—Elle dort chez toi ?
—Oui.
—Tu la sautes ?
Krysztov resta bouche bée.
—Tu plaisantes, j'espère ?
—Bah...Tu sais... Elle est belle , et toi tu es célibataire.
—Je suis surtout ton ami, espèce d'idiot !
—Ça, ça fait longtemps que j'ai compris que ça ne voulait rien dire. Si tu savais le nombre d'amis qui m'ont planter des couteaux dans le dos quand je suis parti de la DCRI, y compris des amis de vingt-cinq ans, des vrais, des purs, des « qui ne te trahiront jamais »...Tu tu te souviens de ces deux enflures de Marsac et Nevers , aux RG ? Ces grands humanistes, mes « meilleurs amis du monde », qui m'ont sodomisé jusqu'à la moelle dès que ça a commencé à sentir le roussi ? Pour sauver leurs fesses, ces merdeux ont piétiné vingt-cinq ans d'amitié et de beaux discours, sans même sourciller. Ils ont couru se réfugier sous les jupes de la DST, soudain devenu leur nouvelle « meilleure amie du monde», le tout en marchant allègrement sur la gueule. Il n'y a rien de tel que le fric et le cul pour détruire même les plus belles histoires d'amitié. C'est dans la nature humaine. C'est darwinien. Les gens sont fondamentalement égoïstes, question de survie.
Par les temps qui couraient, chaque apparition d'un client potentiel dans la librairie était une sorte de fête, mets les fausses joies s'accumulaient depuis que la vente de produits dérivés l'avait largement emporter sur celle d'authentiques bouquins. Lola vendait bien plus de plans de Paris, de posters, de bonbons et de tours Eiffel miniatures que de romans. La place de la Bastille avait beau être un emplacement de rêve, tenir une petite librairie indépendante dans la capitale relevait à présent du sacerdoce. Avec les conditions de plus en plus drastiques imposées par les distributeurs, la concurrence croissante de la vente par correspondance sur Internet, les cafouillis politiques sur le montant de la TVA et l'augmentation vertigineuse des loyers en centre-ville, les derniers libraires encore debout faisaient figure de survivant.