Un énième roman graphique...
Lora Lorente, autrice espagnole, y raconte une histoire empreint de réel : une femme de 34 ans revient dans sa maison d'enfance, où plane l'absence des figures maternelle et paternelle...
J'ai été pris d'intérêt par l'esthétisme de cette BD, au trait fourni et granuleux.
L'absence de polychromie, contrairement à ce que pourrait laisser penser la couverture, souligne cependant l'indigence du personnage principal et donne un ton plutôt terne à l'intérieur.
Pendant la première partie de cette BD, je dois avouer que je me suis un peu ennuyé... le rythme y est figé, comme pour mieux montrer l'immobilisme de
Mary Pain.
Probablement aussi que je manque de tolérance vis-à-vis des égo-fictions, courantes dans le marché du livre. L'abondance des planches nuit parfois à leur raffinement.
Pourtant, le travail de
Lola Lorente est colossal et elle a le mérite d'aborder des sujets intéressants, dans une perspective singulière, allégorique : le regard culpabilisant des bigots, les drames familiaux, l'aide aux soins qui n'est pas rémunérée, la sexualité, l'expropriation...
De plus, avec une figure féminine à la personnalité profonde, ronde sans être complètement empâtée, mais aussi très sensible, l'autrice casse les codes. Ses faux airs de Lolita, son déhanché insouciant, son look éclectique, mi-punk mi-princesse...
Mary Pain électrise son monde. Elle doit faire face à une flopée de problèmes... et pourtant, elle procrastine.
Toutefois, à partir du milieu de la BD, la narration s'accélère, prenant un rythme endiablé, qui évoque le sursaut de
Mary Pain. Il y a des surprises, autant dans le scénario que dans le cadrage des plans, osés, et dans l'esthétique un peu grasse, spongieuse, hypnotique... en un mot, underground.
Le corps charnu de
Mary Pain prend alors une dimension érotique, expérience nouvelle pour moi... comme du Crumb, mais en mieux. La touche féminine sûrement...
Finalement, je dois admettre que je suis touché par ce jeu irréel avec les fantasmes, mais aussi et de manière différente, les angoisses de
Mary Pain.