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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'intrigue se déroule à Bologne sur une courte période, débutant quelques jours avant Noël. Nous sommes en 1953. Une femme a été assassinée dans un petit appartement. La voisine qui habite l'étage situé au-dessous a prévenu la police.

La victime est Stefania, l'épouse du professeur Cresca, victime quelques mois plutôt d'un étrange accident qui a causé également la mort d'un enfant. On fait appel aux lumières du commissaire De Luca, plus ou moins sur la touche car policier durant la seconde guerre mondiale, donc suspecté de collusion avec les fascistes…

Il est assisté dans son enquête par un jeune policier, Giannino, féru de jazz et on va suivre le duo à un concert où ils vont rencontrer une jeune femme dont la voix ressemble à celle de Lena Horne.

J'ai beaucoup aimé me retrouver à cette époque si particulière : la seconde guerre mondiale n'est pas si loin, la guerre froide bat son plein, on ne sait plus qui espionne qui et on a la gâchette facile… il y a des règlements de compte dans l'air, des policiers ripoux…

Bologne, dans le froid de l'hiver : il neige et il faut bien dire que le chauffage n'était pas particulièrement au point à l'époque. L'atmosphère est glauque, et les méthodes d'investigation limitées, les experts n'étaient pas encore entrés en scène.

Quel plaisir d'arpenter ses rues où l'on peut se faire trucider à tout instant, sur fond de jazz et de musique italienne, de belles brunettes, aux jambes divines qui aiment bien se déplacer pieds-nus, et surtout notre belle chanteuse Claudia, alias Facetta Nera, dont notre commissaire s'éprend au passage… sur fond de cuisine italienne qui fait saliver alors que De Luca est quasiment anorexique et soigne son insomnie à la caféine (ah les vertus de l'expresso !)

De Luca, ex-commissaire qui pourrait le redevenir, que l'on appelle Ingénieur, est un personnage sympathique et attachant qui met un point d'honneur à résoudre une enquête plombée d'avance, sous les ordres du commandeur d'Umberto qui s'empiffre de bomboloni, sorte de beignets à la crème, plutôt du style barbouze, ripoux comme on veut…

Carlo Lucarelli multiplie les pièges, les fausses pistes jusqu'au bout du roman pour notre plus grand plaisir. Il nous offre au passage des coupures de journaux de l'époque de la guerre froide, ce qui intéressait la population à cette époque pour nous donner le temps de souffler un peu entre deux coups d'accélérateur sur la belle voiture de Giannino dont la « conduite sportive » comme disent les djeuns donne souvent le tournis.

C'est la première fois que je lis un polar de Carlo Lucarelli et cela me donne envie de continuer à explorer son univers. Son style est plaisant, ses réflexions sur le démenti plausible, ou le crime parfait ou perfectible ou encore la manière de « gérer l'imperfection » ou ses comparaisons avec les différentes races de chien pour étiqueter les flics, les ripoux, ceux qui sont doués…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Metailié qui m'ont permis de découvrir ce roman ainsi que son auteur.

#Uneaffaireitalienne #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Giallo alla bolognese.
Nous avons connu cette série ancrée dans la République de Salò, puis dans l'après-guerre (Carte blanche,'L'Eté trouble et Via delle Oche).
Nous somme en 1953, le commissaire De Luca n'est plus en odeur de sainteté. Cantonné à des tâches subalternes, il est réintégré sous une fausse identité pour enquêter en sous-marin sur l'assassinat de l'épouse d'un universitaire .

Intrigo italiano. Il retorno del commisario De Luca.est un giallo classique, dont on suit l'intrigue avec un peu de distance. Se détache plutôt de ce roman noir la figure de Claudia une jeune femme métisse, fille d'un Bolonais et d'une Abyssine , qui a grandi en Italie, travaillé comme repiqueuse dans les rizières ambiance Riz amer de Giuseppe de Santis , combattu avec les Partisans dans les montagnes, et qui chante désormais dans les clubs de jazz en rêvant de faire un disque et de se présenter au festival de SanRemo.
Se détache également, et c'est là que Carlo Lucarelli donne la pleine mesure de son talent de romancier , le portrait d'un pays portant encore les séquelles de la guerre, mais en pleine mutation sociale - l'Affaire Wilma Montesi est en train se secouer le pays-, culturelle -l'American Way of Life, le jazz- et surtout politique, le pays entrant de plein pied dans le jeu de dupes que mènent les Etats-Unis et l'URSS en Europe comme partout ailleurs.

De Luca toujours aussi investi, intellectuellement et affectivement dans ses enquêtes, va devoir louvoyer et apprendre de ces nouveaux enjeux politiques et stratégiques différents de ceux avec lesquels il avait dû composer sous Mussolini.
Une Affaire italienne semble donc marquer un tournant dans l'existence pourtant riche du commissaire De Luca, comme dans celle de la politique internationale de l'Italie, à suivre dans Peccato Mortale et L'inverno più nero.

Je remercie les éditions Métailié pour l'envoi de ce roman noir reçu dans le cadre de l'Opération Masse Critique Mauvais Genres.
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Rien de tel qu'un bon polar pour l'été.

Ici le personnage principal est un drôle de flic, De Luca, qui enquête incognito sur le meurtre d'une femme, assassinée dans sa baignoire, du sang partout dans l'appartement.
Le récit s'ouvre sur un accident de voiture. Notre héros est à bord, son lieutenant conduit sur une route italienne dangereuse sous la neige. Va-t-il mourir ?

Il n'est pas officiellement en mission – on comprendra pourquoi plus tard, son passé pendant la période fasciste n'étant pas reluisant. Pour le moment nous sommes à Bologne en 1953 et il fait froid.

De Luca doit déjouer de nombreux pièges et se concentrer sur l'enquête. Il a des indices, notamment ce jeune garçon, qui vit un étage plus bas que l'appartement où a été commis le meurtre, et qui a croisé un homme à tête de monstre : l'assassin peut-être ?
Mais il y a plein de chausse-trappes et De Luca doit déjouer les pièges pour rester en vie.

Et puis il y a le jazz, et cette rencontre improbable avec la belle chanteuse. Celle-ci a plusieurs identités : Facetta Nera, en référence à sa peau brune, mais aussi Claudia. Elle rêve de devenir une vraie chanteuse de jazz et de faire un album. Mais son Manager, ou bien celui qui la soutient dans ses démarches, est retrouvé pendu subitement : faut-il voir l'action de tête de monstre ?

Très documenté sur la période post-fasciste, le décor est très bien planté et l'intrigue bien cousue.
Nous sommes aussi en pleine guerre froide, et on découvre au fil de l'enquête qu'il y a de liens obscurs entre l'Italie et la Russie …

Carlo Lucarelli mène son affaire italienne avec talent, et nous le suivons avec plaisir, jusqu'au rebondissement final.
Un bon bol d'air frais qui nous replonge quelques années en arrière pour une équipée qui en vaut la peine : AVANTI !
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Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Bologna insanguinata. Bologne la sanglante. Dans la garçonnière d'un homme mort dans un accident de voiture deux mois auparavant, le corps de son épouse est retrouvé. Nue, noyée dans une baignoire, Stefania Cresca a reçu aussi des coups à la tête. Son sang tapisse une scène de crime marquée par des vinyles de jazz répandus par terre et brisés, et par de sérieux indices qui montrent que l'on a utilisé la machine à écrire au moment du meurtre. Les fêtes de fin d'année approchent, le froid et la neige parcourent les rues bordées d'arcades de la capitale de l'Emilie-Romagne. Pour enquêter discrètement, Rome envoie un homme au profil très particulier. Giovanni de Luca, aidé du jeune bellâtre Giannino, est chargé de faire la lumière sur une affaire bien sombre. Ancrant son Affaire italienne dans une Italie encore tourmentée par les années de guerre, Carlo Lucarelli reprend les codes du noir en leur donnant une teinte transalpine très marquée. Il réussit ainsi à lui donner une ambiance aussi hivernale que lumineuse.

L'année 1953 se termine, et avec elle les évènements marquants : la mort de Staline, l'accession au trône britannique d'Elisabeth II, la fin de la guerre de Corée. L'Italie est encore en reconstruction, car le fascisme a laissé de fortes traces. Pas tant dans les bâtiments, d'ailleurs : la piazza Maggiore est superbe, la porte Saragozza a tenu le coup ; les traces du fascisme sont plutôt à chercher dans le coeur des hommes et des femmes qui se sont battus, dans un camp ou dans l'autre, une décennie plus tôt. Sans être trop précis à ce propos, Lucarelli laisse entendre que De Luca a aussi joué son rôle. En tant que commissaire, il a servi dans la police politique fasciste. Dans les regards d'inconnus croisés dans la rue, il sent encore la suspicion qui pèse sur lui : celle d'avoir servi, un jour, dans le camp des oppresseurs. A vrai dire, le monde a changé et n'a pas changé en 1953. La police italienne est toujours marquée par l'empreinte mussolinienne et ses méthodes de barbouzes. D'un autre côté, c'est désormais la guerre froide entre Américains et Soviétiques qui définit le paradigme politique de l'époque. A Bologne se jouent les mêmes jeux d'influence qui opposent capitalistes et communistes, CIA et KGB ; intellectuels et policiers ont à choisir et un mauvais choix peut rapidement mener dans une impasse, ou à la mort. Dans une Bologne surnommée la rouge (Bologna la rossa), la nouvelle vision du monde a forcément un peu plus d'importance qu'ailleurs. Ce contexte politique et historique n'est pas seulement une toile de fond. Lucarelli personnalise l'ancien et le nouveau rapport au monde : la chanteuse, Claudia, a appartenu aux partisans italiens luttant contre les fascistes tandis qu'Aldino, le pharmacien jazzman de bas étage, fricote avec les Soviétiques. Lorsque la plaie est encore vive, tout ce qui y bouge a tendance à brûler un peu.

En réalité, on pourrait se demander si Carlo Lucarelli veut vraiment résoudre l'affaire qu'il propose. Si l'affaire piétine sérieusement, c'est bien sûr parce que les indices comme les témoins viennent à manquer très rapidement. Mais l'auteur a peut-être aussi sa part de responsabilité. Tout cela n'est-il alors qu'un grand voile d'apparence, tendu par le narrateur, pour nous faire voir à travers ce qu'il veut réellement nous montrer ? Apparence d'une scène de crime sordide, où rien ne colle vraiment : pourquoi a-t-on utilisé la machine à écrire au moment du meurtre ? Pourquoi les affaires de la victime ont-elles disparu ? Apparence d'une équipe d'enquêteurs : pourquoi De Luca se fait-il appeler Morandi, et pourquoi l'appelle-t-on ingénieur, et non commissaire ? Pourquoi lui avoir imposé la présence de Giannino, beau parleur et certes fin connaisseur de la ville, mais sans réelle expérience policière ? Pourquoi demander à de Luca de faire la lumière sur le meurtre de Stefania Cresca et pas sur les autres morts suspectes, à commencer par celle de Mario Cresca ? Et pourquoi D'Umberto, le chef de service, ne semble-t-il pas accorder une grande importance à la résolution des crimes ? Les apparences sont parfois trompeuses. Avec son Affaire italienne, Carlo Lucarelli livre un semblant de roman noir.

Il est paradoxal que le roman, écrit dans une langue simple et dynamique, produise à la fois deux ambiances contradictoires. L'une est hivernale, à cause de la saison décrite, à cause du froid qui engourdit les membres, provoque les quintes de toux et oblige à chauffer les chambres au poêle à bois. L'autre est lumineuse, car c'est une Italie riche et délicate qui est décrite. Sans doute l'ambiance musicale - car l'époque est au jazz venu d'Amérique - réchauffe-t-elle aussi, et cette musique d'espoir porte sans doute en elle les promesses d'un pays renouvelé. Mais Bologne n'est pas que rossa ; elle est aussi dotta et grassa, docte et grasse, elle promet les nourritures pour l'âme et le corps. du plat de grenouilles frites aux tortellini en passant, même, pour l'austère De Luca, au café noir, c'est une Italie douce et presque maternelle qui apparaît, loin des horreurs des hommes. Il y a enfin ce goût du beau, que rendent les pages des magazines féminins de mode, que démontrent les lignes élégantes de la Lancia Aurelia de Giannino, que matérialisent les costumes sur mesure et les chaussures cirées du même Giannino. Une Affaire italienne est un roman noir égayé de quelques couleurs. Ce sont les belles choses - un plat parfumé et rassurant, une carrosserie racée et nerveuse, la passion naissante entre un obscur inspecteur et une lumineuse chanteuse d'origine éthiopienne - menacées par des mains invisibles : c'est l'innocence à peine retrouvée et déjà menacée.
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A la bolognese

Toujours beaucoup de plaisir à suivre la belle écriture de Carlo LUCARELLI.

Nous sommes à Bologne, hiver 1953. le roman débute sur un accident de voiture qui laisse la vie de notre héros, l'énigmatique commissaire De Luca, en suspens.
Flash-back : De Luca, mis à l'écart pour n'avoir pas combattu fascisme et nazisme, a été rappelé dans le plus grand secret pour élucider le meurtre de Madame Stefania Cresca dont le mari a, lui-même, été victime d'un accident de voiture.

L'ambiance est noire : énigme policière ou affaire d'espionnage ? Nous sommes dans les années 50, URSS, USA, la guerre froide fait rage et le meurtre, « la sortie de scène », est la solution de facilité pour éliminer celles et ceux du camp adverse ou de son propre camp.
C'est dans ce climat trouble que notre commissaire anorexique va traîner sa silhouette, exercer son esprit acéré pour démêler des fils d'autant plus embrouillés que s'y noue une histoire d'amour au rythme du jazz et de la variété italienne.

Carlo LUCARELLI a su rendre cette ambiance noire et opaque propre aux histoires d'espionnage de cette période. L'histoire forcément compliquée fait la part belle aux pièges, chausse-trappes, dissimulations, révélations contradictoires… La raison s'y perd pour mieux s'attacher aux personnages qui offrent, à leur tour, plusieurs visages; et en particulier, De Luca, à chaque fois habité de façon obsessionnelle et quasi animale par son enquête et les pistes à suivre.



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Noël 1953, une enquête déroutante, le choc d'anciens et de nouveaux mondes, et déjà les prémisses des menées politiques souterraines qui mineront l'Italie pour trente ans : la quatrième affaire du commissaire De Luca.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/11/08/note-de-lecture-une-affaire-italienne-carlo-lucarelli/

Star de la brigade criminelle sous Mussolini, imprudent, contrairement à nombre de ses collègues moins obsessionnellement enquêteurs policiers que lui, dans la préparation de la suite politique de l'effondrement de l'empire du Duce, le commissaire De Luca a été très soigneusement placardisé depuis plusieurs années déjà, après avoir été blanchi officiellement pendant son procès. Il est pourtant sorti soudainement, à sa grande surprise, de ses tours en rond chez lui à Rome pour une enquête officieuse à Bologne, fort délicate et semblant minée dans plusieurs directions à la fois. Associé au jeune Giannino qui doit aussi le chaperonner du côté de la police, le voici donc tentant de résoudre les aspects les moins évidents du meurtre de Stefania Mantovani, veuve Cresca, deux mois après le décès de son mari dans un accident de voiture, veuve retrouvée battue et noyée dans la garçonnière de celui-ci.

Publié en 2017, superbement traduit en français en 2021 par Serge Quadruppani chez Métailié, le quatrième roman mettant en scène le commissaire De Luca permet à Carlo Lucarelli de se pencher à présent sur l'Italie des lendemains presque immédiats de la deuxième guerre mondiale, après avoir utilisé celui qui est nettement l'un de ses personnages favoris pour hanter l'Italie fasciste (en plus du roman indépendant « Enquête interdite » de 1993), laissant à ses protagonistes Grazia Negro (dans « Loup-Garou », « Almost Blue » ou encore « Meurtre aux poissons rouges ») et Coliandro le soin d'arpenter une Italie plus contemporaine, et à ses fidèles Colaprico et Ogbà celui de nous plonger dans l'Abyssinie italienne de la colonisation (« Albergo Italia » et « le temps des hyènes », en plus du bouleversant roman indépendant « La huitième vibration » en 2008).

Cette Italie de Noël 1953 (qui servait déjà de cadre au somptueux « 54 » de ses collègues et amis du collectif bolognais Wu Ming), Carlo Lucarelli l'aborde avant tout sous l'angle double des bouleversements existentiels (existentialistes pourrait-on presque dire, en tenant compte de l'omniprésence du jazz et des philosophes français de l'époque dans l'arrière-plan de la narration) liés à l'irruption d'une certaine modernité alors qu'il y a à digérer socialement et politiquement vingt-cinq ans de fascisme qui ont bien du mal à « passer », et des compromissions et corruptions déjà en forte gestation, non pas du tout sous l'angle mafieux qui explosera quelques années plus tard (en une construction rampante superbement analysée, chacun de deux manières bien différentes, par le romancier Roberto Saviano de « Gomorra » et par le juge Roberto Scarpinato de « le retour du Prince – Pouvoir et criminalité »), mais sous celui de l'anticommunisme forcené et de l'atlantisme tout aussi absolutiste qui caractérisera longtemps une certaine démocratie-chrétienne italienne installée aux affaires – avec son sombre potentiel de dérive vers une extrême-droite complotiste renouvelée, dont la loge P2 deviendra plus tard l'un des points de ralliement, au moment d'engendrer les « années de plomb » -, les deux « phénomènes » apparaissant néanmoins largement liés analytiquement.

Le talent du romancier de « noir » (de « jaune » en l'espèce : on n'hésitera pas ainsi à parcourir l'excellent « L'Italie en jaune et noir » pour s'en faire une idée plus complète), talent que Carlo Lucarelli exerce au plus haut niveau, y compris sous ses dehors les plus bonhommes, à l'instar de feu son compère Andrea Camilleri, est bien de nous plonger dans une réalité socio-politique complexe, enchevêtrée et sauvage, au milieu des avidités déchaînées et des désirs délétères, par le truchement d'une intrigue policière profondément humaine (même lorsque cette humanité revêt les abords frugaux et décharnés chers à un Jean-Patrick Manchette) : « Une affaire italienne » en est une parfaite illustration, et une belle réussite.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Dans l'édition italienne, ce roman porte le sous-titre « Il ritorno del commissario De Luca ». De Luca est de retour, Carlo Lucarelli nous a laissé sans nouvelles de son commissaire pendant presque vingt ans !

Décembre 1953, De Luca est de retour après avoir été mis sur la touche en 1948. Une mission officieuse lui est confiée à Bologne par la Brigade criminelle de la Questure locale : élucider le meurtre de Stefania la jeune veuve du professeur Mario Cresca. le cadavre a été découvert dans la garçonnière de son défunt mari. Un véritable bain de sang que De Luca saura décrypter comme il réussira à faire parler les voisins qui soit disant n'ont rien vu ni rien entendu. De Luca est resté un flic extraordinairement perspicace.

L'Italie n'en finit pas d'attribuer des titres, une tradition séculaire et cela fait sourire, De Luca a été en disgrâce, il n'est plus « dottore » et a été rétrogradé en « ingénieur ». le mari de la victime était « professeur » mais ce titre n'avait pas de réelle valeur, Mario Cresca s'intéressait à la musique et il est mort dans un accident de voiture qui ne manque pas d'intriguer De Luca et son fidèle Pugliese qu'il retrouve affecté à la Police routière, une voie de garage.

Il plane un air de jazz sur ce roman. Orchestres, salles de spectacles, boîtes de nuit et belle chanteuse. Claudia, une envoutante métisse ( sa mère est originaire d'Abyssinie ) a appris à chanter en repiquant le riz, elle a été partisane, elle espère un contrat de chanteuse de jazz. De Luca a besoin de son aide dans une enquête où se mêle espions soviétiques et trafics de substances illicites.

A l'aube de l'année 1954, l'Italie change, à l'image de Giannino, le jeune inspecteur attaché aux basques de De Luca pour le surveiller, une tâche qui le dépasse et il finit par s'attacher à ce flic efficace et énigmatique. Giannino, c'est la jeunesse italienne, fils de bonne famille, insouciant, coiffé à la brillantine et décomplexé au volant de sa puissante Lancia Aurelia B20. Un visage de l'Italie bien différent de ses vieux démons avec une police gangrénée par des factions sans scrupules, un communisme très présent et que leurs opposants politiques mettent en travers de tout ce que l'Occident, les USA en tête, peuvent apporter à l'Italie. Désormais la Guerre froide divise le monde et l'Italie n'échappe pas à la règle. Cet état d'esprit se retrouve dans les extraits de presse cités par Carlo Lucarelli, habiles et instructifs liens entre l'Histoire et le polar.

Il n'y a pas de temps mort dans ce court roman, une constante de l'auteur pour cette série. De Luca est un flic hors norme, obsédé par la recherche de la vérité, quand il enquête plus rien ne compte, il ne mange plus, se nourrissant seulement d'un peu de café, même fatigué il dort peu, préférant étudier photos et dossiers. Tout à un sens, le scénario et les personnages, tout sert à dresser un portrait juste de l'Italie et pour illustrer l'héritage des années de fascisme. le fascisme, l'auteur n'en parle presque pas, il n'est certainement pas oublié et ne peut pas avoir disparu comme par enchantement. le sens de ce roman amène à s'interroger sur la vérité et le pardon et la limite à construire entre la vérité à oublier et celle à condamner.

Carlo LUCARELLIUne affaire italienne . Titre original « Intrigo italiano » ( Italie - 2017 ). Traduit de l'italien par Serge Quadruppani pour les Éditions Métailié ( parution février 2021 ). ISBN 979-10-226-1101-5
Lien : http://mille-et-une-feuilles..
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J'ai découvert avec grand plaisir Carlo Lucarelli avec ce roman policier d'atmosphère se déroulant dans la Bologne du début des années cinquante.

La bibliographie de l'auteur, journaliste d'investigation, scénariste et animateur télévisé italien Carlo Lucarelli (1960) est impressionnante: quatre séries de romans policiers, une dizaines d'autres romans, une multitude de nouvelles, des essais et même des bandes dessinées! Treize de ses romans ont à ce jour été traduits en français. Une affaire italienne (2021) est le quatrième opus d'une série policière consacrée au commissaire De Luca, l'un des meilleurs enquêteurs d'Italie sous le régime fasciste.

Ecrit vingt ans après les trois premiers volets qui se déroulaient entre 1945 et 1948, Une affaire italienne signe le retour du commissaire De Luca, désormais ex-commissaire. Depuis qu'il a été mis sur la touche cinq ans auparavant, il officie en sous-marin et sans accréditation officielle. En cette fin décembre 1953, il revient incognito à Bologne où il a été détaché pour aider la police locale à résoudre le meurtre de l'épouse d'un éminent professeur d'université, retrouvée noyée dans la baignoire de la garçonnière de son mari disparu dans un tragique accident de la route deux mois plus tôt. Entre l'ex-collègue qui travaille à la truelle, son très jeune associé, un beau parleur féru de jazz, un « grand gosse », « manipulé et exploité mais malin » qui lui révèlera une réalité dérangeante, une belle chanteuse d'origine érythréenne et certains de ses supérieurs au comportement plus que douteux, rien ne sera épargné à De Luca dans sa quête pour la vérité.

Carlo Lucarelli nous plonge de façon très réaliste et immersive dans la Bologne de la fin de 1953 et du début de 1954 et excelle à restituer non seulement la grisaille et le froid hivernal mais également le contexte politique et historique d'après-guerre. Si la société italienne est en reconstruction et en pleine mutation sociale comme le démontrent les coupures de presse des différents journaux et magazines dont l'auteur agrémente l'enquête, elle n'échappe pas aux règlements de compte et aux jeux d'influence liés à la Guerre froide. Les services secrets soviétiques ne sont jamais loin.

Parallèlement, les personnages de Lucarelli prennent du bon temps dans les clubs de jazz qui investissent la ville et ne se privent jamais de s'arrêter pour savourer les divers mets de la cuisine italienne. Tous sauf notre ex-commissaire qui, tourmenté par le poids du passé, carbure à l'espresso à défaut de s'alimenter. Mais s'il est maigre comme un clou, cela ne l'empêche pas de séduire…

J'ai beaucoup aimé cette plongée très visuelle et immersive dans la Bologne de l'après-guerre, entre musique, gastronomie et magouilles politiques. Je me réjouis de découvrir la trilogie publiée au début des années 1990 (Carte blanche, L'été trouble et Via delle Oche) qui est, fort heureusement, disponible à la bibliothèque municipale. Quant aux cinquième et sixième volets de la série, ils sont parus en Italie en 2018 et 2020.



Lien : https://livrescapades.com/20..
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