Pierre Lemaitre a l'art et la manière d'écrire des romans. Celui-ci ne déroge pas à la règle.
Il va nous conter une histoire rocambolesque qui, pour ma part, m'a tenu en haleine du début à la fin.
Il a choisi comme cadre l'année 1948 et trois villes : Beyrouth, Paris et Saïgon
A Beyrouth, à cette époque, la vie est belle et il fait bon vivre pour les expatriés.
A Saïgon, c'est le début de la fin. C'est une ville « mirage » qui pourrait prêter à croire que tout va bien en Indochine alors que tout s'écroule en dehors des murs de cette ville : l'armée française est dépassée, elle n'a pas les codes pour affronter le Viet Minh, cet ennemi invisible et omniprésent. Saïgon est la ville des vices, des plaisirs et de la corruption.
Le Paris de l'après-guerre, c'est encore celui des tickets de rationnement, des concierges aux bas des immeubles, des WC sur le palier. Tout est en ébullition, tout est à reconstruire, l'avenir semble radieux. Dans ce Paris là, le journalisme est à son apogée. le Français est un lecteur de journal, les vendeurs à la criée vendent les éditions du soir. Il faut du croustillant, une bonne accroche, de quoi fidéliser le lecteur, un bon fait divers ou une bonne affaire de corruption impliquant des hommes politiques.
Voilà le cadre. La matière,
Pierre Lemaitre va nous la fournir à travers tous les membres de la famille Pelletier. Par de rapides chapitres qui s'entrecroisent, nous allons faire connaissance avec les protagonistes de cette histoire.
Pierre Lemaitre tisse sa toile, passe de l'un à l'autre et nous découvrons progressivement le profil psychologique de chacun d'entre eux ainsi que leur interaction. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises !
Alors, bien sûr, il y a Louis et Angèle. On apprendra qu'ils ont quitté la France pour Beyrouth au début des années 20. Louis, qui a le sens de l'entreprise, fera fortune dans la savonnerie. Leurs quatre enfants naîtront à Beyrouth. En 1948, tous sont adultes.
L'aîné, Jean est parti à Paris avec sa femme, Geneviève. Il aurait dû prendre la suite de son père mais ce qui le caractérise c'est son incompétence. Alors la savonnerie, très peu pour lui ! Il végète, le pauvre, malgré les coups de piston de son papa. Ça agace passablement sa femme qui voudrait faire la bourgeoise mais qui croupit dans un appartement minable. Il aime pas qu'on lui dise qu'il est nul, Jean, ça a tendance à l'énerver grave !
François est également parti à Paris. Il a menti à ses parents en leur faisant croire qu'il allait intégrer une grande école. En réalité, il galère pas mal jusqu'à ce qu'il trouve sa voie en découvrant le monde du journalisme de l'époque.
Étienne, c'est le poète de la famille. Il est différent, plus sensible. Étienne, il aime les garçons et il en pince pour un beau légionnaire parti en Indochine et dont il n'a plus de nouvelles. Étienne va partir pour Saïgon et découvrir un drôle de monde.
Hélène, c'est la plus jeune. du haut de ses 19 ans, elle n'est plus une enfant. Elle se cherche, Hélène. Elle aussi va tenter l'aventure de Paris.
Voilà, pour le reste, c'est l'affaire de
Pierre Lemaitre et de son talent d'écrivain.
J'ai trouvé ce roman savoureux et machiavélique, drôle et grave, à la fois immoral et amoral. Un vrai régal de lecture avec une écriture d'une grande fluidité et d'une apparente simplicité qui cache un vrai travail d'orfèvre. Bravo.