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3,62

sur 88 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Plus elle roule sur sa belle moto (« empruntée ») et se rapproche de Durrongo, son village natal de Nouvelles-Galles-du-Sud, plus le ressentiment de Kerry Salter grandit : que vient-elle faire ici ? Pourquoi venir assister aux derniers instants de son grand-père, lui qui n'a jamais été très affectueux, et alors qu'elle avait juré de ne plus jamais remettre les pieds dans cette famille dysfonctionnelle ?

Cela fait beaucoup de questions angoissantes à l'orée de retrouvailles de famille ; cela nourrit aussi la colère de Kerry, même si elle n'en a pas vraiment besoin, puisqu'elle vit quasi en permanence dans cette émotion. Une colère due aux manques familiaux, elle qui dut supporter la disparition de sa petite soeur, les coups de son frère Ken le koala, l'alcoolisme de sa mère Pretty Mary, la mort de son père, mais aussi due à la perception aigue que la vie n'est pas la même pour les goories comme elle, et pour les whitefellas, les Blancs issus des colons. D'ailleurs, pleine de conceptions désabusées sur la difficulté, voire l'impossibilité de vivre correctement quand on a la peau trop noire, elle se contente de vivre de larcins à la petite semaine qui lui ont d'ailleurs valu d'aller plusieurs fois en prison.

« Celle qui parle aux corbeaux » est donc le roman d'un retour au bercail. On fait la connaissance de cette famille Salter loin d'être idéale, frappée par une pauvreté systémique et qui vit dans la légende de ses ancêtres, notamment celle de la mamie Ava qui s'enfuit, enceinte, de chez son maître pour pouvoir enfin élever elle-même l'un de ses enfants, et qui y réussit au prix d'un marchandage avec son animal totem, le requin, un squale surnommé « le Docteur ». Une pauvreté entretenue par le gouvernement qui continue à les spolier, en vendant les terres aborigènes bundjalung sacrées au plus offrant, ici pour créer une prison, autre gros évènement du roman, les Salter décidant de s'y opposer…

Melissa Lucashenko écrit ici un roman-manifeste en ce qu'elle y met beaucoup d'elle-même et de ses luttes : d'origine bundjalung, elle est très investie dans la défense des droits des aborigènes mais aussi des femmes incarcérées, et, comme elle l'indique en avant-propos de son roman, beaucoup de membres de sa propre famille connurent « au moins une fois dans leur vie la plupart des faits de violence évoqués » dans ses pages. C'est ce qui rend ce roman si intense et si prenant, faisant mentir ici Charles Aznavour car la misère n'en est pas moins dure au soleil : cette terre aride et rouge, arrosée par un astre brûlant, sur laquelle il ne se passe plus rien, confine à un certain désespoir.

« Celle qui parle aux corbeaux » est donc un roman assez atypique, intéressant en ce qu'il permet d'en apprendre un peu plus sur la culture bundjalung, son rapport particulier à la nature, et les réalités sociales dont ses membres souffrent depuis si longtemps. Mention spéciale à l'éditeur qui a choisi, en accord avec Melissa Lucashenko et le traducteur, de conserver tels quels les termes aborigènes, sans lexique, ce qui n'a pas du tout été gênant, au contraire, puisque cela a permis au roman de garder son authenticité.

Malgré tout, je n'ai pas accroché à ces personnages torturés et assez peu sympathiques au final. Quelques touches de surnaturel aborigène sont insérées en début de roman et vers sa fin, et si cela ajoute un intérêt, une originalité certaine au roman, je pense être passée à côté de leur signification, ce qui m'a frustrée.
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Kerry Salter, jeune femme d'origine aborigène, vit dans le Queensland loin de sa famille. Sa vie est décousue. Elle a connu la prison pour femmes et n'a pas la langue dans sa poche. Elle ne craint rien ni personne, circule à moto et se pose là où bon lui semble, quand bon lui semble. Soupçonnée de cambriolage, elle fuit et retourne dans sa ville natale qu'elle ne pensait pas un jour retrouver. Avec pour seuls bagages son blouson et sa Harley, elle prend la route de Durrongo, direction le passé, les souvenirs, l'ennui et retrouvailles avec une famille un peu originale.

Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour cette lecture.

Avec ce livre, je découvre la nouvelle collection de la maison d'édition dédiée aux peuples autochtones, peuples premiers, dont la mémoire et la voix ont longtemps été privés. L'autrice est d'ailleurs elle-même une écrivaine bundjalung de la côte est de l'Australie. "Celle qui parle aux corbeaux" est le deuxième roman publié aux Voix Autochtones.

L'histoire nous conduit tout droit dans le bush australien, en terre aborigène. Ce lieu fait partie de l'histoire et de la culture des tribus autochtones, premiers êtres installés sur le sol australien avant l'arrivée des colons blancs d'Europe.

Kerry a quitté les lieux pour ne plus jamais y revenir. Pourtant, des circonstances la ramènent chez elle. C'est ainsi que l'on découvre sa famille. Elle ne va pas s'ennuyer. de plus, elle apprend que le maire de la ville a l'intention de construire une prison à Ava's Island, l'île de ses ancêtres et terre sacrée qui a servi de refuge dans le passé.

Le retour de Kerry dans les lieux de son enfance est aussi l'occasion d'en apprendre un peu plus sur l'histoire de ce peuple. Sont ainsi successivement évoqués les premiers nomades, la colonisation, le racisme, le déracinement, la violence, le vol d'enfant, et l'alcoolisme.

"Celle qui parle aux corbeaux" est un roman qui aborde différents thèmes. On y ressent de la mélancolie à l'évocation des drames et des événements du passé. Il y a des regrets, des non-dits puis des révélations. La nature est également très présente. L'île a une place à part entière. Elle apporte sérénité et apaisement, son "agression" fait l'objet d'un conflit sérieux entre la famille Salter et la commune.

Une très belle découverte pour ce roman qui est lauréat du Miles Franklin Literary Award, le Prix littéraire australien.

Lien : http://labibliothequedemarjo..
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Une petite virée en Australie, ça vous dit ?
Attention ça secoue. Ma dernière incursion de l'autre côté du globe datait du 1er confinement durant lequel j'avais lu Cul de sac de Douglas Kennedy, certes déjanté mais dont l'humour ne m'avait pas totalement convaincue. J'en avais déduit que ma méconnaissance du continent océanique et de sa culture m'avait empêchée de saisir les subtilités du récit et toutes ses finesses.
Il y a plusieurs années j'avais aussi lu La Dernière valse de Mathilda de Tamara mckinley que j'avais qualifié de beurk seller. C'est vous dire mon enthousiasme.

Alors quand masse critique m'a proposé cette lecture je me suis dit banco ! On repart dans le bush faire mieux connaissance avec les autochtones et se faire enfin une belle lecture australienne.

Hélas encore une fois la mayonnaise n'a pas pris. J'avoue avoir même lutté pour arriver au bout. Il y a la truculence des personnages mais pas vraiment de connaissance de leurs us et coutumes. C'est trop survolé, comme si le lecteur connaissait déjà implicitement les termes aborigènes et sa culture.
La famille, le racisme et l'écologie sont les trois thème principaux, qui s'enroulent au fil des pages comme un serpent australien et qui déplaçant le sable, dévoile les secrets de famille les failles dans ses fondations qui la fragilisent.
On tourne quand même toujours un peu en rond dans cette famille qui s'englue dans ses souvenirs et qui a du mal à avancer, entre petits boulots, grandes débrouilles, petites galères et grands traumatismes.
Mention spéciale toutefois pour le chien Elvis qui a une belle place, ainsi que l'île enchantée. Et si c'était ça le véritable sentiment écologique : considerer la nature comme faisant partie de l'identité d'une famille ?
Hélas comme on est à une époque où il faut sauver la planète : il faut sauver la planète et empêcher que l'île enchantée des aborigènes soit transformée en prison par les méchants blancs. Ce n'est même pas au sens figuré. C'est mignon mais un peu facile quand même. Côté scénario, on ne dépasse pas le niveau plutôt très basique d'Avatar…
Bref, pas de coup de coeur australien de mon côté et la déception de ne pas avoir un peu plus de culture générale aborigène. A part les kangourous, les didgeridoos, je reste assez inculte.

Alors, faut-il le lire ? Euh je le prête si vous voulez, mais je ne garantis pas le coup de coeur, loin de là.
Je suis finalement plus proche des irlandais…
Pour la culture australienne j'avoue avoir un faible pour le film romantico-cul-cul Australia. Mais je ne suis pas contre des suggestions de bonnes lectures de cette partie du globe…à vos commentaires ! Merci
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Un roman commencé il y a plus de six mois, et dans lequel j'ai eu beaucoup de mal à entrer. 

Repris à plusieurs reprises, j'étais un peu perdue entre le récit de Kerry et les réflexions d'une agente immobilière que je confondais l'une avec l'autre. 

Puis l'agente immobilière et ses rêves de Sidney sont passés à l'arrière plan alors que Kerry, revenue dans la maison familiale étouffait dans l'ombre de sa mère, de son frère pique assiette et les râles du grand père dont l'agonie n'en finissait plus de durer. 

Entre souvenirs amoureux de sa belle laissée foirer des braquages impossibles, réapparition d'un copain de lycée qui la fait frémir d'aise et jeune neveu qu'elle s'échine à dégourdir et à éloigner des écrans, Kerry semble s'engluer dans son village natal ... 

Finalement aux trois quarts du livre, l'enterrement du grand père est le moment clé où tout se met en place, où les plaies des crimes laissés par les colons blancs commencent à se fermer en même temps qu'une vengeance inattendue se met en place ! 

Un roman un peu fouillis qui nécessite de se laisser bercer par la langue de Melissa Lucashenko, se laisser emporter par les histoires des ancêtres où corbeaux et requins portent encore le souvenir de leurs âmes et de leurs promesses d'antan. 

Un peu trop onirique à mon goût, cependant.

Je remercie NetGalley et les Editions du Seuil qui m'ont offert cet ouvrage 

#Cellequiparleauxcorbeaux #NetGalleyFrance
Lien : http://les-lectures-de-bill-..
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Dommage que cette auteure ait trouvé nécessaire d'en rajouter ( expressions langagières et rapports gratuitement violents) dans ce roman qui met en scène un peuple victime de la domination par la force d'un autre peuple se posant comme détenteur de supériorité. Histoire qui se répète, hélas, depuis la nuit des temps.
Un roman grinçant, débordant de vie et d'énergie, qui dresse un tableau passionnant de l'Australie d'aujourd'hui et de la place occupée par les aborigènes. Mais aussi, de la lutte sans concession pour récupérer un héritage perdu. Cet argumentaire de l'éditeur correspond tout à fait à mon ressenti, avec la réserve exprimée en préambule.
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Un sujet intéressant : des natifs spoliés par une population blanche « les dugais » « les white fellas ». Ces descendants de colons se sont arrogé le droit d'investir des lieux sacrés pour faire du profit en magouillant un projet d'installation de prison. Leur chef, c'est Buckley et ses sbires.
Un décor inspirant le voyage et la découverte : le bush australien, la magnifique île d'Ava, l'ancêtre des Salter. Les passages évoquant le décor sont poétiques et prennent parfois une portée fantastique par la présence des animaux endémiques : les corbeaux ou le requin. On y sent un lien fort avec une nature refuge et passeuse d'histoire.
« La perfection de la rivière stupéfia Donna [...] Elle huma les senteurs de feuilles d'eucalyptus et de fleurs d'acacia flottant au-dessus de l'étroite langue d'eau qui les séparait des Anciens. Cette légère odeur poissonneuse qu'elle connaissait si bien, mêlée au parfum de terre qui se dégageait des rochers moussus. le chiendent étincelant qui poussait jusqu'aux rebords de l'île. le plus bel endroit du monde, celui où elle avait eu une enfance à l'époque où mamie Ruth était encore là pour tout lui apprendre. »
Résumé : Kerry Salter revient dans sa ville natale, Durrongo, en chevauchant sa Harley, elle cherche à se mettre au vert suite à un cambriolage… et puis elle apprend que son grand-père Pop est mourant. Peu à peu, on découvre sa famille plutôt fantasque : sa mère Pretty Mary, tireuse de cartes, son frère Ken, raté plutôt violent et Donny, son neveu mal dans sa peau…Leur monde et leurs rêves se résument à la terre de leurs ancêtres dont ils ont été dépossédés par les dugais. Dans ce trou, cette famille pauvre survit dans une maison proche du délabrement, leur vie témoigne des limites imposées par les colons. On vit de petits boulots, pas de vraie considération accordée aux gens de couleur, peu d'évolution professionnelle possible : il faut partir _ souvent de zéro_ pour s'extraire de sa condition…
J'ai apprécié le début et la fin du roman que j'ai trouvés bien écrits mais les nombreux termes aborigènes non traduits m'ont déroutée même s'ils sont parfaitement compréhensibles. C'est un roman plein de rebondissements basé surtout sur des dialogues vifs et parfois crus, c'est -je crois- ce qui m'a empêchée d'adhérer complètement à l'histoire de cette famille attachante, en particulier Kerry et sa mère Pretty Mary.
J'imagine bien une adaptation filmique de ce roman dont les thèmes du racisme, des secrets de famille, des relations intergénérationnelles au coeur d'une nature exceptionnelle séduiront à coup sûr. Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour leur jolie collection « Voix autochtones » : j'ai reçu cette lecture dans le cadre d'une masse critique privilégiée.
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Deuxième titre de la collection Voix autochtones du Seuil, Celle qui parle aux corbeaux avait tout pour m'attirer. J'avais grandement apprécié le premier titre Cinq petits indiens, et après le Canada, l'Australie me tendait les bras.

Une histoire très noire,  des personnages cabossés,  une famille plus que rocambolesque,  une histoire de spoliation de territoire, un racisme permanent entre blancs et aborigènes...tous les ingrédients étaient réunis pour un roman noir passionnant.

Mais voilà j'ai eu un mal fou à rentrer dans cette histoire en raison du style. C'est cru, violent, grossier, il y a trop des mots aborigènes non traduits dont on devine le sens bien sûr, mais qui m'ont donné l'impression de n'avoir pas les codes pour bien comprendre le contexte. Et globalement à part quelques passages sur la rivière et l'île qui jouxtent le village de l'histoire, qui ont beaucoup compté dans le passé  et continuent d'avoir un pouvoir apaisant, passages bien écrits, il y a trop de dialogues dans un langage parlé qui vole au niveau des pâquerettes.
Un rendez-vous raté pour moi, j'ai eu un mal fou à en venir à bout. Dommage !
Merci neanmoins à Babelio et au Seuil pour cette masse critique privilégiée.
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A mon grand regret, je n'ai pas été happée par cette lecture qui avait tout pour me plaire: le titre, la couverture, le résumé ainsi que l'univers du bush australien. 

J'étais très enthousiaste à l'idée de lire cette voix et d'entendre l'histoire, la vérité d'un des premiers peuples, les Goories. 
J'ai perdu cet entrain face à l'écriture trop abrupte, à mon goût, de l'auteure. La plume est âpre, crue et dure (ou est-ce la traduction qui laisse ce goût trop grinçant?)
J'ai ressenti beaucoup de colère, d'intolérance liée à des siècles de racisme et de colonisation .Mais toute cette aigreur, voire de haine pour certains personnages ont fait que j'ai eu du mal à m'accrocher à eux, les rendant même parfois antipathiques.
Cependant, je comprends qu'à travers ce langage, l'auteur puisse vouloir bousculer et ainsi montrer la vraie vie des peuples autochtones et de sa dureté.
Néanmoins, des points positifs ressortent de cette lecture. 
Notamment, j'ai apprécié de lire des mots aborigènes dans le récit qui m'a permis d'être au plus près de cette culture.
J'ai également été touchée par certains passages plus doux et plus sensibles où l'on ressent tout l'amour face pour leurs ancêtres. Un profond respect s'émane de la conservation des croyances et des traditions mais aussi de cette volonté de protéger leur terre et leurs racines.
Autre point fort de ce récit, entre racisme, pauvreté, violences, délinquance, viols, abus d'alcool, quête de respect et de reconnaissance,  l'auteur nous donne sans filtre une vue globale de la place de ce peuple dans la société.
Pour finir, je ne peux que souligner le travail de l'auteure pour l'authenticité de ce roman, Malgré le fait que je sois passée à côté de cette lecture du fait de sa dureté, je vous invite à le découvrir.

Je remercie les éditions du Seuil pour l'envoi et la confiance qu'ils m'ont accordé.
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Plusieurs choses à savoir avant de parler de ce roman : Celle qui parle aux corbeaux a reçu le prix Miles Franklin en 2019 ; l'autrice, Melissa Lucashenko est Bundjalung (une native d'Australie) et les violences que ses personnages peuvent vivre dans le récit, ce sont ses proches (ami·es, famille…) qui les ont vécues : son oeuvre est une fiction mais elle s'inspire du réel. Et, croyez-moi, des violences, il y en a dans cette histoire.
Kerry Salter rentre à contrecoeur dans sa ville natale, Durrongo. En effet, son grand-père vient de mourir et elle doit donc se rendre aux funérailles. Elle y retrouve son grand-frère alcoolique et violent, sa mère qui lui passe tout à lui mais pas à Kerry, son neveu anorexique… Dans la foulée de ces retrouvailles et des funérailles, la famille Salter apprend que le maire (un homme blanc en quête de pouvoir et n'agissant que dans son intérêt) compte construire une prison sur l'île d'Ava, un lieu sacrée pour la famille puisque c'est là que leur ancêtre, fuyant des Blancs, s'est réfugiée pour accoucher.
Bon, déjà, j'ai lu tout le bouquin et je ne comprends pas le choix du titre français : Kerry ne parle qu'une seule fois avec des corbeaux. Avec un tel titre, je m'attendais à ce que ce soit plus souvent le cas. Mais bon, soit, un mauvais titre, ça ne veut pas dire une mauvaise histoire. D'ailleurs, elle est bonne mais, je ne vais pas vous mentir, j'ai failli abandonner et je vais vous révéler quelques éléments (pas très importants pour l'intrigue, je vous rassure) pour que vous compreniez : Kerry nous est présentée comme lesbienne, elle le dit elle-même a plusieurs reprises, hélas sa copine vient de partir en taule pour cinq ans. Mais voilà qu'au bout de quelques semaines à Durrongo elle croise un beau gosse super musclé de partout et, là, il se passe deux choses : la première est que Kerry tombe en pâmoison et ne pense plus qu'à coucher avec ce mec (Steve), oubliant d'un coup la femme de sa vie. La seconde est que cette réaction de la jeune femme a une conséquence importante sur le récit : il ne tourne plus qu'autour de ce désir et de son assouvissement pendant un moment, reléguant la famille Salter et ses problèmes au deuxième ou troisième plan, allez savoir – en fait, on n'a pratiquement plus que des descriptions physiques et de l'érotisme. Or, moi, si je lisais Celle qui parle aux corbeaux, c'était pour la famille, pas pour les histoires de fesses. Ca m'a franchement gavé et il faut ajouter à cela que l'héroïne lesbienne qui se retrouve d'un coup avec un mec parfait, ça a de quoi questionner : est-ce une négation de la bisexualité (et donc de la biphobie – intériosée ou assumée, je ne sais pas) ou bien le cliché éculé (et lesbophobe) de la lesbienne qui attend juste de rencontrer le bon mec ? Et ça, y en a marre. Honnêtement, même sans ces interrogations, je n'ai juste pas compris le cheminement de Kerry quant à ce désir : elle clame haut et fort qu'elle est lesbienne, qu'elle est gouine, mais dès qu'elle croise le dénommé Steve, elle ne se pose pas de questions. Elle a environ trente-cinq ans, elle n'a apparemment été attirée que par des femmes jusqu'à présent… et elle fonce dans le tas. A ce sujet, je reste vraiment confuse, d'autant plus que, bien abordé, bien amené, ça aurait pu être intéressant, après tout.
Toutefois, j'ai bien fait de m'accrocher et de ne pas abandonner car, finalement, on en revient à la famille et, pour le coup, cette partie avait beau être terriblement dure, elle était super. Il y est bien sûr question de racisme mais, surtout, on parle des Salter en tant qu'un groupe mais aussi des membres individuellement. On découvre leurs faiblesses ainsi que leurs véritables forces, parfois cachées sous une montagne de doutes et de peurs ; on apprend à les connaître et, par leur biais, on a une image de la vie des Aborigènes en Australie. Et ce n'est pas joli. Un peu comme aux USA, on y retrouve la misère, la survie dans une société qui ne veut pas d'eux, les violences, l'alcoolisme, le mal-être… Melissa Lucashenko nous sert là un récit fort avec des personnages que l'on peut ne pas aimer tout en comprenant leurs actes (enfin, pas toujours…) : vivre dans l'indigence, mener une vie de galères, de détresse, ça ne pousse pas particulièrement au bonheur. A côté de ça, le maire est exécrable de A à Z mais ce n'est pas parce qu'il est blanc, c'est juste parce qu'il ne pense qu'à son profit, son intérêt personnel et ce au détriment d'autrui. Ainsi l'autrice nous sert des personnages intéressants (excepté Kerry pour qui il manque clairement un développement, une réflexion), complexes, vivants et touchants (y compris Kerry, cette fois – et seulement la famille Salter, pas le maire, bien sûr).
Dans les avis que j'ai pu lire sur le net, il est souvent reproché le langage grossier. Et c'est vrai que c'est grossier mais pas plus qu'un roman de Despentes et, surtout, ça colle aux protagonistes et à leur vie qui nous sont présentés. En vérité, j'ai même trouvé que ça apportait un plus à la touffeur du récit, à la caractérisation de certains personnages. C'est clair que, si vous pensez trouver là une vision poétique de la vie aborigène en Australie, vous faites totalement fausse route. Ici, on est dans le vécu, dans le réalisme bien que Celle qui parle aux corbeaux reste une fiction.

Il y a des facilités, dans cette histoire, mais si vous êtes prêt·es à faire l'impasse sur les points négatifs (qui concernent l'héroïne), je vous conseille Celle qui parle aux corbeaux car, malgré tout, il y a de bonnes choses, beaucoup d'humanité derrière toute cette misère et cette haine. Ce roman aurait pu être meilleur, il n'en reste pas moins bon.

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L'action de ce roman se passe en Australie. L'objectif de l'autrice m'a semblé en tout premier lieu de mettre en évidence les exactions commises par les Blancs envers les Aborigènes et de parler des conflits qui existent toujours entre eux.
Mais je n'ai pas accroché à ce roman que je me suis forcée à lire sans plaisir. J'ai trouvé les personnages englués dans leurs contradictions, tiraillés entre leurs devoirs et leurs aspirations, parfois jusqu'à l'incohérence.
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