Te souviens-tu de nos promesses ?

Il y a, dans ces amours adolescents, une certaine pudeur. On n’ose pas vraiment se toucher, ni s’embrasser, et chaque contact avec l’être aimé et désiré devient alors aussitôt une explosion de sensations. Un véritable brasier ardent qu’on ne saurait arrêter. C’est comme si un feu d’artifice nous explosait en pleine poitrine.
 

Je suis dans une rage folle, simplement en le regardant. L’image apaisante d’un mari, ou de l’être aimé, qu’il devrait me renvoyer, a été remplacée par un démon de haine dont je ne parviens pas à me défaire, en dépit de toutes ses tentatives. Je ne saurais l’en tenir pour responsable. Le problème vient certainement de nous deux. Le démon, c’était notre relation, et il s’est réveillé une fois de plus. Ce n’est que lorsque l’indifférence vient que l’on sait que la bête a été tuée par notre cruauté.

Il m’a volé un temps précieux, mais je ne peux m’en prendre qu’à moi. Par amour, on peut prendre des décisions absolument regrettables pour notre avenir.

Je le désirais plus que tout. Mon coeur était à lui. Tout mon être brûlait à son contact. J’étais comme un oiseau qui se brûlerait les ailes sur le contact du soleil. Il était mon tout. Mon étoile, ma lumière, mon soleil, ce qui apportait de la chaleur dans ma vie. Alors, j’ai pris cette décision… cette décision vraiment ridicule. J’ai sacrifié mon avenir. J’ai sacrifié ma place dans cette bonne faculté d’Aix-en-Provence dans laquelle je rêvais d’entrer, pour le suivre.

Ah, ce qu’il peut être égoïste, celui-là. Il se fout pas mal de tout ce que je peux penser. Depuis toujours, j’ai des rêves, des envies, des choses que je voudrais plus que tout réaliser, mais cela ne l’a jamais intéressé. Il a toujours préféré son travail, et je pense qu’il en sera toujours ainsi. Il n’y a rien que je puisse changer à ce niveau-là. Philippe restera toujours Philippe, le petit garçon qui s’évertue à donner le meilleur de lui-même pour se surpasser.

Dans ma démarche, il n’y a plus rien de réfléchi. Il s’agit d’instinct, de pulsions, d’émotions puissantes qui vous poussent, vous bouleversent, vous malmènent et vous détruisent. C’est ça, que Philippe me force à vivre en ce moment même.
À la sortie de Louvigny, près de l’Orne. J’espère qu’il a une bonne excuse pour me malmener ainsi. Je me sens complètement bouleversée. Je ne pense plus à rien, en prenant ma voiture. Je songe seulement à la façon dont il s’expliquera pour se justifier. Je vais avoir besoin d’excuses solides, et pas de mensonges. Philippe est en train de remuer tout un tas d’émotions que je pensais enfouies, et j’aurais mieux aimé qu’elles le restent, pour être sincère.

Sa beauté, son regard… l’amour que je lui porte est toujours aussi fort, même après trois années. Dans la tête d’un adulte, cela ne sonne pas de la même façon. Quand on est au lycée, trois ans, c’est énorme. C’est le temps du cursus, pour ainsi dire. C’est une partie non négligeable de notre vie.
Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais ces promesses me procurent un bien fou. J’ai l’étrange sensation qu’elles se réaliseront un jour. J’en ai même la certitude. Je ne doute plus.

répète toujours la même phrase, en ce qui me concerne : concessions, empathie, attentions. Ce sont pour moi les piliers fondamentaux, si on oublie l’amour, qui font qu’un couple peut tenir dans le temps.

Mon cerveau a trouvé cette alternative comme s’il était en pleine noyade et que la seule échappatoire était la fuite, avant l’engloutissement définitif par la vague qui s’apprêtait à le submerger.

Dorénavant, je suis mon instinct, et j’ai besoin de repos. De repos, et de recul. Je dois me retrouver, me reconnecter avec ce que je suis. Je suis un universitaire brillant, un auteur à succès dans le monde académique, mais qui suis-je vraiment ? J’ai toujours vécu pour mon travail, mais au fond… qu’est-ce que cela reflète de ma personnalité ? De mon être intérieur. Celui qui hurle, celui qui fait vibrer mes tripes en vociférant.