Doris Lessing - "Journal d'une voisine, Les carnets de Jane Somers tome 1" Albin Michel (cop. de l'original "the diary of a good neighbour" 1983, trad. français cop. 1985). – (ISBN : 978-2-25304138-2)
Un texte exceptionnel, une écriture (tout au moins ce qu'en reflète la traduction) d'une densité parfois oppressante, écrasante, au niveau du sujet. Une narration sans faille, qui – dans un genre tout à fait différent – se hisse au niveau d'un
Henry James. Un récit à la hauteur de la dimension quasi sacrée de l'enjeu la vieillesse, la mort et donc la vie. Un témoignage sans concession sur le statut des "vieux" dans notre société d'aujourd'hui. Autant dire un livre violent, d'autant plus violent que tout est dit au plus près, sans aucun pathos. Sous cet aspect, le texte se compare par exemple à la "
suite française" d'
Irène Némirovsky.
Pour ne prendre qu'un unique exemple, la scène de la visite du "grand médecin" entouré des "internes" en cours d'apprentissage (qui d'entre nous n'a vécu cette impolitesse, confinant souvent à l'humiliation ?) est sans concessions (pp. 342-343) : c'est ainsi, sans aucun respect, que sont traités les patients des hôpitaux publics, et à plus forte raison les "petits vieux".
De manière époustouflante, un vrai récit au féminin, centré sur la rencontre de
deux femmes sans aucun féminisme stupide (je ne vois guère, dans un tout autre genre littéraire, qu'une comparaison avec Colette pour rendre compte de cet aspect).
J'insère trois citations, mais je pourrais en entrer des dizaines d'autres, et finalement tout le roman…
A l'heure où nos féroces manadjeurs et mortifères politicards rêvent de convaincre les personnes âgées de s'effacer discrètement par auto-euthanasie (dissimulée derrière le sempiternel mourir dans la dignité) pour alléger les coûts, ce texte représente un (dernier ?) brûlot d'humanité.
A mettre d'urgence entre toutes les mains.