de Mona Eltahawy (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mona Eltahawy
« Je continuerai d'emmerder l'extrême droite, les islamophobes et les racistes, et j'emmerderai les misogynes de ma communauté »
Mona Eltahawy, journaliste, écrivaine, féministe égyptienne.
L'émission complète : https://www.mediapart.fr/journal/international/050221/mona-eltahawy-la-phrase-la-plus-revolutionnaire-c-est-mon-corps-m-appartient#at_medium=custom7&at_campaign=1050


Abonnez-vous à Mediapart : https://www.mediapart.fr/abonnement#at_medium=custom7&at_campaign=1050
Abonnez-vous à la chaîne YouTube de Mediapart : https://www.youtube.com/user/mediapart
autres livres classés : féminismeVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (51) Voir plus



Quiz Voir plus

Les emmerdeuses de la littérature

Les femmes écrivains ont souvent rencontré l'hostilité de leurs confrères. Mais il y a une exception parmi eux, un homme qui les a défendues, lequel?

Houellebecq
Flaubert
Edmond de Goncourt
Maupassant
Eric Zemmour

10 questions
562 lecteurs ont répondu
Thèmes : écriture , féminisme , luttes politiquesCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..