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sur 391 notes
Nuri est devenu apiculteur à Alep grâce à Mustafa, - son cousin de dix ans son aîné -, sa femme Afra, est artiste peintre. Leur vie bascule avec la guerre civile en Syrie. Alors que Mustafa et sa femme ont choisi l'exil et l'asile en Grande Bretagne, Afra reste réticente au départ et ce, même devenue aveugle après l'explosion d'une bombe proche de leur maison. Nuri déploie son énergie pour organiser enfin leur périple, qui passera par la Turquie, la Grèce, entre passeurs et passages dans des camps de réfugiés, aux prises avec les rencontres tantôt fraternelles, tantôt malhonnêtes.

L'apiculteur d'Alep est un roman profondément humain qui suit un couple de syriens qui faisait partie de la classe moyenne de la société et qui se trouve plongé dans une guerre que ni Nuri, ni Afra ne comprend. Un déracinement d'abord refusé par la femme qui ne veut pas abandonner sa maison et qui doit se résoudre à suivre la cohorte des exilés, au prise avec des passeurs qui les dépouillent de leurs dernières richesses.
Un roman à hauteur d'homme, sans pathos qui décrit bien les conditions de vie dans les camps de réfugiés en Grèce et surtout la promiscuité qui y règne.
Un témoignage intéressant et très humain.
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Nuri se souvient, à coup de long flash-back, Nuri se rappelle sa vie d'avant, là-bas, à Alep, quand elles étaient encore calmes, et sa vie et sa ville !

Quelque part dans une station balnéaire au sud de l'Angleterre, réfugié dans une pension avec sa femme Afra, espérant émigrer dans une Londres qui sera forcément plus proche de celle de Ken Loach que de la mythique carnaby streat, il ressasse le sac et le ressac d'une destinée déracinée qui étouffe sous l'amas nauséabond des algues noires que la guerre civile a jeté sur sa famille meurtrie.

Le bonheur se mesure quand il a disparu.

Disparu le familier bourdonnement des milliers d'abeilles dont il faisait son miel.

Disparues les abeilles aussi, il ne reste que cendres et papillons noirs qui sifflent et explosent, laissant cratères et cadavres au coeur de la ville martyre où rugit sa douleur.

Disparu dans le regard engorgé de sa femme où stagne la détresse noire d'avoir dû fuir le pays où sont ensevelis ses propres morts.

La tragédie d'un peuple s'exprime à travers l'odyssée effrayante d'un modeste couple d'Alep qui brave les dangers des filières de passeurs clandestins pour échapper à la folie meurtrière et fratricide du régime totalitaire et contesté de Bachar El Assad.

La tragédie des migrants jetés,  souvent contre leur gré, sur les routes, à traverser rivières et mers, dans l'espoir d'un avenir convenable dans un pays lointain qui ne veut pas d'eux.

Ils fuient la Syrie à feu et à sang comme d'autres le Gabon, la Somalie, le Soudan et le Maroc.

Soit ils fuient, qui la guerre civile, qui la misère, soit ils sont attirés vers un Eldorado comme les papillons de nuits les phares de la voiture qui va les fracasser.

Parce qu'ils vont se fracasser, abusés par des passeurs sans scrupules, entassés dans des camps d'infortune, battus dans des prisons indignes, précipités de rafiots surchargés par de rapaces trafiquants avides et inhumains.

Ils traverseront les frontières qui les éloigneront du bonheur cassé, la Syrie, la Turquie, l'île de Leros, la Grèce…des noms qui évoquaient l'exotisme avant d'être synonymes d'exode, d'enfermement, de contrôle d'identité et d'interminables moments de rumination.
Les souvenirs entrent en irruption, bouillonnent et se répandent sans retenue. Lave incandescente qui brûle un cerveau déjà tellement mis à mal par l'incertitude, la promiscuité et la turpitude de certains compagnons d'infortune voire même pire.

Un roman âpre qui comme un sparadrap vous arrache la peau mais aussi le coeur et l'âme, vous dépouille comme un lapin, vous exhibe dépecé, nu et vous expose à cru, à la cruauté humaine dans toute sa laideur, sans plus aucune protection.

Ecorchée aussi, la narration qui épouse les méandres sinueux des pensées rétrospectives du personnage principal qui nous livre son histoire et celle des siens en creusant plus profond encore dans une mémoire dynamitée par la guerre.

Ni les faits principaux ni même l'histoire des personnages ne suivent aucune chronologie linéaire mais nous sont distillés de façon fragmentaire, étant parfois considérées comme acquises les informations même capitales qui se découvriront pourtant aux pages qui se tournent.

Ceci peut surprendre.
Au début du livre, j'ai cru avoir zappé une partie du récit par inattention et ce n'est qu'après avoir re-survolé ce que je venais de lire que j'ai compris que c'était une démarche stylistique.

Et parfois, face à  l'immensité, perdu au centre d'une page, un mot, un lieu, un pont entre deux chapitres, une passerelle entre deux étapes, un mirage auquel s'accrocher comme lui se cramponne à ses deux pages encadrantes.
Un fil, le fil de la vie, ténu, quelques lettres dans un océan blanc, un embarcation perdue en pleine mer mais l'espoir d'une suite, d'un futur, d'un avenir !

Un roman nécessaire qui donne la parole à ces hommes et ces femmes brisés par un monde absurde mais qui gardent en eux la force de risquer leur vie pour qu'un jour elle soit plus belle. Un beau roman, une triste histoire.
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L'auteure, Christy Lefteri, semble avoir une connaissance fort précise des camps de migrants pour y avoir été bénévole à Athènes. Grâce à son expérience, jointe à sa sensibilité et sa perception aiguë de ce qui est visible et de ce qui est caché, elle nous offre ici un magnifique roman qui m'a beaucoup émue.
Nous suivons le terrible parcours de Nuri et de sa femme Afra, au départ d'Alep en Syrie jusqu'en Angleterre. Forcés de quitter leur pays en guerre, la volonté et le courage les accompagneront, avec des hauts et des bas, malgré les embûches, les difficultés, le désespoir parfois, la fatigue de plus en plus présente.
Les mots de Christy Lefteri nous ouvre un voile sur l'histoire des migrants, toujours actuelle, et apportent beaucoup de plus de force que des images vues ou ce que les actualités nous montrent. Mais pas de pathos. La pudeur de l'écriture rend leur périple de plusieurs mois nimbé d'espoir, où certains traumatismes sont convertis en rêves.
Et puis, les abeilles anglaises qui se sont adaptées au climat pluvieux semblent plus costaudes que celles de Syrie.

Un très beau livre et une lecture vitale, que je recommande.

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Nuri est apiculteur. Afra, sa femme, est peintre. Ensemble, ils vivent à Alep, capitale syrienne, avec leur fils de sept ans, Sami. La vie est douce et heureuse jusqu'au jour où éclate le conflit. le pays est alors en pleine guerre civile. On vit sous les bombes et les armes. Alep est à feu et à sang. Les ravages se multiplient chaque jour. Les ruches de Nuri sont détruites. Puis, le pire arrive. Sami est tué. Afra n'est plus que l'ombre d'elle-même. Dehors, les rues sont désertes. La population fuit. C'est l'exode. Afra refuse encore de partir. Pourtant le danger guette, les exécutions sont courantes. le bon sens aura finalement raison. Il est alors temps de penser à l'avenir.
Nuri et Afra prennent alors la route. Leur but : rejoindre leur cousin en Angleterre.
Débute alors un long périple, entre misère et espoir.

Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour cette lecture.

L'histoire de Nuri et d'Afra est celle de milliers de réfugiés qui arpentent le monde chaque année. le contexte politique est toujours d'actualité. La Syrie est en guerre depuis 2011. Les opposants au régime prennent la ville d'Alep dès 2012, enrôlant sous la contrainte hommes et enfants. Seule la mort attend ceux qui refusent de rejoindre les rangs rebelles. La ville est détruite par les bombes. Il ne reste plus qu'un champ de bataille.

L'auteure est chypriote. Elle a travaillé à plusieurs reprises dans un camp de migrants en Grèce. Son récit est inspiré de son vécu, de ses rencontres. Elle a voulu restituer les témoignages de toutes ces vies détruites par les conflits armés.

"L'apiculteur d'Alep" parle du voyage des réfugiés à travers l'Europe. de la Syrie, jusqu'en Turquie, en passant par l'île de Léros au large des côtes d'Athènes. L'objectif : obtenir le sésame pour atteindre l'Angleterre, territoire tant convoité, tant espéré. Celui où tout est possible. le pays de la liberté. La terre de tous les espoirs. Mais avant, il y a un parcours semé d'embûches, les passeurs peu scrupuleux, profitant de la misère humaine, les dangers des traversées en mer, et les violences des camps.

Un roman sur la réalité de la guerre, de la fuite vers un idéal, d'une survie et d'une reconstruction. le parcours d'un couple, uni par l'amour, leur seule force pour traverser les obstacles et atteindre paix et sérénité.

Une excellente lecture, un témoignage touchant.

Lien : http://labibliothequedemarjo..
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13 chapitres construits selon le même principe : la vie de Nuri et Afra en Angleterre puis une phrase qui se termine par un mot charnière. Ce mot fait basculer le récit qui narre alors la vie d'avant l'Angleterre : la Syrie, Alep, la guerre et ses horreurs, la fuite via la Turquie puis la Grèce, un voyage au cours duquel les rencontres vont se succéder. D'autres horreurs aussi, la misère et le malheur ne provoquent pas seulement des mouvements solidaires mais attirent les vautours. Ce procédé de chapitre miroir, un peu trop mécanique, est compensé par un style qui se garde de toute grandiloquence, hors de question de se gargariser de poésie comme chez Wauters lorsque les destins sont aussi tragiques. Volontaire dans un camp de migrants à Athènes, l'auteur relate l'enchaînement des faits avec une précision journalistique ce qui s'avère à double tranchant. L'expertise de l'auteur et son empathie, au demeurant louable, l'empêchent sans doute de s'aventurer davantage dans le romanesque. Dans la catégorie apiculteur, « Les Abeilles grises » d'Andreï Kourkov était moins didactique et le portrait de Sergueïtch plus complexe que ceux de Nuri et Mustapha puisque le choix du singulier est assez surprenant, les destins des deux cousins étant indissociables.
Le bandeau précise « une ode à l'humanité ». Là, mon opinion n'est pas la même. Entre les salauds et les cabossés qui forment une majorité des personnages, le lecteur ne ressort pas indemne de cette lecture. Sans trahir la fin, et même si la situation de Nuri et Afra s'est considérablement apaisée, le terme de Happy end pour le chapitre 14 n'est pas vraiment approprié, sans parler de la tentation d'un calembour malséant sur les termes api et happy.
Tandis que j'entamais ce livre, j'entendais sur France Inter « l'épreuve » vécue par ces voyageurs de la SNCF à la suite d'une panne de caténaire… Heureux pays où un retard de six heures est un des titres du journal et où l'on tend les micros vers ces « victimes »…
Autre télescopage de l'actualité, cruel celui-ci, un réfugié syrien manquait de provoquer un carnage dans un jardin public à Annecy… Un fou ? Un illuminé ? Sûrement. Un acteur d'une guerre infâme ? Certainement ! « L'apiculteur d'Alep » décrit les conséquences du stress post traumatique qui n'ont pas, dans ce cas, la violence imputable au meurtrier d'Annecy. Mais, dans le drame savoyard, quel est l'impact de l'expérience de guerre ?
Lorsque la littérature offre ainsi une réflexion brûlante sur un événement « réel », on se surprend à laisser le livre et à mettre un point final à cette chronique avec un certain soulagement.
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L'apiculteur d'Alep, magnifique et désolant récit du parcours de migrants fuyant la guerre civile dans leur pays, incarnés par Nuri Ibrahim et sa femme Afra, syriens dépossédés de tout, y compris de leur jeune fils Sami, mort sous les bombes dans leur jardin.
L'écriture de Christy Lefteri sublime et afflige tout à la fois, nous donnant à voir la beauté du territoire quitté, les bouffées d'espoir avili dans les camps de réfugiés et les assauts constants de la perte subie. Structuré autour de passages alternés entre le présent et le passé, le roman embrasse tout le malheur de la migration forcée chez des gens qui, en ayant tout perdu, n'ont plus rien à perdre. Malgré le poids du propos, l'autrice a su intégrer un peu de poésie et de fantaisie dans son récit, rendant ainsi une légèreté à la lecture tout en ne cachant pas la triste réalité des faits.
Un tour de force littéraire parfaitement maîtrisé!
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« Christy Lefteri est née à Londres de parents chypriotes » précise la très brève biographie de l'auteure proposée par les Éditions du Seuil. Je n'ai pu m'empêcher de penser à la partition de Chypre et à l'immigration qui a accompagné cet événement… de plus, comme elle a travaillé dans un camp de migrants, on comprend que le sujet lui tient à coeur. Elle va nous raconter la douloureuse aventure de Nuri, apiculteur accompli, passionné par son travail, et d'Afra, sa femme, peintre de talent, tous deux vivant à Alep avec leur fils Sami. Ils ont une vie confortable, dans un milieu aisé, jusqu'à ce que « la situation devienne intenable ». le cousin de Nuri, Mustafa, son mentor et associé, a déjà envoyé sa femme et sa fille en Angleterre, mais là, tous doivent partir, sans tarder, et dans des conditions qui n'ont rien à voir avec un voyage d'agrément…
***
Tous numérotés et décorés d'une abeille, chacun des 14 chapitres commence à Londres. Les 13 premiers chapitres nous font voyager dans l'espace et dans le temps. Nuri, narrateur à la première personne, nous explique leur présent de réfugiés, mais relate aussi les différentes étapes de leur périple. À peu près à la moitié de ces 13 chapitres, on découvre, seuls sur une page blanche, un ou deux mots en caractères gras, mots qui sont à la fois les derniers du récit « de Londres » et les premiers de celui « du voyage ». J'ai trouvé le procédé intéressant, en cela qu'il rend indissociables les deux parties et rattache les traumatismes subis au présent et à l'avenir de cette famille brisée. On sait très vite que Nuri et Afra ont tout perdu ; Sami, leur fils, est mort, et Afra est devenu aveugle. On soupçonne que les deux événements sont liés, mais on ne possède pas de détails. Parce que le roman commence à Londres, on comprend qu'ils sont arrivés sain et saufs (si l'on peut dire), mais on ne découvrira qu'au fil du texte à quel point le voyage a été éprouvant.
***
C'est un roman touchant et émouvant, éprouvant aussi par moment. J'ai trouvé particulièrement réussi la juxtaposition, parfois la superposition, des souvenirs heureux, des bonheurs apportés par les soins prodigués aux abeilles, des beautés d'Alep et de la Syrie, des moments partagés sans réserve avec ceux que l'on aime, et des horreurs de la guerre, des morts absurdes, des compromissions, des profiteurs, etc. J'ai trouvé habile aussi de nous présenter des gens aisés, qui pourraient voyager dans de bonnes conditions, mais qui, à cause des circonstances, vont se trouver à accomplir la plus grande partie du voyage dans les mêmes conditions de précarité que les autres migrants, quel que soit leur pays d'origine et les motifs de leur exil. J'ai compris aussi que le syndrome de stress post traumatique (SSPT) pouvait revêtir des formes extrêmement diverses, et à quel point il pouvait être tentant de se laisser submerger pour y échapper.
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Ce magnifique roman est d'une intensité douloureuse qui m'a serré le coeur tout au long de sa lecture.

Voici d'abord l'histoire en quelques lignes : Nuri est apiculteur à Alep, ville merveilleuse en Syrie, où il coule des jours heureux avec sa femme Afra, artiste peintre, et son petit garçon Sami, et où il savoure, grâce à un labeur dur et gratifiant, le bonheur de récolter miel, propolis, cire d'abeille, gelée royale provenant de ses ruches qu'il possède et entretient avec son cousin Mustafa.
 
Depuis quelques années, une sourde angoisse s'installe chez les Syriens, ils pressentent une guerre dévastatrice mais certains se refusent à y croire. Lorsque la Syrie bascule dans le chaos à partir de 2011, que chaque jour, des civils sont massacrés par les soldats de Bashar El-Assad, qu'ils sont jetés à la rue après des bombardements qui pulvérisent leurs maisons, leurs familles, leurs vies, leurs souvenirs, certains survivants n'ont qu'un choix : fuir pour survivre ou attendre, la peur au ventre, de mourir.
 
Nuri et Afra font alors ce choix terrible et terrifiant de se déraciner et tenter de rejoindre le Royaume-Uni.
 
Jusqu'à présent, je ne connaissais vraiment de la réalité vécue par les migrants que des images éparses télévisées d'êtres humains parqués dans des camps sur le territoire européen, entassés dans des canots surchargés défiant la Méditerranée, ou lors d'opérations de sauvetage en mer.
 
Mon esprit ne pouvait extraire de ces images des individualités, je ne percevais qu'un ensemble d'hommes, de femmes, d'enfants déshumanisés, sans visages, sans histoires, qui avaient vécu des évènements inimaginables, lointains, abstraits.
 
Grâce à Christy Lefteri, mon regard s'est aiguisé ; il y a autant d'histoires de paradis perdus, d'horreurs vécues, de vies menacées, de pertes brutales de proches, de peurs insurmontables, d'exploitations de la misère, d'odieux chantages ou persécutions derrière chaque être humain qui s'enfuit d'un pays qu'il aime et où sont enterrés ses aïeuls, quitte une famille aimante, sa maison, sa profession, parce que sa vie est menacée.
 
J'ai suivi le parcours erratique et angoissant de Nuri et Afra, ainsi que des personnes qui gravitent autour d'eux, pour rejoindre un pays où leur vie serait hors de danger.  Bien que ces personnages soient fictifs, ils sont concrets et très réels car l'autrice a été bénévole dans les camps de réfugiés en Grèce, y a côtoyé de nombreux déracinés qui lui ont raconté leur histoire, et leurs espérances.  Son roman rend hommage à leur courage, leur résilience, leur capacité à garder espoir alors que contraints, ils ont tout abandonné dans leur mère patrie. 

Ce fut pour moi une lecture émotionnellement difficile même si le style de Christy Lefteri est pudique, sensible, coloré, parfumé et bourdonnant du labeur des abeilles.  Elle nous empêche de sombrer dans une colère et une tristesse impuissantes, en captant la lumière au bout de sa plume.

Ce livre nous raconte un pèlerinage à l'envers que je ne regrette absolument pas d'avoir suivi.  
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Nuri est né à Alep. Il a a mené une vie heureuse. Son père le destinait à reprendre le commerce de textile mais lorsque Nuri rencontre son cousin Mustafa il decide de devenir apiculteur à ses côtés. Leur activité est florissante. Leur miel est délicieux et s'exporte dans le monde. Avec son épouse Afra, qu'il adore, il mène une vie paisible, élevant leur fils Sami. Jusqu'à ce que la guerre arrive, avec son lot de drames, de violence aveugle, de misère, detruisant tout sur son passage : les ville, les ruches, les familles, les êtres humains. Et lorsqu'il devient impossible de rester, quand le destin frappe et qu'il ne reste plus comme choix que de partir ou de mourir, Nuri et Afra prennent la route de l'exil pour rejoindre Mustafa qui les a précédé au Royaume Uni.

Le récit alterne la vie en Angleterre, dans l'attente de l'obtention d'un permis de sejour, et le recit du long voyage depuis Alep, cette fuite d'une Syrie plongée dans une guerre fratricide. Au fil de l'histoire Nuri se souvient de ces jours heureux qui ne sont plus dans cette ville jadis prospère et réduite à des ruines sous les bombardements. Chaque chapitre commence en Angleterre puis bascule habilement sur la route de l'exil, la jonction se faisant par un mot unique qui termine une phrase et commence la suite du récit, mot isolé sur une page entre les deux parties.

Ce parcours éprouvant est aussi celui des rencontres et des échanges avec les autres migrants. Un parcours qui doit beaucoup à la chance d'être ou pas au bon endroit au bon moment, à celle d'avoir de l'argent pour payer les passeurs et de ne pas se le faire voler, de croiser les bonnes personnes et d'eviter les profiteurs.

ll y a la détresse des mères, la fragilité des bébés, la tristesse des enfants, la vulnérabilité des adolescents faisant seuls le voyage. Il y a parfois la solidarité, souvent la violence. Nuri voudrait tous les sauver mais est impuissant face aux traffics dans les camps, à la prostitution, aux escrocs qui rodent au sein des migrants, profitant sans scrupule de leur désarroi, de leur pertre de repère, de leurs traumatismes. Il y a les ONG qui font ce quelles peuvent avec jamais assez de moyens. Il y a la suspicion des autorités sur les motivations des migrants. Il y a les traumatismes ancrés en chacun d'eux, qui s'expriment différemment. Il y a les législations, les freins legaux, les dangers naturels et humains. Il y a le long calvaire d'êtres humains qui subissent cet exil, de ces vies fracassées en quête d'un monde meilleur.

La plume de Christie Lefteri est fluide, sensible, jamais larmoyante. Elle fait de Nuri un être profondément humain, pudique, généreux et désemparé., et d'Afra, peintre qui ne voit plus, une femme lumineuse et terriblement touchante. Tout ou presque est dit dans ce roman nourri de l'expérience de bénévole de son auteure dans les camps de réfugiés en Grèce.

Une très belle histoire d'humanité, de deuil, de resilience, écrit avec délicatesse et porteuse d'espoir.
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Christy LEFTERI. L'apiculteur d'Alep.

Quelle odyssée que celle de Nuri Ibrahim, apiculteur à Alep, en Syrie, qui parcourt des milliers de kilomètres pour rejoindre des membres de sa famille, en Angleterre. Il vit avec son épouse Afra, artiste peintre et leur fils Sami, âgé de sept ans. Mais la guerre civile éclate et face à la violence quotidienne, les attaques multipliées, les nombreuses victimes, ce couple, comme tant d'autres n'a pas d'autre solution que de quitter ce pays. Mustafa, un de ses cousins, son formateur en apiculture, est déjà parti s'exiler en Angleterre, l'invite et même le supplie de le rejoindre. Sami a perdu la vie lors d'une attaque et Afra, est devenue aveugle. Après de longues et douloureuses hésitations, des tergiversations, des dérobades, Nuri et Afra vont tenter de fuir leur pays natal.... Parviendront-ils au but?

Avec ce couple, victime des exactions perpétrées par leurs congénères, nous suivons leur parcours, semé d'embûches, en route vers l'indépendance. de camp en camp, nous traversons les déserts, les montagnes, faisons de longues haltes, retenus prisonniers dans les camps dédiés aux migrants et jalonnant cet itinéraire. Que de détresse, que de misère humaine ! Ces camps de réfugiés sont des lieux crasseux, dépourvus de tout hygiène, complètement insalubres et il nous faut demeurer des jours, des semaines et des mois, attendre le certificat, véritable sésame qui ouvre les portes de la liberté, moyennant quelques billets…. Quelle tristesse de découvrir ces courageux, hommes, femmes, enfants, bravant les interdits, les conditions climatiques, les éléments naturels pour enfin trouver un état qui leur offrira un abri, une sécurité, un travail. Cette masse humaine, candidate à l'exil trouvera-t-elle une certaine sécurité, dans le pays qui l'accueillera ? Malgré tous les organismes entourant de leur bienveillance cette population qui fuit la guerre, le racisme, la pauvreté , nous notons que ces hommes, ces femmes traversent des pays, qui, à leur tour, les rejettent…. C'est une fuite en avant, sans cesse remise en question. Tout est soumis à la dure loi des moyens : les plus riches parviennent enfin à trouver des lieux plus cléments qui les acceptent . Enfin ils peuvent poser les maigres biens qu'ils ont pu transporter et enfin tenter de se reconstruire. Mais de nombreux deuils les accompagnent et la sérénité ne s'installe que lentement...

Ce récit bouleversant me rappelle « L'odyssée d'Hahim » BD écrite, dessinée et mise en scène par Francis TOULME, que je recommande vivement.( C'est l'histoire vraie d'un réfugié syrien qui a trouvé le bonheur en France, parue entre 2018 et 2020 ). Christy LEFTERI, en écriture, nous fait partager la fuite, depuis Alep, de Nuri et Afra, jusqu'à Londres. Une lueur d'espoir pour tous. Les abeilles seront la pierre de reconstruction de ce couple à la dérive. Chaque chapitre est relié au suivant par un mot. Une construction originale. A lire. Je vais me plonger dans le second livre de cette autrice « Les oiseaux chanteurs ». Elle a une belle plume. Bonne lecture à tous.
( 02/01/2023).

Lien : https://lucette.dutour@orang..
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