Cet étrange roman est présenté comme une description d'un documentaire et nous propose de nous interroger sur
L Histoire. Il mêle de manière perturbante la réalité et la fiction. La fiction n'étant que le moyen d'accès à la réalité, et ce que nous voudrions faux est vrai, tandis que ce que nous aimerions vrai est faux: il n'y a pas de machine à revoir le passé et
L Histoire, mais les horreurs de la guerre, les crimes contre l'humanité font bel et bien partie de notre histoire.
Par rapport aux romans occidentaux, on a un abord orignal puisque les héros sont d'origine asiatiques: chinois et japonais même s'il y a un contexte d'immigration américaine. J'ai apprécié cela car, si on prend l'exemple de la seconde guerre mondiale, en France, lorsqu'on l'étudie à l'école, on la fait démarrer entre l'Allemagne et la France ou au minimum en Europe mais d'autres abords sont possibles et notamment via l'Asie et le Pacifique où la guerre a débuté plus tôt. Ceci nous rappelle l'utilisation politique de l'Histoire et son interprétation par des êtres humains, il ne s'agit pas de faits gravés dans le marbre brutes d'interprétation, de lectures humaines.
Une machine a donc été inventée, elle permet d'explorer une unique fois le passé à nouveau. Des volontaires sont envoyés à l'époque de la seconde guerre mondiale observer les exactions de l'Unité 731 (unité réelle de médecins et scientifiques japonais qui ont pratiqué des expériences sur des chinois). Ces volontaires font partie des familles des victimes.
Là encore une question se pose en filigrane: à qui appartient
L Histoire? Au delà de sa perception et de son interprétation, est-elle affaire de sciences ou de ressentis, d'émotions, de vécus, de séquelles aussi?
Et encore au delà, l'idée, toujours présente, et pourtant qui commence à être démontée, que le monstre c'est l'Autre. le monstre c'est l'Allemand pour le Français par rapport à la seconde guerre mondiale, c'est le Japonais pour le Chinois etc. mais jamais nous. Ceci vient nous interroger sur nos rapport à l'autre, notre groupe par rapport aux autres groupes et à l'essentialisation nationaliste (le ceci, le cela, retirant l'unicité de l'autre qui n'est qu'un morceau d'un tout homogène). Mais comment faire face à un monstre qu'on ne peut pas atteindre?
"Le "monstre" vient par définition d'un autre monde, sans rapport avec le nôtre. Brandir ce terme revient à trancher les liens d'affection et d'angoisse, à affirmer notre supériorité, mais on n'apprend rien, on ne découvre rien. C'est simple et lâche. Je sais à présent qu'il faut s'identifier à un homme comme mon grand-père pour mesurer l'horrible souffrance qu'il a causée. Il n'y a pas de monstre. le monstre c'est nous."
Au final c'est un roman qui m'a fait mal mais que j'ai apprécié car je l'ai trouvé juste dans les questionnements qu'il propose et que je n'hésiterai pas à conseiller même si les thèmes qu'il aborde sont émotionnellement lourds.