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3,63

sur 91 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  

Mélissa Lucashenko a le sens de l'humour et beaucoup d'esprit, pas de pathos et pourtant ce livre raconte lui aussi l'effort d'acculturation, le vol des terres, la séparation parents-enfants. J'aime beaucoup son style et ce mélange de mots aborigènes qui facilite l'immersion dans cet univers.
Je viens de passer quelques jours dans l'Outback Australien, à Durrongo, un beau voyage ainsi qu'un énorme coup de coeur.
C'est une histoire de haine, de racisme où la souffrance d'un jeune homme va atteindre toute une famille.
« Owen survécut au châtiment qui suivit sa victoire. Il rentra chez lui en héros, sonné par cette violence d'un nouveau genre qu'il y avait dans le monde, et refusant net de répondre aux questions de M. Lewis sur son visage défiguré, ses jambes ensanglantées. Il avait compris très tôt ce soir là que le prix à payer pour sauver sa peau serait le silence. Et quand Owen finit par mourir, très vieux, dans une maison loin là-bas dans le sud, sept décennies d'agonie étaient emprisonnées en lui, maintenues tout au fond par l'alcool, une fierté à toute épreuve et divers actes d'une grande cruauté que sa famille ne parviendrait jamais vraiment à oublier.»
Avec le clan Salter c'est explosif, tous sont extravertis et les relations conflictuelles. À chacun ses cicatrices, nous saurons tout au fur et à mesure. Ce clan est capable du meilleur comme du pire mais ce regroupe très vite pour faire face aux whitefellas (hommes blancs).
Quand Kerry retourne chez elle, sa petite amie vient de la jeter pour cause de prison et elle doit se cacher de la police. Pour tous bagages, elle a sa moto et le butin. Kerry est mon personnage préféré, elle est tout à la fois le témoin de sa famille bien spéciale dont elle tire des leçons qu'elle ne suit pas forcément. Elle monte vite au créneau, dépasse les limites, sort avec un dugai, Steve, un écossais connu au collège.
« Sa langue trop bien pendue, son problème depuis toujours. Et plus elle vieillissait, plus elle avait du mal à garder ses opinions pour elle. L'avalanche de conneries déferlant sur ce monde l'aurait noyée, si elle n'avait rien dit ; le moins qu'elle pouvait faire, c'était exprimer sa colère. Passer une bonne soufflante à tous ces connards, puis leur tenir tête ou bien se tirer en courant. »
C'est aussi la découverte de la nature, des totems, d'un peuple qui tente de conserver ses racines et de les transmettre aux autres malgré l'alcool, la drogue, la misère, il y a beaucoup d'entraide.
Il vous faut aussi découvrir l'histoire d'Elvis ce membre de la famille si spécial.
Les révélations finales donnent à réfléchir mais je n'en dirai pas plus.
Celle qui parle aux corbeaux est le deuxième roman de la collection Voix autochtones éditions du Seuil.
# Cellequiparleauxcorbeaux #NetGalleyFrance
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J'ai aimé lire ce livre, je le conseille fortement, mais c'est sans doute parce que j'ai aimé le lire que je n'ai pas envie de le décortiquer.
Il se dégage une force et une puissance intenses de ce récit.
Brutal ? Rude ? Oui ! Parce que ce qui a été vécu par les générations d'aborigènes est rude et brutal, que ce soit les grands-parents (Pop), les parents (Pretty Mary) ou les enfants. Comme si cela ne suffisait pas, de jeunes enfants sont encore victimes de violence, comme Brandon, adopté par Black Superman (un des fils), toujours susceptible d'être enlevé à ses parents adoptifs si son comportement ne devient pas rapidement celui qu'on attend d'un enfant.
L'une des forces de ce récit est que le personnage principal est tout sauf sympathique de prime amour. Kerry n'a pas vu sa famille depuis un an, elle est plus ou moins en fuite, sa compagne est en prison et vient de rompre avec elle. Kerry semble tenir à deux choses : le fait d'être aborigène et de ne pas sortir avec quelqu'un qui ne l'est pas, et être lesbienne. Une forme de protection ? Peut-être. Ken, son frère aîné, lutte contre de multiples démons. Black Superman est celui qui a réussi – même s'il a morflé aussi parce qu'il est gay. Reste Donna, la soeur disparue depuis vingt ans, et depuis vingt ans, Pretty Mary, leur mère, se demande dans quel coin de terre repose sa fille – ou bien si elle respire encore.
Kerry, disons bien les choses, ne voit pas tout, ne comprend pas tout, et pour elle, quand la parole se libérera enfin, ce sera comme si tout ce qu'elle avait vu, et pas forcément bien interprété, trouvait enfin son véritable sens. Rude, encore une fois.
A vous de voir si vous souhaitez découvrir ce roman.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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« Oh, il savait manier le fouet, ce vieux mulaga. Il pouvait vous arracher l'oeil de la tête du premier coup - il était connu pour ça. Y avait pas mal de Goorie borgnes dans le coin, à l'époque. Cracker Nunne, on l'appelait, tellement il faisait craquer la mèche de son fouet.
Cracker Nunne, crièrent les corbeaux, excités. Cracker Nunne, Cracker Nunne. »

Celle qui parle aux corbeaux, Melissa Lucashenko @editionsduseuil #voixautochtones

Voici le deuxième livre publié par les @editionsduseuil dans la collection Voix autochtones, et cette fois c'est la voix des Aborigènes d'Australie qui s'élève pour faire entendre son histoire, sa vérité!

Un récit poignant, une plume dure, grinçante, sans filtre, une voix authentique qui transmet au mieux la réalité telle que vécue par les autochtones…

« Oh ! ceux-là. Les gros ploucs avec leur drapeau australien sur le portail et la bannière confédérée des esclavagistes sur leur Ford F-100. Des whitefellas. Avec des coups de soleil sur leurs vieux tatouages dégueulasses. Des yeux bleus de poissons bouillis contemplant, aveugles, un ciel mort. Ne pigeant rien à rien, sauf quand ça les concernait ou leur appartenait. Mais normaux, par ailleurs. Super, super normaux. Les whitefellas étaient partout dans ce comté, partout où elle allait. Ce n'était pas Logan ici, c'était Durrongo, où les peaux sombres se faisaient rares et espacées les unes des autres, et où les sauvagesnormauxblancs régnaient en
maîtres. »

Elle n'est pas belle la réalité, le racisme à l'égard des peuples premiers est toujours d'actualité, l'inégalité, la misère et la violence le sont aussi!

« C'était toujours un peu la honte d'expliquer comment vivaient les blackfellas. Même quand les dugais vous croyaient, ils étaient pleins de putains d'idées de génie à la noix sur comment se hisser hors de la misère. Comme si c'était simple. Comme si ça n'arrangeait pas les autorités de laisser les pauvres tâtonner dans leur merde, de détourner leur attention de toutes les bonnes choses scintillantes du monde riche, au cas où l'idée leur viendrait de s'en approprier une partie. »
À travers l'histoire de la famille Salter se dévoile non seulement les origines de la dépossession des Aborigènes, mais aussi le quotidien des communautés de nos jours, leurs vicissitudes, leurs combats, leur quête de respect, de reconnaissance, d'émancipation…

« Et la Harley était bien la seule foutue chose plus ou moins stylée à Durrongo, le seul élément ici qui ne trahissait pas la misère et le désespoir. La seule et unique chose qui disait à Kenny chaque matin, qu'elle avait réussi à se tirer vivante de ce trou du cul du monde, qu'elle n'était pas condamnée à vivre pour l'éternité dans ce coin paumé qu'elle avait fui à dix-sept ans. »

Naître blackfella n'est pas une sinécure! c'est grandir et tenter de trouver sa place dans un monde qui vous ferme ses portes comme si nous ne pouviez n'être qu'une seule chose: un paria!

Avec un humour grinçant, une écriture brute et crue, des personnages authentiques, l'autrice nous présente ici un échantillon de la vraie vie des peuples autochtones…

« - Ouais, bruz, ça c'est la vérité, lança Ken à Black Superman, avant de s'adresser aux policiers : Vous autres, vous devriez les emmener à la ville, tous ces whitefellas qui traînent par ici. Leur montrer leurs sites sacrés - les centres commerciaux, les usines, tout ça.
- Et pour l'amour de Dieu, vous pourriez pas les aider à reprendre leurs anciennes coutumes? Organiser des ateliers sur comment pendre et écarteler les gens? Et brûler les sorcières !
Black Superman avait atteint son rythme de croisière.
- Rien de tel qu'un bon vieux bûcher pour rappeler à l'ordre un gosse blanc à problèmes !
Ils sauraient même plus comment s'y prendre pour utiliser les gens comme des esclaves dans leurs exploitations bovines, de nos jours, ajouta Pretty Mary. Faudrait que vous leur appreniez cet aspect-là, Nunny. Comment envahir les pays des autres et les assassiner, en appelant ça la civilisation… »

Un livre nécessaire!
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Plusieurs mois désormais que Kerry Salter n'est pas rentrée chez elle, à Durrongo, sa ville natale qu'elle a toujours voulu fuir, plus précisément son frère, Ken, paresseux alcoolique qui rejette la faute sur toutes et tous et maltraite psychologiquement son fils, bien décidé à se détourner de son paternel par une plongée sans fond dans les abysses des jeux sur PC, et sa mère, Pretty Mary, qui n'est plus la même depuis la disparition de Donna, la cadette, il y a désormais de nombreuses années. Mais il était temps pour Kerry de se mettre au vert, faisant la route sur une Harley-Davidson volée et transportant un sac rempli de dollars, résultat d'un cambriolage qui a mal tourné - enfin surtout pour sa petite-amie qui a, elle, été arrêtée. Alors le coup de fil maternel pour annoncer que Pop, le grand-père, n'en avait plus pour longtemps, tombe à pic pour un retour tonitruant au pays, avec en prime une petite discussion avec trois corbeaux qui donne le ton du retour au nid.
Pop, - ce que nous conte le prologue -, c'est Owen Addison, celui qui a combattu fièrement en 1943, celui qui ne s'est pas couché pendant un match de boxe, alors qu'il en connaissait déjà les conséquences, parce que non, un aborigène, bien que plus agile et puissant que son adversaire, n'a pas le droit de gagner un match contre un blanc.

Tant le prologue, qui nous présente Pop au faîte de sa gloire, que les premiers chapitres qui nous content le retour de Kerry chez elle, et les conséquences de ce retour, sur la famille, mais aussi sur elle-même, nous mettent devant le fait accompli : ce roman ne sera pas tendre à lire, s'inspirant de toutes les violences subies à partir de la colonisation anglaise de l'Australie, vécues par l'autrice ou des membres de sa famille, retrouvées dans des archives historiques, issues de récits oraux aborigènes - ce qu'elle précise en introduction -.

La vie est en effet rude, et l'a toujours été, pour les Salter, depuis qu'Ava, l'arrière-grand-mère, enceinte, s'est fait tirer dessus alors qu'elle tentait de s'échapper des mains de son "patron", survivant miraculeusement aux balles et à sa chute dans la rivière qui annonce une île, qui deviendra du coup familiale et qui portera son nom. La misère est omniprésente, les coups du sort aussi, mais c'est sans misérabilisme, et surtout avec beaucoup d'humour, de gouaillerie, de légèreté dans les moments les plus graves, de péripéties menées tambour battant, à l'image même de Kerry, que l'autrice nous décrit L Histoire aborigène australienne, des exactions, encore et toujours - c'est désormais l'île d'Ava qui risque d'être spoliée par le maire de la ville, et qui réunira la famille dans un combat contre le colonisateur blanc qui l'a toujours spoliée -, et des manoeuvres mises en place pour les déjouer ou y résister envers et contre tout.

C'est un roman riche, à l'énergie fulgurante, aux personnages attachants dans leur anti-héroïsme, aux piques cinglantes et pince-sans-rire qui critiquent sans ambages la colonisation australienne d'hier et ses conséquences, toujours d'actualité, sur les aborigènes, très agréable à lire malgré la dureté des évènements racontés - qui plus est lorsque l'on sait que la majorité des évènements se sont réellement produits -

Je remercie les éditions du Seuil et Babelio de m'avoir permis la découverte, et de Melissa Lucashenko, et de la nouvelle collection "Voix Autochtones" qui est plus que prometteuse. Je vais lire sous peu le premier roman publié dans celle-ci, Cinq petits indiens, pour confirmer, j'espère, cette première excellente impression.
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Nous voici en 2018, au fin fond d'un bled paumé, dans la Nouvelle-Galles du Sud, dans le bush australien. Kerry, 34 ans, revient chez sa mère après en être partie 17 ans plus tôt et n'y être que rarement retournée. Son grand-père est en train de mourir et elle est recherchée par la police pour vol.
Elle retrouve sa mère, qui se donne du courage en tirant les cartes, son frère aîné, rongé par la rage, le fils de celui-ci anorexique. A l'occasion de la cérémonie funéraire, elle retrouve également son autre frère qui est devenu fonctionnaire à Sydney. Au-dessus de cette famille aborigène, plane l'ombre de la soeur aînée, Donna, disparue alors qu'elle avait 16 ans, sans savoir si elle est morte ou pas. C'est alors que le maire blanc de la ville décide de vendre des terrains de la commune, sacrés pour la famille aborigène, pour construire une prison. Elle ne peut accepter ça.
L'auteure nous propulse dans un monde qu'elle connaît bien puisqu'elle est elle-même aborigène et dans une famille foutraque, atypique, dysfonctionnelle où la violence est le moyen de communication privilégié entre les adultes mais aussi entre les adultes et les enfants.
Elle nous fait découvrir ce qu'a pu être et l'est encore la vie des aborigènes sous la férule des colons blancs qui se sont accaparé leurs terres, les terribles conséquences individuelles et collectives de la violence subie par des générations. le racisme est bien sûr central dans ce roman : des blancs vis-vis des aborigènes et inversement avec, parfois, l'ambivalence de ceux qui sont exploités et veulent ressembler à leurs exploiteurs afin de sortir de leur condition.
La nature et les animaux sont très présents et sont un élément constitutif de la culture aborigène, les êtres humains s'intégrant à la vie sauvage sans la détruire et y retournant après leur mort.
Ce roman est foisonnant, dépaysant, débordant de vie, d'énergie mais aussi de rage. Il suinte la misère, le désespoir, l'échec mais laisse entrevoir de la lumière à la fin.
Le style est cash, le langage parlé, authentique, parfois ordurier sans que cela soit sur-joué, sans fioriture. J'ai regretté que les nombreux mots dialectaux, qui confèrent de l'authenticité aux dialogues, n'aient pas été expliqués en bas de page même si, pour certains, à force de les croiser dans différents contextes, on finit par en saisir le sens.
Une belle découverte que je dois à Babelio à travers une masse critique privilégiée et aux éditions Seuil que je remercie pour m'avoir emmenée là où je ne me serais peut-être pas aventurée.
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Kerry Salter revient dans sa ville natale Durrongo car son grand père est mourrant. Elle débarque sur une Harley volée, laissant derrière elle ,sa compagne Allie qui a écopé de cinq ans de prison pour un braquage .Le grand-père Pop git sur son lit médicalisé entouré par Pretty Mary la mère, Ken le grand frère ex sportif , habité par la colère ,une colère dirigée contre les blancs qui leur ont volé leurs terres, leur honneur. Il est revenu vivre chez sa mère,séparé de sa femme qui est partie avec deux des enfants il y a aussi Donny le fils aîné de Ken , ado maigre et mutique,passionné par les baleines. Pretty Mary a réussi apres de longues années d'alcoolisme à se séparer de sa bouteille,elle fait bouillir la marmite en tirant les cartes , tandis que Pop faisait des paris sur les chevaux de course. le seul qui a réussi c'est Black superman le dernier fils qui vit à Sydney avec son compagnon,rejeté par Pop à cause de son homosexualité. Et puis il y a Donna la fille aînée,fille facile à la mauvaise réputation qui a disparu.
La famille va se mobiliser car les terres de leurs ancêtres vont être vendues par le maire pour y construire une prison .
L'auteure est une aborigène,très engagée dans la défense des siens,à travers cette famille foutraque elle aborde la dure réalité des conditions de vie des aborigènes qui comme les amérindiens se sont fait spolier leurs terres et sont ostracisés par la population blanche.
Ce roman est une très belle découverte , la couverture est superbe. Je remercie Babelio de me l'avoir envoyé dans le cadre d'une masse critique privilégié ainsi que les éditions Seuil.
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Mélissa LUCASHENKO. Celle qui parlait aux corbeaux.

En préambule, je remercie sincèrement Babelio et les éditions « Voies Autochtones » du Seuil, pour l'envoi de ce roman. Ce livre est présentée avec une belle couverture, très colorée et très explicite sur le contenu. Tous les totems sont présents. Cette illustration est signée Michaël CAILLOUX. Toutes mes félicitations.

Une belle immersion en Australie, au pays des aborigènes, au sein d'une population délaissée et dont les autorités locales n'ont de cesse de s'approprier leurs terres. Ce roman est divisée en deux grandes parties, avec une introduction. En 1943, Owen Addison, un sang-mêlé, gagne un combat de boxe contre un blanc Johnny Corbett. Suite à cette victoire, il subit un cruel châtiment, qui le hantera jusqu'à sa mort. Il construit une famille.

Pretty Mary, veuve, fille de Owen dit Pop, lui apporte tous les soins dont il nécessite. Cependant, il est âgé et la vie le quitte. Prévenue de la mort imminente de leur grand-père, Kerry Salter, sa petit-fille fait un retour au pays, juchée sue une belle moto, une Harley Softail, dernier modèle, vraisemblablement volée, nantie d'un vulgaire sac de sport bleu. Elle se dirige vers Durrongo, là où vit sa famille. Son frère Ken, alcoolique et sans emploi vit des allocations versées par l'état, et des paris hippiques que joue son grand-père. Elle a un autre frère, dit Black Superman, ce dernier a bien réussi dans sa vie professionnelle : il habite en ville et occupe un bon emploi. Donna, la soeur aînée a disparue il y a presque vingt ans. Sans doute est-elle décédée, noyée. Sa mère Pretty Mary, affirme qu'elle est toujours vivante. Les cartes le lui ont révélé, elle pratique la chiromancie pour assurer l'entrée d'argent, dévoilant l'avenir à sa clientèle.

le retour de Kerry plonge la communauté au sein de leur devenir. En effet, la jeune femme va devenir une militante de la cause aborigène. Elle a surpris une conversation entre le maire de la ville, Jim Buckley et un agent immobilier. La municipalité désire construire une prison sur les terres allouées, il y a bien longtemps aux aborigènes, et c'est là que reposent les aïeux. Ils ne pourront plus communiquer avec les âmes de leurs défunts ! La famille de Kerry va donc tenter de faire échouer ce projet. Une énorme surprise : alors que la jeune femme veut louer un bien à Durrongo, elle est accueillie par … sa soeur Donna. Et de rebondissements en rebondissements, la famille resserre ses liens. Parviendra-t-elle à faire obstruction au futur projet d'établissement pénitentiaire sur la terre de leurs ancêtres ? Quels sont donc les raisons de la fuite de leur domicile des deux filles, Donna, puis Kerry, à la fin de leur adolescence ? Pourquoi Donna n'est-elle jamais revenue voir sa famille et a-t-elle pris une nouvelle identité, construit une nouvelle vie ? Quels secrets se cachent derrière ces fuites ? La justice sera-t-elle rendue ?

Cette narration nous immerge dans la culture aborigène, le racisme, les relations humaines entre les races, les croyances populaires liées à cette civilisation que l'homme blanc, le whitefella veut absolument démanteler, à tous prix, la jugeant décadente. Peu importe les moyens utiliser pour plonger ce monde révolu à leurs yeux et il faut donc s'orienter vers le progrès. La lutte entre les blackfellas et les whitefellas est présente, même au sein d'une même famille. Les relations entre tous, sont sujettes à la différence de la couleur de la peau, selon le degré de métissage.

Mélissa, dans ce récit remplit le rôle de l'avocat, défenseur du droit de l'homme, quel que soit sa couleur, sa religion. Elle nous plonge dans la culture aborigène, décrit les coutumes des ancêtres, leur amour pour la nature, la faune et la flore. Ces éléments doivent être respectés. le rôle dévolu au requin, dans ce roman, marque la notion de respect du aux animaux. Il en est de même pour le discours tenu par Kerry avec les corbeaux se disputant une proie. C'est cet épisode qui donne le titre de cet ouvrage. Je vous conseille de lire ce livre. Vous approcherez la civilisation des aborigènes en Australie. Un pays neuf mais qui n'est pas épargné par les forces du mal, introduites par les whitefellas… Je remercie encore Babelio et « Le Seuil » pour m'avoir offert ce livre, un très bel instant de lecture, dépaysement idéal. Bonne journée et belle lecture.
( 04/04/2023)

Lien : https://lucette.dutour@orang..
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A travers l'histoire de Kerry, Melissa Lucashenko raconte l'Histoire de l'ethnocide des aborigènes d'Australie et de ses conséquences contemporaines. L'auteure en sait quelque chose puisqu'elle est une bundjalung. Elle est donc légitime pour porter la parole des descendants de ceux qui ont échappé au massacre et elle le fait avec talent dans Celle qui parle aux corbeaux.

Kerry revient au bercail après une longue absence, pour accompagner son grand-père dont la mort est proche. En délicatesse avec la justice, sous le coup d'une rupture sentimentale, elle décide de prolonger son séjour quand elle apprend qu'une prison est sur le point d'être construite sur un site sacré de ses ancêtres. Kerry est prête à entrer en lutte, car les colons n'ont toujours pas admis que souiller de leur présence un site aborigène, c'est comme piétiner avec des godillots cloutés l'autel de Notre-Dame de Paris. Il va donc falloir leur expliquer une fois de plus, en engageant pourquoi pas, quelques actions vues par les résistants non pas comme des délits mais comme des réparations.

Celle qui parle aux corbeaux est – selon mes critères – un grand roman dont le style est riche sans être prétentieux ni manichéen, dont l'intrigue est irriguée de toutes les traditions, croyances, légendes transmises oralement de génération en génération par ceux qui vivent là depuis la nuit des temps, bien avant que des envahisseurs décrètent leur île Terra nullius. Pour apprécier pleinement ce roman, il faut tenter en dépit de différences culturelles considérables, de s'imprégner d'un autre mode de pensée ; admettre que la lune attire l'océan à elle et que l'océan nous attire à lui ; que la famille possède un autre sens que celui, étriqué, européen ; que les morts infiniment respectés restent près des vivants parfois sous des formes inattendues ; que les animaux sont des frères qui parlent et connaissent les présages ; que la terre nourricière doit être respectée.

Il s'agit d'un roman humaniste qui décrit un paradis violé où la communion était la règle avant que l'Union Jack impérialiste envoient ses troupes vider leurs fusils dans le corps d'êtres humains, rougir les rivières de leur sang, alors qu'ils se défendaient avec quelques cailloux et des colliers enchantés ; avant que l'Eglise et ses missionnaires à la position bien connue, débarquent, bousillent, et enfoncent de force dans les bouches et têtes de ce pacifique peuple païen, des Notre Père.

Pour modestement connaître l'île continent, je trouve la voix de l'auteure juste et honnête quand elle évoque les ravages du blanchiment par le viol – arme de destruction massive -, donnant naissance à des métis aux 50 nuances de couleurs, rejetés par leur communauté et exploités par les colons comme sous main-d'oeuvre, ou le désastre engendré par l'alcool largement offert comme moyen d'anéantissement rapide. Mais l'auteure ne se montre pas défaitiste en évoquant un eden perdu où les hommes vivaient en harmonie avec les mondes végétal, minéral, animal, aquatique et même les mondes de l'au-delà. Combatif et optimiste, Celle qui parle aux corbeaux ouvre au contraire des portes, trace des pistes dans le bush, rappelle à sa manière le message universel qu'un autre monde est encore possible :

« Si tu ne te bats pas, tu perds », dit Kerry haut et fort.

Merci à Babelio et à Seuil Voix autochtones pour cette découverte très appréciée.
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Je voudrais remercier Babelio et les éditions du Seuil pour ce beau roman reçu grâce à une Masse critique privilégiée. Celle qui parle aux corbeaux est paru dans la collection « Voix autochtones ». L'autrice, Melissa Lucashenko, est une Bunjalung de la côte est d'Australie et elle milite pour les droits des aborigènes.
***
L'histoire se déroule en deux parties, mais un chapitre en forme de prologue présente un des personnages, Owen Addison, après sa victoire à un match de boxe en 1943. Owen est un « sang-mêlé » et les Blancs qu'il a vaincus lui font payer très cher sa victoire : ils le tabassent sans pitié et on devine qu'ils font pire encore… La suite de l'histoire se déroule de nos jours. Kerry retourne dans son village natal pour voir une dernière fois Pop, son grand-père, qui va bientôt mourir. Elle conduit une Harley dernier cri et en arrivant, elle trouve son frère aîné, Ken, une force de la nature, bipolaire, en train de boire sa quatrième bière à 11 heures du matin. Pop s'est rendu à l'hôpital avec Pretty Mary, sa belle-fille, la mère de Ken et de Kerry. Répondant aux questions pressantes de Ken, Kerry se décide à lui dire que Allie, sa petite amie, est en préventive et qu'elle risque cinq ans. Ce que Kerry ne lui avouerait pour rien au monde, c'est que Allie l'a plaquée et qu'elle-même est soupçonnée de complicité dans le cambriolage qui a fait tomber sa copine. D'où l'idée d'aller faire un tour au village où elle n'a pas mis les pieds depuis un an... Avec elle, elle a apporté un sac à dos qu'elle ne quitte pas des yeux.
***
Dans cette présentation, il manque au noyau familial Brandon, le frère cadet, celui qui a réussi, qui vit en ville et qui se mérite le surnom de Black Superman, ainsi que Donna, la fille aînée, disparue il y a belle lurette. Personne ne l'a jamais revue et tout le monde la croit morte, sauf Pretty Mary, sûre qu'elle est en vie et qu'elle reviendra un jour : les cartes de tarot le lui ont dit. Il ne faut pas oublier Donny, le fils de Ken, anorexique, quasi mutique, ne souriant jamais et s'abrutissant de jeux-vidéos. Elvis, le chien de la famille, semble être son seul ami et son unique réconfort. Chez les Bunjalung, la famille ne se limite pas à la famille nucléaire, mais s'étend à tous les membres de la parentèle, proches ou éloignés, morts ou vivants, et ils apparaîtront épisodiquement, au gré des fêtes et des drames. On fera aussi la connaissance du potentat local, Jim Buckley, maire et agent immobilier. Ce personnage sans scrupules veut mettre la main sur les terres ancestrales aborigènes, particulièrement chères à la famille Addison parce que leurs ancêtres y sont inhumés. Il va raviver les antagonismes et faire naître un esprit de revanche contre la colonisation par sa corruption et sa prévarication.
***
J'ai beaucoup aimé ce roman très original à plusieurs titres. Si on excepte Jim Buckley, l'autrice ne présente aucun personnage de manière manichéenne : tous ont des faiblesses, parfois impardonnables et criminelles, mais tous présentent des côtés touchants. le racisme est omniprésent dans les deux communautés. « Whitefellas » et « Blackfellas » se méprisent pour des motifs différents, mais la méfiance et les préjugés paraissent chez les uns comme chez les autres. le racisme, évident dans la communauté blanche (il y a des exceptions !), contamine aussi les relations entre les membres des Peuples premiers, voire entre ceux de la même famille. Ainsi, les différents tons de peau, qui dévoilent sang pur ou sang mêlé, suscitent différentes réactions parce qu'ils attestent de relations sexuelles avec des « Whitefellas », qu'elles soient ou non consenties. La nature est partout et elle habite chaque être qui veut bien s'attarder à la contempler. La communication avec les animaux et avec les esprits des morts devient vite absolument naturelle et parfaitement vraisemblable. Jolie surprise aussi : beaucoup de mots issus de langues aborigènes ne sont pas traduits et… cela n'entrave en rien la compréhension ! Une belle et passionnante lecture que je vous recommande.
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La nouvelle collection du Seuil « Voix autochtones » propose avec une magnifique couverture de donner la parole à tous les Peuples Premiers et publie le dernier roman de Melissa Lucashenko, auteure aborigène d'Australie.

Le roman est centré sur une jeune femme noire, Kerry Salter, qui après avoir évité la prison et fui sa famille pendant des années, est forcée de rentrer chez elle dans le pays de Bundjalung pour faire face à une crise familiale impliquant l'héritage de ses ancêtres et la confiscation des terres. Militante pour les droits aborigènes, l'auteure n'hésite pas à dénoncer les politiques d'aménagement du territoire qui refusent de tenir compte des droits ancestraux. Elle n'hésite pas à se moquer des Blancs, rebaptisés "sauvagesnormauxblancs" ou "whitefellas" à qui elle reproche de n'avoir ni culture ni bon sens.

Pour autant, le portrait de famille est sans concessions. Dans le rôle de la mère, Pretty Mary, une ancienne alcoolique qui tire les cartes au marché et mène sa famille à la baguette. L'un des frères est alcoolique et très violent, la soeur aînée a disparu à l'adolescence, le neveu est anorexique et va de plus en plus mal.
Lorsque Kerry rentre au village parce que son grand père est mourant, elle n'a pas l'intention de s'attarder, sachant que " ce putain d'endroit était déjà maudit au delà de tout remède".
Toutes les familles aborigènes connaissent ces malédictions : racisme et pauvreté. Racisme d'autant plus visible lorsque l'on est noir, mais tout aussi agressif si on a la peau plus claire. Et la pauvreté qui fait vivre des familles complètes dans des maisons délabrées et des caravanes, rend la promiscuité plus difficile à supporter et engendre de nombreuses violences.
Les femmes sont les premières victimes de ces violences et il leur faut faire preuve d'une forte personnalité pour y échapper. Kerry, en tant qu'homosexuelle, doit encore plus s'imposer, auprès de son frère mais aussi de sa propre mère qui privilégie systématiquement ses fils.
Dans sa note, Melissa Lucashenko précise :" pour que le lecteur n'aille pas penser que le portrait dressé par ce livre de la vie des Aborigènes est exagéré, j'ajouterai que les membres de ma famille élargie ont subi au moins une fois dans leur vie la plupart des faits de violence évoqués dans ces pages. "

Si Kerry reste finalement au village après l'enterrement du grand-père, c'est en partie en raison de la beauté de la nature et de l'attachement aux terres familiales. Elle doit se battre pour empêcher la construction d'une prison au bord de la rivière, mais elle est aussi envoûtée par cette nature que l'auteure décrit avec passion. Ces paysages, la faune et la flore, sont traversés par des intrusions de réalisme magique, notamment avec les corbeaux et le requin, qui enchantent les habitants. de la même manière, le choix de l'auteure d'employer des termes aborigènes et de ne pas ajouter de lexique, ajoute de l'exotisme et du mystère à cette atmosphère, comme bercée par le son du didgeridoo.
Le bush, la rivière, les arbres et les animaux aux noms étranges soulignent la solidarité d'une communauté capable de se rassembler, au-delà de toutes les violences précédemment évoquées, pour célébrer une appartenance.

Merci à Masse critique privilégiée et aux Editions du Seuil pour cette belle découverte.
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