Pour moi,
Pêcheur d'Islande de
Pierre Loti est, avant tout, un souvenir d'enfance…
Ce roman figurait dans la petite bibliothèque de ma grand-mère, au pied de son lit. C'était un petit livre à la couverture souple, recouvert de papier kraft, avec le titre et le nom de l'auteur écrit d'une belle écriture à la plume sur une étiquette aux bords dentelés…
Je l'ai lu très jeune, l'avais trouvé beau et triste, vraiment TRÉS triste… J'avais déjà un grand sens du tragique et je me souviens toujours des dernier mots… Je ne les citerai pas ici pour ne pas divulgâcher le dénouement de ce magnifique récit.
Je viens de le redécouvrir grâce à une très belle et très fidèle adaptation radiophonique sur
France Culture.
Une intrigue très simple…
Yann est marin et il se proclame "fiancé à la mer". Il aime son métier par-dessus tout. de plus, il est fier et peu causant. Alors il hésite, parce qu'il est pauvre, à parler mariage avec Gaud, une fille d'armateur, un peu rêveuse, un peu étrangère, mal préparée à la vie d'attente de femme d'Islandais.
Gaud attend et espère qu'il va se déclarer…Il se décide à peine quelques jours avant le début de la nouvelle saison de pêche…
Une histoire de marins bretons qui vont pêcher la morue en mer d'Islande pendant les mois de printemps et d'été, quand il fait jour presque tout le temps ; on peut ainsi y travailler trente heures d'affilée dans des conditions épouvantables…
Pierre Loti décrit ces conditions de travail difficiles, sur de petits bateaux entre la saumure et l'océan. La pêche se fait à la ligne, les poissons sont éventrés, vidés et stockés au sel dans la soute… L'auteur connaît bien les conditions de navigation, ayant été marin lui-même et l'ensemble est particulièrement réaliste, nous plongeant dans l'espace réduit, au milieu des hommes, de leurs histoires, de leurs chants, des manoeuvres et de la fatigue… Il nous parle aussi d'amitié virile et de pudeur…
Pierre Loti évoque aussi les mois d'hiver sur la terre ferme, quand Paimpol fête le retour des hommes, quand on se fiance, se marie, fait des enfants qui naîtront quand leurs pères seront repartis…
Une histoire de solitude dans les landes et les villages bretons pour les femmes qui attendent le retour de leurs maris, fiancés, fils, petits-fils, frères… et pour les veuves et toutes les endeuillées qui n'attendent plus rien…
Il y a plusieurs attentes : l'attente délicieuse du bonheur à venir, l'attente nerveuse quand les premiers bateaux rentrent au port, l'attente anxieuse quand certains ne reviennent pas, l'attente désespérée quand il faut bien se résigner à l'irréparable…
Aux côtés de l'héroïne,
Pierre Loti donne la parole à toute une galerie de femmes de tous âges.
Un amour impossible (on se demande pourquoi…) entre Yann et Gaud, des atermoiements, une longue fréquentation, puis un bien court mariage d'à peine quelques jours avant le départ pour la campagne de pêche… Yann est taiseux, maladroit et Gaud bien discrète… Enfant, je ne comprenais pas leurs réticences, j'avais envie de les secouer un peu pour faire avancer leurs affaires, déjà sensible au charme du beau Yann.
Pierre Loti nous donne à lire les pensées intimes de Gaud, tout ce qu'elle ne montre pas, ses désirs, ses coquetteries, .sa patience…
Une rivalité entre les femmes et la mer qui prend les hommes et ne les rend pas toujours… Les descriptions des états maritimes sont le pendant des portraits de femme, comme une sorte de miroir. Ainsi, lors des noces, la mer se déchaine, comme attendant son tribut. L'élément liquide devient un personnage féminin à part entière, pourvoyeuse et prédatrice.
Je ne me souvenais pas vraiment de la participation de Sylvestre à la guerre du Tonkin… Pourtant, encore une fois, j'ai retrouvé les mots exacts qu'il prononce quand il est mortellement touché. Cet ancrage historique, avec la description des champs de batailles, met la barbarie des hommes en parallèle avec les dangers de la vie en mer.
Un roman qui m'avait profondément impressionnée.
Un récit magnifique, cruel.
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