Citations sur Te souviens-tu de nos promesses ? (86)
Certains de mes étudiants me saluent, me demandant au passage pourquoi je suis absent. Visiblement, tout un tas de rumeurs circulent sur moi au sein de la faculté : cancer, crise cardiaque, avc… c’est fou ce que l’imagination des élèves peut être prolifique lorsque cela concerne une absence professorale. Non, je suis simplement en plein divorce, mais je me garde bien de leur dire, évoquant seulement que je suis en bonne santé pour ne pas les inquiéter, ou ne pas véhiculer davantage de bruits de couloir.
Devoir maintenant m’affirmer en tant que personne pleine et entière me donne la chair de poule. L’avenir s’annonce incertain, et plein d’aventures.
Mon esprit est coupé en deux comme une orange qu’on s’apprête à presser. Je suis déchiré, comme séparé à la hache. Une partie de moi veut en finir définitivement, tandis que l’autre s’accroche. Et puis à quoi bon ? Si je devais vraiment être un célibataire de la quarantaine, je suis certain que je n’aurais pas de mal à trouver quelqu’un. Pourquoi cette perspective ne me réjouit-elle pas ?
L’eau chaude me revigore et me procure un bien fou. Ce qu’il y a d’idéal avec la douche, c’est qu’on peut y pleurer, les larmes ne se voient pas.
J’aimerais bien ressembler à toutes ces femmes de la quarantaine qui sont actives, célibataires, sportives, qui prennent soin d’elles et arrivent à enchaîner les partenaires sans problème. Tous les mecs sont à leurs pieds. Tous les papas divorcés avec leurs gamins dans des poussettes leur courent après.
Tout cela… c’est du passé. Je dois aller de l’avant. Je ne dois pas me laisser détruire. Le passé est un océan sur lequel il est agréable de naviguer, mais si on se perd trop loin, on se noie. Je refuse de me noyer dans ma propre mémoire. Je ne veux pas avoir à tuer ces bons moments à l’aide de cognac ou de bourbon. Ça ne me ressemble pas, et pourtant, aussitôt après avoir tué définitivement notre mariage en l’assassinant d’un coup de stylo, c’est la première idée qui m’a traversé l’esprit.
Il y a des choses que même les papiers ne peuvent pas altérer. Si tout était aussi simple qu’une signature… si seulement ! J’aimerais tellement que ce petit griffonnage au stylo puisse mettre un terme à mon calvaire sentimental, mais il n’en est rien…
Je me remémore le moment où je
J’ai cette désagréable sensation. Celle qui vous prend et qui vous tiraille, celle qui vous murmure à l’oreille que vous faites une redoutable bêtise. Elle me susurre que je ne suis qu’une idiote. Le sentiment d’avoir encore des choses à vivre avec cet homme m’envahit, mais je préfère l’ignorer complètement. De toute façon, lui n’hésite pas un seul instant avant de signer.
Pourquoi l’amour est-il si compliqué ? Pourquoi est-ce que je me convaincs de ne plus l’aimer, quand mon corps me pousse à penser l’inverse ?
Je suis déchiré en deux. Comme un schizophrène, deux facettes de moi-même s’opposent et se s’affrontent.
Le champ de bataille, c’est moi.
On se dit qu’on n’est pas comme tous les tarés qui pètent les plombs, comme tous ceux qui se jettent d’un ravin, comme ceux qui se tirent une balle dans la tête et qui repeignent leur salon avec le contenu de leur crâne. Et un beau jour, c’est votre tour. Parce que s’il y a bien une chose capable de rendre dingue un être humain, au point de le pousser aux extrêmes limites de la folie, c’est bien l’amour. Ce sentiment contradictoire, à la frontière d’autres émotions, et qui les pousse à tourbillonner comme un jacuzzi pour se mélanger. C’est une alchimie très particulière, et les mélanges sont souvent instables. Ce qu’il en résulte, l’état dans lequel nous nous mettons lorsque l’amour s’en va, lorsqu’il est sur le point de nous glisser entre les doigts de façon irréversible, c’est ça, ce que nous sommes.