J'ai lu ce livre il y a longtemps déjà et mon avis ne sera donc pas de toute première fraîcheur. J'en garde un souvenir très faiblement enthousiaste car j'ai trouvé le ton très, trop, journalistique et le fond pas très consistant. On ne sort guère du registre de l'anecdote.
L'essentiel de l'ouvrage repose sur deux expériences principalement : l'une avec une guenon chimpanzé nommée Washoe à qui l'on a enseigné l'AMESLAN (AMErican Sign LANguage), c'est-à-dire le langage des signes, version américaine au moyen du "modeling" qui consiste à modeler la main du singe pour lui faire adopter le bon geste.
L'autre avec la femelle Gorille nommée Koko et qui a, elle aussi, reçu un enseignement en langage des signes, mais je crois, de mémoire, basé tout d'abord sur la manipulation de mots objets (pas très différents des petits biscuits secs qu'on fait avec les enfants et qui ont des formes diverses et " évocatrices ").
Dans les deux cas, ces grands singes anthropoïdes étaient élevés dans un environnement tel qu'elles pouvaient être assimilées aux enfants de la famille.
Le bain langagier était donc permanent.
Le niveau de compréhension de la langue orale atteint était comparable à celui d'un enfant d'une petite dizaine d'années (disons 7 ans même si la notion de capacité langagière suivant l'âge chez l'enfant est elle-même très floue) tandis que la production langagière restait un peu plus pauvre, notamment en comparaison des enfants sourds muets à qui l'on enseignait le même langage.
Évidemment, un résultat sur deux individus ne signifie strictement rien, mais il donne une vague idée des potentialités langagières qui étaient l'objet de l'étude sur le long terme.
J'en retiens personnellement deux éléments intéressants : l'un concernant Washoe qui s'est montrée capable de créer de nouveaux mots à partir de ceux qu'elle possédait dans son lexique ainsi que sa capacité, très proche de celle des humains, à isoler un caractère saillant d'un objet ou d'une personne pour lui attribuer un nom. En effet, ayant vu deux fois le journaliste
Eugene Linden avec un polo Lacoste, elle lui avait par la suite toujours donné le nom de " crocodile ".
L'autre élément captivant révélé par ce livre concerne lui la guenon Koko qui, interrogée par sa maîtresse après qu'elle eût fait volontairement un mauvais coup avait répondu par ces simples mots mais qui en disent long : " Koko méchante ".
Un telle réponse et une telle aptitude démontrent, s'il en était besoin, que beaucoup d'aptitudes prétendument " exclusivement humaines " sont en réalité bien présentes, à un stade plus ou moins développé chez d'autres espèces, ce qui tendrait à montrer que ce qui nous différencie tellement d'autres espèces, notamment les grands singes, n'est point tant le qualitatif que le quantitatif.
J'incline donc à penser que ceux qui mangent du singe sont des cannibales... Au demeurant, qu'est-ce que c'est que 7 milliards d'humains en comparaison de quelques centaines de gorilles et de chimpanzés ? C'est nous que l'on mange en les dévorant bêtement, nous, des êtres doués d'une capacité au langage et à la réflexion, soit disant, élaborées. Face au scandale de la " bush meat " (viande de brousse), Koko aurait sûrement dit : " Humains stupides ". Mais ceci n'est que mon avis de singe qui écrit, c'est-à-dire, pas grand-chose.