Ce tome comprend une histoire complète qui peut constituer un point d'entrée dans l'univers Valiant. Il comprend les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2014/2015, coécrits par
Matt Kindt &
Jeff Lemire, avec des dessins et une mise en couleurs de
Paolo Rivera, en collaboration avec Joe Rivera (le père de Paolo). Ce tome comprend également un dossier de 13 pages montrant plusieurs planches à différents stades de réalisation (croquis, dessins, encrage, couleurs), avec les commentaires de
Paolo Rivera, puis
Matt Kindt, puis
Jeff Lemire, et enfin de Dave Lanphear (le lettreur). Il se termine avec les 4 couvertures variantes coréalisées par
Matt Kindt &
Jeff Lemire, et les 4 couvertures variantes de
Francesco Francavilla.
L'ouvrage commence avec une présentation succincte des principaux personnages : Eternal Warrior (Gilad Anni-Padda), Geomancer (Kay McHenry), Bloodshot (Ray Garrison), Armstrong (Aram Anni-Padda, le frère de Gilad), Neville
Alcott, X-O Manowar (Aric Dacia), Ninjak (Colin King) et la colonel Jamie Capshaw. L'histoire commence des milliers d'années dans le passé, alors qu'Eternal Warrior tente d'empêcher le meurtre du Géomancier de l'époque, aux mains d'Immortal Enemy. Non seulement il échoue, mais en plus l'adversaire lui laisse inflige une cicatrice au visage. L'histoire se répète encore 2 fois à 2 autres époques. de nos jours, Kay McHenry (la nouvelle géomancière) est venue chercher des conseils auprès d'Aram Anni-Padda (Armstrong) dans un club anglais.
Dans un pays du pourtour du Pacifique, Bloodshot est en pleine mission pour récupérer une caisse contenant un objet indéterminé. Il est également sous le feu nourri de 2 drones pilotés par des êtres humains. Au niveau du cercle arctique, Ninjak est en train de procéder à l'extraction d'un prisonnier à la compétence très spéciale. Alors que la Géomancière survole une zone minière du Colorado, elle est attaquée par l'Ennemi Immortel.
En 1992, Valiant publiait son premier comics : Harbinger, écrit par
Jim Shooter (ex éditeur en chef de Marvel) et dessiné par
David Lapham. En 2012, Valiant recommence à publier des comics, après plusieurs années d'interruption. le premier titre sort en mai 2012 : X-O Manowar, avec By the sword par
Robert Venditti & Cary Nord. . En juin 2012, c'est au tour d'Harbinger , avec Omega Rising. Régulièrement, l'éditeur Valiant organise des événements pour fédérer ses séries : Harbinger Wars, Armor Hunters ou Book of Death. La présente histoire appartient à cette catégorie, la couverture indiquant que le personnage de Bloodshot est particulièrement mis en avant. Effectivement, cette histoire sert de prologue à sa nouvelle série de 2015 intitulée Bloodshot reborn, à commencer par Colorado.
Pour ce faire, les responsables éditoriaux de Valiant ont confié l'écriture à
Jeff Lemire (scénariste de la série Bloodshot reborn) et
Matt Kindt (scénariste des séries concomitantes Ninjak et Rai, sans parler de la série Unity). En associant ces 2 scénaristes, ils s'assurent d'une bonne cohérence d'ensemble du récit avec le reste de l'univers partagé Valiant, et d'un point de départ en phase avec la série Bloodshot reborn. Leur récit prend comme point de départ l'existence d'un individu dépositaire de pouvoir pour défendre la Terre, en tant qu'organisme écologique, qualifié de géomancier. Ce dernier établit tout naturellement un lien avec le Guerrier Éternel dont la mission est de le protéger, et donc avec les frères Anni-Padda dont Armstrong de la série Archer & Armstrong. Au cours de l'affrontement majeur contre l'Ennemi Éternel, les personnages évoquent l'équipe d'Unity, les psiots (de la série Harbinger), X-O Manowar, ainsi tout l'univers partagé Valiant est passé en revue, ou presque (il ne manque que Toyo Harada, le troisième frère Anni-Padda, Docteur Mirage).
Comme pour Marvel et DC, ce genre de récit rassemblant beaucoup de personnages (toute proportion gardée, parce qu'il en existe nettement moins chez Valiant) nécessite une menace validant l'intervention d'autant de héros. L'Ennemi Éternel remplit ce rôle, même si ses motivations auraient gagné à être explicitées. Une grande distribution de personnages a pour conséquence de leur laisser peu de place pour exister. Effectivement lors de la grande attaque groupée dans l'épisode 3, seul un lecteur connaissant déjà toutes les séries Valiant pourra identifier tous les personnages présents sur la double page décrivant leur offensive en masse. Au travers de ces 4 épisodes, l'accent est plus particulièrement mis sur Bloodshot et la nouvelle géomancière (en plus de l'introduction rappelant le combat entre Guerrier Éternel et ennemi Éternel). Si le récit présente la forme d'un crossover pour resserrer les liens des différentes séries Valiant, il s'agit bel et bien d'une introduction à la nouvelle série Bloodshot.
Le lecteur découvrant l'univers Valiant éprouve des difficultés à identifier tout le monde (à commencer par les H.A.R.D. Corps), à comprendre les particularités des tortures mentales infligées à chaque personnage par l'Ennemi Éternel. du point de vue de l'opposition entre Guerrier et Ennemi Éternels, il se demande si le récit présente un quelconque intérêt au vu du résultat, voire il reste comme 2 ronds de flan devant le deus ex machina impliquant une forme de voyage dans le temps s'il ignore l'existence de Ivar Anni-Padda. Il éprouve même l'impression que le récit effectue des mouvements de balancier entre l'intrigue concernant Gilad Anni-Padda et celle concernant Bloodshot (et la géomancière) qui sont liées de manière un peu artificielle. Par contre, il en ressort avec l'envie d'en savoir plus sur le passé et le devenir de Bloodshot.
Paolo Rivera dessine de manière descriptive, avec un degré de simplification variable en fonction des séquences. Celle d'ouverture montre donc le Guerrier Éternel se battre contre l'Ennemi Éternel, dans un décor de pyramide sud-américaine et de jungle. le lecteur y voit une sorte d'intemporalité, pouvant évoquer les dessins des grandes séries d'aventure consacrées à Tarzan. En fait cette qualité intemporelle joue en la défaveur de l'appréciation des pages qui ont l'air d'une simplicité évidente, sans grande qualité visuelle. Les personnages sont représentés avec une allure presqu'ordinaire (pour les moins fantastiques d'entre eux) qui les rend quasi banals. Il en advient que les séquences d'action ressemblent à d'autres, au point de paraître presque fades. Dans ces conditions, difficile de se passionner pour un gros monstre se déchaînant pour tout casser, ou pour 2 personnages parcourant les étages d'un centre commercial.
Cette approche pragmatique dessert les moments les plus spectaculaires du récit. Difficile de croire en cette trentaine de personnages donnant tous l'attaque en même temps au gros monstre (l'Ennemi Éternel). Si le lecteur est capable de les reconnaître, il constate qu'ils sont représentés de manière assez ordinaire, qu'ils n'en imposent guère. S'il ne les connaît pas, il n'est guère impressionné par ces gugusses sans beaucoup de personnalité graphique. de la même manière, le dessin en pleine page consacré aux différentes souffrances des superhéros apparaît comme une collection de clichés peu passionnante. D'un autre côté, le lecteur se rend compte que la narration visuelle est impeccable. L'artiste réussit à créer cette impression de pyramide millénaire en pleine jungle, de village viking en face d'un fjord, ou encore de chevalier du moyen-âge sur un champ de bataille.
De séquence en séquence, il apparaît également que les images les moins spectaculaires sont les plus convaincantes. En voyant Kay McHenry courir sur un ruban d'asphalte en pleine nature, il peut se projeter sur cette route de campagne. Il peut aussi apprécier le calme luxueux du club dans lequel elle devise avec Aram Anni-Padda, confortablement installés dans des fauteuils moelleux. En lisant les pages bonus, il se rend compte que les déplacements dans le grand centre commercial recèlent un autre sens sur ce qui aurait pu être entre les 2 personnages concernés. D'un côté,
Paolo Rivera met en scène cette séquence avec un naturel incomparable ; de l'autre côté le lecteur peut ne pas voir ce sous-entendu trop discret.
Paolo Rivera a fort à faire avec la diversité des scènes et des éléments. Il doit donc passer d'une époque antique à une jungle où Bloodshot combat des drones haute technologie, puis d'un monstre immonde à la douce Kay McHenry. Il est visible qu'il éprouve un petit faible pour cette dernière. C'est une évidence avec la page qui lui est consacrée dans le club, face à Armstrong, cela reste vrai tout au long des 4 épisodes. le lecteur se laisse donc porter par la clarté de ses dessins, en appréciant une scène plus qu'une autre, du fait de sa résonnance classique, ou de sa sensibilité particulière. Il se laisse prendre par la tension des scènes d'action de type aventure ; il éprouve de grandes difficultés à prendre au sérieux les scènes de type superhéros. Il tombe sous le charme de Kay McHenry dans cette page de 9 cases où elle s'adresse à Aram Anni-Padda ; il a du mal à se retrouver dans les expressions des visages souvent dénuées de nuances.
En arrivant au terme du tome, le lecteur peut voir les couvertures variantes qui confirment bien le sujet central du récit : la relation entre Bloodshot et Kay McHenry. Ce récit comporte de nombreuses idées, des situations inventives, avec une narration visuelle efficace et claire, mais il souffre d'une ambition trop grande qui a pour effet de donner l'impression de passer d'un fil narratif à un autre, sans grande unité, sans laisser le temps à chacun de se développer suffisamment.