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sur 2513 notes
Revoilà la famille Pelletier ! C'est avec plaisir que j'ai retrouvé cette fresque familiale truculente. Après son roman d'aventure « le Grand Monde », Pierre Lemaitre nous revient avec ce second opus plus axé sur un aspect social se déroulant pour l'essentiel en France au cours de l'année 1952. On se situe donc toujours au début des trente glorieuses et comme dans le précédent tome plusieurs intrigues s'entremêlent au gré des tribulations de chacun des membres de la famille. On suit notamment Hélène Pelletier envoyée en tant que journaliste reporter sur une actualité brûlante dans une vallée où des habitants s'opposent à un projet hydroélectrique condamnant leur village de Chevrigny a être imminemment englouti par les eaux du nouveau barrage. Ils luttent fermement contre l'ennoiement de leur agglomération et refusent de migrer vers Chevrigny-le-Haut, expressément sorti de terre, malgré les interventions musclés de personnes peu scrupuleuses sacrifiant le village sur l'autel de l'énergie et du progrès.
Dans ce roman rythmé est relancée l'enquête sur le meurtre d'une actrice suite à la tentative d'assassinat d'une autre femme et c'est François Pelletier, journaliste, qui couvre l'affaire et réclame dans un article la réouverture du dossier ignorant la responsabilité de son frère Jean dans ce crime impuni.
On y croise aussi un drôle d'inspecteur qui mène une chasse souterraine à l'avortement clandestin et persécute avorteurs et avortés ouvrant la réflexion sur la liberté des femmes à une époque où la répression contre les IVG était très sévère.
On retrouve bien sûr Jean, l'aîné, et son insupportable femme Genevieve qui se lancent dans la folle aventure de l'ouverture d'un grand magasin très coûteux en investissement avec une gestion plutôt douteuse, révolutionnant le commerce du textile (clin d'oeil à Emile Zola « au bonheur des dames »).
Jean a comme seul réconfort sa fillette de 3 ans Colette car Geneviève enceinte de son second enfant est plus hystérique encore, et toujours aussi manipulatrice, médisante et humiliante. Entre ses exagérations, ses falsifications et ses plaintes elle ne s'occupe guère de Colette au point qu'elle en devient dangereuse…Et puis juste avant l'ouverture du commerce un conflit social éclate suivi d'un scandale.
Pierre Lemaitre entrelace destins personnels et grande Histoire, souffle romanesque et faits historiques avec un art certain de la narration et surtout celui de nous tenir en haleine à chaque chapitre. Un vent de révolte souffle sur ce deuxième épisode de la saga porté par des conflits sociaux et des mouvements contestataires où le syndicalisme est très prégnant et les personnages hauts en couleur.
Impatiente de poursuivre les péripéties de la famille Pelletier qui semblent loin d'être terminées « Car nos secrets, nos turpitudes, nos silences, nos violences, nos mensonges sont comme les ruines de Chevrigny. Recouverts, ils n'en continuent pas moins d'exister ».
Toujours aussi savoureux, foisonnant et addictif.
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Quel plaisir de retrouver Pierre Lemaitre et la famille Pelletier, en 1952, dans le Silence et la Colère !
Si Étienne, le plus jeune, n'a pas survécu dans le Grand Monde, restent bien sûr Louis et Angèle, les parents, ainsi que Jean, dit Bouboule, François et Hélène, leurs enfants.
Les parents sont restés à Beyrouth où leur savonnerie sera prétexte d'un nouveau pèlerinage annuel, un peu différent des précédents à cause de la fameuse Geneviève, l'épouse incroyable de Jean.
Ce second tome de la trilogie Les Années Glorieuses est concentré sur deux mois : février et mars 1952. Il va s'en passer durant cette soixantaine de jours !
Comme dans ses précédents livres, Pierre Lemaitre m'a captivé dès la première ligne. Il m'a fait trembler, espérer aussi, sourire enfin. J'ai été déçu par la tournure de certains événements, ému par les amours difficiles de plusieurs protagonistes, amours hésitants, conditionnés par un passé parfois lourd à assumer.
Les quatre grands thèmes autour desquels s'articule ce roman aux multiples surprises sont le projet de construction d'un barrage qui va noyer une vallée, la boxe à Beyrouth, l'avortement et le début des grands magasins vendant au plus juste prix.
Habilement, comme à son habitude, Pierre Lemaitre m'a fait passer d'un thème à l'autre tout en maintenant un suspense incroyable autour de la personnalité de Jean qui a déjà un lourd passif, sans oublier Geneviève son épouse…
Le Silence et la Colère, ce titre s'applique parfaitement aux habitants de Chevrigny qui tentent jusqu'au bout de sauver leur vallée. L'auteur le dit lui-même, il s'est inspiré du barrage de Tignes (Haute-Savoie) mais a changé de massif pour se rapprocher de Paris. Malgré cela, le ressenti, les divisions, les manoeuvres, les tentatives désespérées de certains habitants sont les mêmes et Pierre Lemaitre sait parfaitement mettre tout cela en scène.
En fait, ce sont Hélène et François Pelletier, la soeur et le frère, journalistes dans un grand quotidien parisien du soir – Hélène étant d'abord photographe – qui se retrouvent au coeur des différentes intrigues. Leurs articles et leurs photos font mouche à chaque fois. D'autres personnages secondaires animent, influent sur l'histoire mais il serait trop long de les citer tous. Je vous laisse donc le plaisir de la rencontre.
Dans ce roman, avec délicatesse et tact, mais sans ménager responsables politiques, police et justice, Pierre Lemaitre met en relief la lutte des femmes pour la liberté de l'avortement. Les relents du régime collaborationniste de Vichy sont encore bien présents. Actions et témoignages montrant bien tous les drames causés par l'aveuglement d'une époque niant le droit des femmes à disposer de leur corps, sont bien amenés par l'auteur, ce qui rehausse encore la qualité de son roman.
Pierre Lemaitre, avec le Silence et la Colère, m'a encore régalé et conquis et je crois savoir que je ne suis pas le seul dans ce cas…

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Pierre Lemaitre poursuit sa trilogie des Années glorieuses et c'est avec grand plaisir que l'on retrouve la famille Pelletier, quatre ans après la jubilatoire présentation de ses membres dans le Grand Monde.

Nous sommes désormais en 1952. L'auteur excelle à saisir l'époque, ici le début des Trente Glorieuses, période de bascule entre les années difficiles de l'après Deuxième guerre mondiale et l'embellie économique, un pied dans le monde empesé de l'après-guerre, un pied dans une modernité annoncée. Au final une période emplie de paradoxes d'une France en plein essor qui entre dans l'ère de la consommation mais encore très régressive et répressive sous bien des aspects.

Aussi, cet opus joue une partition plus sociale avec trois intrigues aux accents à la Zola : luttes ouvrières des employées du fils aîné Jean qui a mis sur pied un magasin populaire type Tati ; combats féministes à une époque où l'avortement est un délit traqué par une brigade spécifique tout droit sortie de Vichy. Mais aussi confits liés à des aménagements du territoire, ici la construction d'un barrage hydroélectrique au prix de l'engloutissement d'un village entier, cimetière compris ( épisode inspiré de la tragédie du village de Tignes, fait divers qui émut et passionna les lecteurs de France Soir ).

Pour le reste, le talent de conteur de Pierre Lemaitre ainsi que son humour mordant parfaitement distillé fonctionnent à merveille, son énergique élan narratif emportant le lecteur dans un tourbillon de péripéties pétaradantes concoctées pour ses nombreux personnages. C'est celui de la soeur, Hélène, qui est le plus mis en lumière : jeune femme libre qui veut s'émanciper de sa famille et des hommes, journaliste envoyée suivre la résistance du village isérois face au barrage, après avoir écrit un article ( inspirée d'un vrai, incroyable de Françoise Giroud, retranscrit à la fin du livre ) qui fait scandale, « Les Françaises sont-elles sales ? ».

Beaucoup d'intrigues, donc, beaucoup de personnages, le lecteur n'a pas le temps de s'ennuyer. Mais j'ai trouvé que cette fois-ci, il manquait du liant entre tout cela. Les raccords entre les différents éléments narratifs sont plus poussifs. Je me suis lassée du personnage de l'épouvantable Geneviève, pourtant mon préférée du Grand monde, ne lui trouvant aucune évolution autre que linéaire ou poussant juste plus ( trop ) loin les curseurs de ses vices sans qu'on ne sente suffisamment l'ambiguïté suggérée : celle d'une femme frustrée de ne pouvoir être un homme avec le pouvoir qui va avec. de même, le dénouement est quelque peu balancé, même si on a bien compris qu'une suite nous attend pour réellement conclure.

PS : à mon avis, ce serait vraiment dommage de ne pas avoir lu le Grand monde avant, afin de profiter pleinement du récit car énormément d'actions arrivent dans le prolongement de celles du premier tome.
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Après le grand monde, premier tome de la trilogie sur les Trente Glorieuses, quel plaisir cela a été de me replonger dans la France des années 1950, avec le Silence et la Colère de Pierre Lemaitre et de retrouver cette inimitable famille Pelletier. On la rejoint donc quatre ans plus tard, en 1952.
Si les parents Louis et Angèle sont restés à Beyrouth pour gérer leur savonnerie, les enfants Jean, François et Hélène tentent de faire leur vie à Paris.
Jean, dit Bouboule, encore en proie à des pulsions meurtrières, vient de créer un grand magasin « Dixie » et l'ouverture approche... Quant à son abominable épouse Geneviève, elle est bien sûr toujours là, plus invivable que jamais, même vis-à-vis de leur fillette Colette, 3 ans.
François toujours fou amoureux de Nine, est reporter au « Journal du soir » et Hélène, la plus jeune, 23 ans, photographe, est passée au rédactionnel en rédigeant cinq articles sur « l'hygiène des femmes » (clin d'oeil à Françoise Giroud ), avant de se voir proposer une enquête-reportage sur la construction d'un barrage et un village appelé à disparaître.
« Il en était ainsi chez les Pelletier. Émotions, secrets, silences, aveux et déclarations se succédaient, il y aurait eu un roman à écrire sur les pensées des uns et et des autres. Une vie de famille. »
Belle manière d'annoncer dans les premières pages ce qui se révèle une magnifique saga familiale, mais pas que.
En effet, Pierre Lemaitre, avec tout le talent qu'on lui connaît en fait un vrai roman social.
Il restitue avec maestria et beaucoup de rythme cette France d'après-guerre.
Il nous fait vivre au plus près, la naissance de la société de consommation, l'arrivée de la grande distribution avec l'ouverture de ce grand magasin. La vente à prix coûtant au début pour appâter les clientes. La fascination de ces clientes devant les étalages et les petits prix. Les méthodes utilisées pour garder un personnel compétitif, promesses, menaces. le besoin vital de travailler pour beaucoup de femmes. Leur obéissance pour garder leur emploi. Mais leur révolte devant l'injustice… Conflit social, revendications…
Il raconte également la condition féminine au début des années 50 avec cette chasse à l'avortement tous azimuts, en mettant en scène le désarroi de ces femmes désarmées ne sachant à qui s'adresser et le risque encouru par les médecins désireux d'apporter leur aide, les unes et les autres pourchassés par un inspecteur plus que zélé aux méthodes plus que discutables, Vichy n'est pas si loin...
Avec les deux journalistes que sont François et sa soeur Hélène, nous assistons quasi en direct à la montée des médias et à la course endiablée pour avoir la primeur des infos.
Si François se retrouve sur une ancienne enquête concernant l'assassinat d'une actrice, sa soeur, elle, est dépêchée dans ce petit village de Chevrigny qui vit sa dernière semaine avant la mise en eau du barrage hydroélectrique, référence au barrage du Chevril construit cette année-là et au village de Tignes en Savoie. Cela n'a pas été sans me rappeler le beau roman de Joy Sorman et Maylis de Kerangal : Seyvoz.
C'est à l'agonie de tout un village qu'il nous est donné d'assister, à la colère des uns, au fatalisme des autres ...
Cet épisode est très évocateur des sacrifices faits pour les nécessités du progrès et pour accéder à la modernité et à l'amélioration des conditions de vie. Certains passages sont vraiment très émouvants.
L'auteur nous entraîne également dans quelques incursions à Beyrouth pour le fameux « pèlerinage Pelletier » puis, en compagnie du jeune boxeur Lucien prêt à mettre sa vie en jeu pour conquérir son amour.
De belles histoires d'amour se tissent tout au long du roman mais de nombreux mystères demeurent pour notre plus grande curiosité !
Le Silence et la Colère, titre en parfaite adéquation avec le roman alterne et entremêle savamment les histoires de chacun avec la grande Histoire.
Roman totalement addictif, émouvant, haletant, qui peut parfois nous plonger au plus noir de l'âme humaine tout comme au meilleur, le deuxième volet de cette chronique familiale m'a absolument conquise et c'est avec une grande impatience que j'attends le troisième !
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Roman fleuve pour une histoire de barrage. Oui, cela coule de source.
Silence, colère et surtout beaucoup de résignation dans ce nouveau titre du feuilleton du XXème siècle signé Pierre Lemaître.
J'ai apprécié les retrouvailles avec cette pelletée de Pelletier, spécimens bien carnés et truculents aux liens aussi complexes que solides. Mention spéciale pour Bouboule, le tueur en série falot rattrapé par ses crimes, et à son épouse, la cultissime Geneviève, tellement mauvaise qu'il est difficile de ne pas succomber devant tant de méchancetés. Je crois que je suis amoureux. Ces deux personnages sont des trampolines à rebondissements et ils dopent le récit. Ils ombragent un peu le reste de la famille dans cet opus mais Pierre Lemaître invitent de nouveaux entrants bien retors qui entretiennent le rythme de cette saga qui montre la face cachée de des trente glorieuses.
Roman le plus social de la série, sortez les banderoles, chantez les ritournelles des vilains patrons et des gentils ouvriers, l'histoire se déroule, chers camarades, en 1952, quatre ans après le Grand Monde et l'auteur quitte l'Indochine pour… l'Yonne. Oui, c'est moins exotique mais l'auteur améliore ainsi son bilan carbone. de toute façon, nous ne sommes pas là pour faire du tourisme et il est inutile de compter sur notre Zola sans gluten pour faire un petit tour d'hélico au-dessus de la maison de Guy Roux et profiter du paysage.
Pierre Lemaître nous offre donc les Trente Glorieuses vues de biais et d'en bas. Tellement bas qu'un village promis à l'engloutissement suite à l'édification d'un barrage sert de biotope à l'histoire. La situation est très romanesque et les 500 pages du roman se concentrent sur une semaine. A ce rythme, entre nous, il n'est pas prêt de terminer sa saga. Attention au syndrome « Trône de Fer », « Game of Thrones » pour les Verlanglais, dont on attend toujours les ultimes tomes, pré-mortem si possible. Tout le monde n'a pas l'efficacité d'un Maurice Druon qui avait réussi à compiler 13 générations en 7 tomes pour les Rois Maudits. Emballés, empoisonnés et pesés.
Vu le sujet et connaissant la fibre sociale de l'auteur, je m'attendais à voir mes derniers cheveux ébouriffés par un vent de révolte, avec des gaulois réfractaires se retranchant sur la place du village, ancêtres Zadistes galvanisés au Chablis, bouées de sauvetage ceinturant de fameux embonpoints pour s'accrocher jusqu'au bout à la flèche de l'église et affronter la montée des grandes eaux. Eh bien, je me suis emballé pour rien. C'est raté pour les Merguez. Calme plat autour des ronds-points qui n'existaient pas encore. Les jeux sont déjà faits et si certains rechignent à quitter le prochain paradis des carpes, le récit décrit une modernité impitoyable, incarnée par l'ingénieur Destouches et une population qui sombre dans le fatalisme. La belle Hélène Pelletier, chargée de couvrir l'histoire pour le journal du Soir va accompagner les habitants dans la préparation des cartons tout en cherchant un moyen pour avorter clandestinement.
Comme la force du feuilletoniste est de multiplier les intrigues et les personnages, j'ai vraiment apprécié la construction du roman et les récits menés en parallèle qui accompagnent l'histoire de chaque membre de la famille Pelletier. Qu'il s'agisse du jeune boxeur, punching-ball résilient, couvé par le patriarche au Liban ou de l'ouverture du grand magasin de Jean, Pierre Lemaitre ne perd aucune pièce de son puzzle, aucun figurant ne fait tapisserie dans son livre. Un sacré lego.
Bon, je pense qu'il faut éviter de prendre la Micheline en route et avoir lu « le Grand Monde » pour pleinement apprécier l'évolution des personnages et ne pas dévisser face au casting XXL. C'est toujours dommage d'assister à un mariage quand on ne connait aucun invité.
Au final, si le récit un peu longuet du village englouti fait barrage pour moi à la cinquième étoile, ce nouveau roman tient très bien sa place dans l'étagère de ma bibliothèque réservée à cet auteur populaire qui maîtrise l'art de récurer les recoins de l'histoire.
Il en a encore cinq au programme.
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Il y a quelques heures, je lisais les premières lignes de la chronique d'un lecteur, qui, désabusé par la lecture du premier volet de la trilogie de Pierre Lemaître, le grand monde, n'y allait pas avec le dos de la cuillère, qualifiant l'ouvrage de roman de gare ou de plage.
Les bras m'en tombent, mais libre à chacun de s'exprimer.
Pour ma part, et alors que je viens de terminer le second opus, le silence et la colère, je veux bien prendre le train régulièrement avec cet auteur que je prends le plus grand plaisir à lire, (pour la plage, je m'abstiens, je ne suis pas adepte du coup de soleil qui vous laisse sur la peau hâlée, la trace du marque-page).
Bref, revenons à  nos silences (Il y en a qui feraient bien d'y penser) et nos colères (elles sont mauvaises conseillères).
Une fois de plus Lemaître Pierre, m'a embarqué dans la suite de sa saga familiale.
Les Pelletier.
Quelle famille !
Pendant que Louis et Angèle, les parents, continuent de faire tourner la savonnerie à Beyrouth et que le père s'enthousiasme pour un jeune boxeur qu'il a pris sous son aile, les enfants tentent de se construire une vie en France.
Jean et sa charmante épouse (oui, je suis hypocrite) Geneviève, rêvent de conquérir le tout-Paris avec l'ouverture prochaine de leur magasin de vêtements à bas prix (enfin, c'est surtout Jean qui rêve, madame, elle est très sceptique pour ne pas dire plus).
François se voit confier un poste important dans le journal pour lequel il travaille, rivalisant avec sa soeur Hélène, photographe pour ce même quotidien, qui se voit, elle, proposer une mission, un reportage dans un village appelé à disparaître.
Évidemment, je n'en dirai pas plus, je laisse à chacun le plaisir de découvrir les péripéties qui jalonnent la vie des personnages de ce roman.
Le romancier accroche son lecteur dès les premières pages et ne le lâche plus, ou plutôt, c'est celui-ci qui ne lâche pas sa lecture addictive.
Le silence, c'est les choses qu'on tait, les secrets bien gardés, les actes qu'on feint d'ignorer, les résignations.
La colère, c'est les cris du coeur, les cris du corps, la révolte des exploités, les sursauts devant l'inéluctable, les luttes.
Si vous avez aimé le grand monde, vous allez adorer le silence et la colère.
Je suis impatient de découvrir la suite, mais que l'attente va me paraître longue.
Enfin, d'ici là, il y aura bien d'autres romans de gare ou de plage pour m'accompagner...
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En 1952, Françoise Giroud, débutante alors inconnue, publiait dans ELLE une enquête éclaboussante « La Française est elle propre ? ».

Pierre Lemaitre attribue ce reportage à Hélène, la fille de Louis Pelletier, prospère industriel, connu pour son slogan « Savons du Levant ; savon des gagnants » … qui profite sans aucun doute des retombées commerciales de cette campagne de presse. Et c'est à une grande lessive que nous convie le romancier qui confie au bâtard Calamar le soin de dynamiter et noyer un village et charge une épouse dévouée de détacher un mouchoir taché de sang à une époque où les faiseuses d'anges exercent discrètement en espérant passer sous le regard d'une police peu soucieuse de compromettre des familles honorablement connues.

Epoque où l'enseigne DIXIE (alias TATI) de vente de textile et de bazar bon marché révolutionne le commerce en proposant à une clientèle, sortie de la guerre et des pénuries, un vaste choix de produits peu chers, et bâtit sa prospérité sur le dos de ses vendeuses fermement dissuadées de se syndiquer.

Une cascade d'événements surprend à chaque chapitre le lecteur qui revit en 600 pages, le début des « trente glorieuses ».

Cette évocation historique rafraichit la mémoire et permet d'apprécier le chemin parcouru depuis 70 ans (c'est à dire depuis ma naissance).

En 1952, 75 % des Français n'ont pas de douche, seulement 27 % d'entre eux disposent de WC intérieurs et la moitié des locataires n'ont pas l'eau courante.
En 1952, beaucoup de logements ne disposent pas d'une puissance électrique permettant de brancher un Lave Linge.

En relisant ces pages, je me suis souvenu qu'à Rouen en 1970, en rentrant du lycée, une retraitée appréciait que je descende à la fontaine lui remplir ses brocs d'eau ; qu'en 1980, une voisine (qui nous fournissait lait et oeufs) n'avait pas l'eau courante dans sa ferme. Je me suis rappelé qu'en 1987, il fallait patienter un an pour être relié au téléphone au centre ville de Toulouse et j'ai jeté un regard nostalgique à mon combiné gris à cadran (que nos petits enfants sont incapables d'utiliser) et au Minitel qui traine dans mon grenier …

Véritable cure de jouvence, ce roman rajeunit et relativise le discours qui assène « on vivait mieux du temps de nos parents ».

J'ai pris plaisir à lire « Le silence et la colère », dont le titre évoque « Le bruit et la fureur », lui même référence à Macbeth et à ces vers :
La vie […] : une fable
Racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur,
Et qui ne signifie rien.
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Après le Grand Monde qui ouvrait l'an dernier la trilogie des Années Glorieuses, l'on retrouve la famille Pelletier comme si l'on venait juste de la quitter. Quatre ans se sont écoulés depuis l'épilogue du premier tome, et, en cette année 1952, la reconstruction d'après-guerre s'achevant en même temps que bientôt la guerre d'Indochine, la narration se recentre sur les mutations sociales de la France qui, en ce début des Trente Glorieuses, quarante ans après les Etats-Unis, fait son entrée dans la société de consommation.


Pendant que Louis, toujours à la tête de sa savonnerie à Beyrouth, se prend de passion pour la boxe où l'un de ses ouvriers s'est mis en tête de percer, son épouse Angèle suit avec inquiétude le parcours de leurs trois enfants installés à Paris. Jean, toujours aussi mal marié et plus que jamais aux prises avec sa violence intérieure, oeuvre à l'ouverture d'un grand magasin de prêt à porter bon marché, que le lecteur, amusé, associera volontiers au concept de l'enseigne Tati. François poursuit avec succès sa carrière à la rubrique faits divers du journal qui l'emploie, tandis qu'Hélène, engagée dans la profession de reporter-photographe, doit se frayer un chemin dans un monde d'hommes. Là encore, les clins d'oeil abondent, amenant à l'esprit le journal Paris-Match ou le magazine Elle, et évoquant même directement Françoise Giroud, dont un article sur l'hygiène des Françaises est reproduit en annexe du livre, ou le vrai village de Tignes, qui, comme dans le roman, tenta de résister à la destruction et à l'engloutissement promis par la construction d'un barrage hydroélectrique.


Mêlant avec dextérité tout un bouquet d'intrigues pimentées de suspense – l'étau se resserre notamment autour du tueur en série qui sévit depuis le début de la trilogie – et démultipliant ainsi l'addiction du lecteur, le récit épouse le tourbillon foisonnant de la vie et ne cesse de rebondir, sans baisse de rythme ni de crédibilité, pour mieux nous attacher à ses personnages, suffisamment bien campés pour convaincre et prendre vie. Mais que l'on ne s'y méprenne pas : sous ces apparences plaisantes de divertissement facile, le propos se colore souvent de gravité, touchant notamment du doigt la colère, de plus en plus mal rentrée, d'une génération de femmes à l'orée de la conquête de leur indépendance.


Si Geneviève, l'épouse de Jean, en est encore à une révolte inconsciente qui la transforme en terrible mégère, obstinée à lui faire payer sa souffrance « de n'être pas un homme » en se sabordant dans un rôle marital et maternel dont elle ne se satisfait pas, d'autres femmes commencent, encore silencieusement, à se battre pour leur liberté professionnelle et affective. Elles ont encore un long chemin à parcourir, preuves en sont la précarité et l'injustice qui déclenchent les grèves d'ouvrières, et, de manière plus spectaculaire encore, la chasse aux avortées et aux médecins avorteurs qui se poursuit alors dans la continuité des lois de Vichy. Si, depuis la Libération, l'avortement n'est plus passible de la peine de mort, il reste un délit traqué par des brigades policières spécialisées.


Tout aussi prenant et bien mené que le premier, ce deuxième opus de la dernière trilogie en date de Pierre Lemaitre ne déroge pas à la règle qui rend si remarquables les romans de l'auteur : le noyau central de son histoire, avec ses personnages et leur ressenti individuel, n'est que le prétexte d'une peinture beaucoup plus large d'une époque et de son contexte social, débouchant elle-même sur des perspectives sociétales d'une portée universelle. Alors quand l'intérêt se conjugue aussi bien au plaisir de lecture, l'on ne peut, naturellement, qu'attendre avec la plus grande impatience le prochain rendez-vous avec la famille Pelletier.

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Louis le patriarche, Jean, François et Hélène les enfants : les Pelletier, une famille où se succèdent les secrets, les jalousies, les ressentiments, les silences et les aveux. Il y aurait matière à écrire un livre sur cette famille et même plusieurs c'est ce que nous propose Pierre Lemaître. Nous sommes en 1952.
Pierre Lemaitre, dans la tradition du roman naturaliste et réaliste, nous offre un grand roman social ; la France est en plein essor mais cette marche en avant se fait au détriment de certains. La répression contre les avortements clandestins est terrible et pourtant c'est encore la seule solution offerte aux femmes. Les conditions de travail des ouvrières sont épouvantables : une exploitation permanente. Les logements sont vétustes et l'hygiène est déplorable. Pour la fée électricité, un village entier est sacrifié, englouti sous les eaux d'un barrage.
Le père et chacun des enfants Pelletier vont être mêlés à une sombre histoire différente que le lecteur suit avec plaisir tant l'écriture de Pierre Lemaitre est légère donnant au récit un rythme qui ne faiblit pas. Avec habileté l'auteur alterne avec chacune de ces intrigues, ajoutant de-ci de-là une dose de mystère ou de secret, n'hésitant pas à exhumer une vieille histoire de meurtre dont la victime était une actrice. Pierre Lemaitre a l'art de la description et tous ces personnages sont hauts en couleur mais il excelle particulièrement dans ceux qui sont exécrables et dans ce roman il nous régale avec Geneviève la femme de Jean, humiliante, manipulatrice, maltraitante envers sa petite fille.
Ce second volet des Trente glorieuses peut parfaitement se lire indépendamment du premier, Pierre Lemaitre a le talent de nous rappeler au détour d'un chapitre des informations qui facilitent la compréhension du récit. Une fois de plus la plume de Pierre Lemaitre m'a enchanté, il a su aiguiser mon appétit, une envie de connaitre la suite de cette saga familiale.



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1952, Jean, François et Hélène sont installés à Paris.
Louis et Angèle, les parents sont restés à la tête de leur savonnerie à Beyrouth.
- Jean, toujours animé de pulsions meurtrières et sa femme, détestable vont ouvrir un grand magasin place de la République. Grand magasin où les marchandises seront accessibles à presque toutes les bourses. Attention, cependant, à la tendance de Jean à mener de mauvaises affaires. La famille s'est agrandie avec la venue de Colette et la future venue d'un autre bébé.
- François, journaliste au "Journal du soir" se voit confier la direction des faits divers alors qu'il aurait voulu traiter d'affaires de plus grande envergure. Il est amoureux de Nine, relieuse. Elle se montre mystérieuse et cachotière, amicale et amoureuse à ses heures.
- Hélène entre comme pigiste au journal de Gabriel mais se verra confier un article sur l'hygiène des femmes en France ainsi qu'un article sur l'ouverture d'un barrage à Chevrigny et les conséquences de l'immersion d'un village entier. L'auteur fait allusion au barrage de Tignes inauguré en 1952.
Le roman, très vivant, très riche en sujets de toutes sortes nous tient en haleine.
Pierre Lemaître explore les défauts humains les plus sombres,leur donne vie à fond.
Le récit est construit de façon à ce qu'on ne lâche jamais le fil, à ce qu'on ne perde jamais de vue un personnage important .
Les actions se succèdent à un rythme rapide, très adapté à notre époque où on se déplace rapidement.
Il analyse la société de 1950 comme si on y était, à la manière de Zola au 18ème siècle mais en plus vif, plus rapide.
On se croirait même revenu dans "Les misérables"avec un personnage qui ressemble à Javert mais ici, ce n'est pas Jean Valjean qu'il traque mais les avortées et les avorteurs.
C'est un roman qui m'a grandement intéressée étant donné que j'ai passé ma petite enfance fin des années 1950.
Je ne savais pas qu'il y aurait une suite mais à présent j'en suis certaine. Il y a une place pour l'évolution des personnages.
Que va devenir Jean, la morale prendra-t-elle le dessus sur cet être que je plains et condamne en même temps?
Et son horrible femme? Geneviève, citée à tout bout de champ dans le livre? Et dire que je porte le même prénom !
François va-t-il pouvoir se réaliser dans son métier de journaliste?
Hélène va-t-elle trouver son chemin en tant que femme journaliste également ?
Cet opus m'a mieux plu que "Le grand monde"car j'ai pu prendre des repères avec une époque pas si lontaine quand on y pense bien.
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