AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,62

sur 88 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Livre lu dans le cadre de la masse critique privilégiée, je remercie vivement Babelio de me l'avoir proposé et les Editions du Seuil qui me l'ont envoyé. Cette histoire m'a immédiatement tenté par son thème sans en imaginer les péripéties qui sont très nombreuses.

Une belle lecture qui fait intervenir de multiples personnages, humains et animaux, dont le thème central est celui de la famille avec tout ce qu'elle peut générer comme ancrages, passions, déceptions, vexations, égarements, malheurs et joies de la vie.

C'est un drame qui s'articule autour de personnalités fortes, la mère, Pretty Mary, l'une des filles, Kerry qui est l'héroïne majeure, l'un des fils, Ken, enfermé dans des certitudes et une violence dangereuse pour les siens et lui-même. Et puis, la nature, avec une île sur une rivière où la marée remonte avec la présence d'un requin, la nature du bush australien que Melissa Lucashenko décrit dans de brèves phrases porteuses du sentiment de plénitude que cette île, cette rivière peuvent apporter à cette famille.

Le racisme est latent tout au long du roman, traité souvent avec humour, mais il est quand même certainement responsable du comportement du grand-père, Pop, lui-même victime d'agissements qui ne sauraient néanmoins justifier les siens.

Le langage est dur, cru, les dialogues sont acérés, la violence est toujours prête à se déchaîner, mais il y a dans cette famille des hommes de paix qui sont capables de rassembler autant que possible tous ces égarés de l'existence.

On ajoute une intrigue qui flirte avec l'écologie, mais sans excès, des amours contrariées, des souffrances dissimulées, le tout aboutissant peu à peu à une apothéose finale dont la dernière phrase est une très belle réussite.

Les très nombreux termes aborigènes ne sont pas traduits mais l'immersion dans le livre en permet globalement leur compréhension. Ils m'ont paru une valeur ajoutée à la qualité littéraire de ce roman aux dialogues très réussis, aux longueurs nécessaires pour entrer dans le tableau familial, en comprendre les imbrications et le rôle déterminant de la plupart des protagonistes, vivants et morts.

Faut-il regretter de l'avoir lu très vite, quasiment d'une traite? Je ne pense pas car on peut en rester imprégné longtemps je crois et ne jamais oublier les paroles de Celle qui parle aux corbeaux.






Commenter  J’apprécie          9712
Melissa Lucashenko ouvre cette oeuvre de fiction sur cet avertissement : « les membres de ma famille élargie ont subi au moins une fois dans leur vie la plupart des faits de violence évoqués dans ces pages ». le reste est tiré « soit d'archives historiques, soit de l'histoire orale aborigène. » Et l'épigraphe de nous renvoyer à l'histoire de son arrière-grand-mère, « une femme goorie qui, en 1907, fut arrêtée pour avoir tiré sur l'homme – Aborigène lui aussi – qui tentait de la violer. » « Elle n'était, selon lui, qu'une gin, une ‘'traînée aborigène'' et il avait le droit d'en faire ce qu'il voulait. »


Nous voilà donc plongés dans le triste quotidien d'une petite localité rurale de la Nouvelle Galles du Sud, en Australie. Son grand-père se mourant, la jeune Kerry Salter rentre au bercail sur une Harley volée. Au chevet du patriarche – un Aborigène arraché aux siens pour, conformément à la politique d'assimilation du gouvernement des années cinquante, grandir, privé de son identité culturelle, dans une mission blanche –, elle retrouve avec répugnance les débris du cercle familial qu'elle n'a jamais eu de cesse que de fuir.


Imbibée de croyances chrétiennes à défaut de l'alcool dont elle est parvenue à se sevrer, sa mère Pretty Mary n'en reste pas moins la gardienne de la mémoire familiale et de la culture Bundjalung héritée de la branche maternelle. C'est elle qui, cartomancienne à ses heures, fait chichement bouillir la marmite du foyer, entre l'addiction aux paris hippiques de l'aïeul et les combines toujours perdantes de son colosse de fils à la dérive. Ken, récemment passé par la case prison, est un quintal de rage et de rancoeur que l'alcool achève de rendre mauvais. Père défaillant, ses deux aînés étant partis vivre chez leur mère, il déverse tout son venin et sa violence sur son benjamin Donny, un adolescent fragile et replié sur lui-même. Ne manque au tableau que Donna, la soeur de Kerry, partie à l'âge de seize ans sans plus donner de nouvelles, et dont l'absence hante une Pretty Mary incapable de contenir sa déception. Même le dernier fils est aussi de passage pour les adieux au vieux Pop : il vit d'ordinaire à la grande ville, où son compagnon et lui servent de famille d'accueil à deux enfants qu'ils tentent, tant bien que mal, de sauver de leur passé de violence.


Mais, éreinté comme tant d'autres familles aborigènes par l'acculturation et des conditions de vie marquées par la pauvreté, l'alcool et la violence, le clan Salter se mobilise soudain lorsque survient pis encore. L'agent immobilier Jim Buckley, petit-fils d'un Sergent de terrible mémoire qui, en son temps, terrorisa les Autochtones, profite malhonnêtement de ses fonctions de maire pour promouvoir un projet de construction sur le site sacré de leurs ancêtres. Dans une cascade d'événements qui révèlera bien des crimes, mais où l'humour noir de la narration sert d'antidote à l'abattement du lecteur face à la spirale du malheur et de la destruction, entretenue de génération en génération par les injustices quotidiennes d'un racisme systémique, chaque membre de la famille réagit à sa manière, contribuant à un sursaut collectif qui, pour la première fois depuis longtemps, pourrait redonner dignité et espoir à ces gens effacés de leurs terres et de leur identité culturelle par la tornade blanche de la colonisation.


L'humour du désespoir anime cette saga familiale qui, sous couvert d'une histoire divertissante à destination du plus grand nombre, n'en dénonce pas moins avec vigueur la triste inefficacité des politiques successives censées, ces dernières décennies, lutter contre les inégalités subies par la population aborigène en Australie : la ségrégation raciale se traduit toujours pour les Autochtones par une moindre espérance de vie, des difficultés socio-économiques, un plus fort taux de criminalité et de suicide. Enfin, à la portée politique du roman, s'ajoute le constat, ô combien d'actualité, de la nécessaire réconciliation de l'espèce humaine avec la nature et, à ce propos, de l'ancestrale sagesse des peuples aborigènes.


Merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour cette belle découverte de la toute nouvelle collection Voix Autochtones.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          827
Non, C'est pas vraiment un mélo dans le bush.
Parle plus fort, j'suis dans la cuisine, tu dis quoi ? Que ce roman te met l'eau à la bouche !
Pourquoi, c'est érotique ? Tu m'excites…
Non, ç'est plus que ça m'exaspère, me tracasse, me titille. Genre, tu vois, si un jour Netflix s'empare de ce black-scénar le bandeau sera :
+16, violent, langage grossier, violence sexuelle, drogue, LGBT, alcool, pédophilie, racisme, ségrégation.
C'est plus un bandeau, c'est une bannière !
Plus je lisais, plus je me suis senti obligé d'en choisir une de bannière. Ça n'a pas été facile tant j'étais tiraillé entre les dégénérés, les parvenus, les agressés, les délaissés, les alcooliques pour oublier et les disparus pour disparaitre.
« Une bande de mecs en plein bush se racontant combien ils sont tous merveilleux, et combien on les traite mal. »

Dans tout ce fatras et leurs charabias, il y a les familles qui étaient là avant que la capitaine Cook débarque : les « blackfellas » et celles qui envahissent le pays des autres et les assassinent en appelant ça la civilisation comme par exemple la bande à Jim Buckley cet enfoiré de maire qui veut vendre l'ile des ancêtres aborigènes pour en faire une prison. J'ai nommé : les « whitefellas ».
J'te rassure, ils sont tous carrément fêlés mais c'est parfaitement bien expliqué même si parfois et je ne tiens pas à faire la fine « bush » mais un glossaire aurait été aussi indispensable qu'un dispensaire pour Goories dans le Queensland un soir de beuverie.

Celle qui parle aux corbeaux parle aussi en « bundjalung » et écrit comme celle qui parle à tout le monde et c'est surement ce qui donne ce côté hypnotique et tellement attachant à ce roman. Finalement, ce récit émaillé de nombreux dialogues croustillants est aussi cocasse que déroutant et aussi bordélique qu'émouvant.

« T'en as mis du temps à montrer ta tête, lança Pretty-Mary à sa fille depuis la table de la cuisine, d'un ton acide. Tu t'es rappelé d'un coup que cette vieille autoroute vers l'enfer était à double-sens, hein ? »
La fille, c'est Kerry, la colonne vertébrale du roman et de cette grande famille du genre « Affreux, sales et méchants » à la sauce wallabies et leurs conseils de famille, c'est de la bombe. « Je suis tellement hot que je pisse du napalm, baby. »
Ils ont tous quelque chose à défendre, à expulser, à cacher, à vomir, à exorciser, à se faire pardonner, à excuser. Note bien que ça donne de la très bonne matière à lire…

« L'a fallu qu'on s'endurcisse pour pouvoir survivre, qu'on devienne aussi durs que ce vieux rocher, là-bas. Mais la dureté qui nous a sauvés, elle va nous tuer si elle continue encore trop longtemps. Les gens sont pas des rochers. »

Je remercie encore Babelio pour ce voyage privilégié et l'éditeur Seuil de m'avoir fait découvrir leurs « Voix autochtones » et surtout pas atones.



Commenter  J’apprécie          557
Merci beaucoup à Babelio pour cette masse critique privilégiée ainsi qu'aux Éditions Seuil qui m'ont permis de découvrir ce livre.
Une très belle nouvelle Collection Voix Autochtones avec une magnifique couverture.
Dans cette histoire, on est tout de suite, plongé en Australie dans le monde aborigène.
Kerry Salter revient parmi les siens, dans la demeure de sa mère. Son grand-père est âgé et sur le point de décéder. Ses frères et soeurs ont plus ou moins bien réussi.
Kerry va défendre la cause aborigène, car la Municipalité a décidé de construire une prison sur leurs terres et mettre en péril leurs traditions. Kerry va tout faire pour que cela ne se produise pas, ce qui lui permettra de resserrer les liens familiaux.
Kerry va rester au Pays et faire face aux différents maux qui existent. La violence, le racisme et la pauvreté prédominent .
Cette histoire est animée de corbeaux et d'un requin.
L'auteure nous décrit avec précision cette communauté et ses traditions. Elle-même, est issue de la vie aborigène. La flore et la faune sont superbement présentes.
Ce roman nous fait voyager et nous permet de nous évader.
Commenter  J’apprécie          434
Des noms de lieux inventés mais qui pourraient parfaitement se situer sur l'État de Nouvelle-Galles-du-Sud du territoire australien, des personnages fictifs mais dont les actes, les affronts essuyés, les épreuves endurées ont été vécus dans son cercle familial aborigène, voilà ce que précise Melissa Lucashenko avant de nous ouvrir la route menant à cette longue histoire de famille.

Kerry, ses grosses bottes en cuir calées sur sa Harley pétaradante, arrive dans le bourg de Durrongo, ce patelin miteux d'un peu plus de trois cents âmes, qu'elle abhorre. Les autochtones matent cette « blackfella » maigrichonne. Elle fait une halte à la sortie du bourg et voilà que trois corbeaux prennent le relais et la matent à leur tour, pleins de dédain pour cette crétine de la ville qui s'est trompée de route. Elle est venue faire ses adieux à son grand-père Pop, et n'a qu'une envie, vite déguerpir de « ce putain d'endroit […] déjà maudit au-delà de tout remède ».
Elle arrive avec un sac à dos gonflé, laissant derrière elle sa compagne, en détention provisoire à la prison pour femmes de Brisbane suite à un braquage.
Kerry est celle qui a quitté ce trou et les siens pour partir à la ville, celle qui ne revient qu'une fois l'an. Une fuite mal perçue par tous les membres de sa famille. Et c'est justement la famille de Kerry, à l'identité culturelle piétinée, aux accès de colère quotidiens attisés par l'alcool et la pauvreté, à la haine dévorante contre l'autorité des « whitefellas » et au lourd passé gangrené par les missionnaires voleurs de liberté que nous allons découvrir.

Dans une misérable maison en fibrociment, à la toiture en tôles rouillées, sa mère lit l'avenir dans son jeu de tarot dont elle ne se sépare jamais. Elle tente vainement d'apaiser son monde continuellement au bord de l'explosion. Pop, l'ancien boxeur, drogué aux paris hippiques, vit ses derniers instants. Son frère aîné Ken, un colosse soupe au lait, narquois, agressif et plein de rancoeur est accro aux canettes de vodka soda qui font monter en puissance son éternelle colère latente. Son second frère, surnommé explicitement Black Superman, établi à Sydney, est le seul qui affiche une réussite financière. Donny le neveu, fils de Ken, passionné d'ornithologie et de nature se voit cruellement méprisé par son père et affiche son mal-être dans son anorexie. Et entre eux tous, l'ombre douloureuse d'une soeur disparue depuis 19 ans. N'oublions pas non plus Elvis, le chien marquant son territoire à sa manière, impliqué malgré lui dans les évènements à venir.

Comme dans tout territoire colonisé, les Aborigènes ont étés privés de leurs terres et là, il est de nouveau question de violer et de s'emparer du lieu sacré de cette famille. le maire, brandissant l'éternelle opportunité de créer des emplois, désire y construire une prison. le terrain visé se termine par une berge d'où l'arrière grand-mère a sauté dans l'eau glacée afin de rejoindre la petite île lui faisant face pour sauver sa peau et l'enfant qu'elle portait. Depuis, cette terre est sacrée et chaque inhumation du clan s'y déroule. Il faut donc protéger coûte que coûte ce coin de rivière. Cette histoire immobilière de spoliation de territoires ancestraux va soulever la poussière sur des surfaces inattendues.

La haine des blancs est immense. Ils ont instauré des lois qu'ils sont les premiers à bafouer. Leurs agissements répondent à cette réplique pleine d'ironie «Comment envahir les pays des autres et les assassiner en appelant ça la civilisation ». Pourtant, dans cette fiction, l'animosité envers les whitefellas peut s'éteindre lorsqu'il s'agit de flirts, ou plus…

L'Australie s'invite dans ces pages avec la traversée éclair d'un kangourou, à l'ombre d'un pin du Queensland, sous le bruissement des feuilles d'eucalyptus, dans la rivière serpentant vers la mer d'où un bout d'aileron est à peine perceptible et nous amène vers la protection des totems. J'aurais pourtant aimé un peu plus d'images de ce coin océanien et un peu moins de pages sur les tergiversations amoureuses de Kerry.

Le langage employé est très largement jalonné de «putain » et autres expressions familières. On comprend bien leur nécessité dans les échanges toujours conflictuels et houleux entre Ken et Kerry mais leur présence, tout au long de la narration, même si celle-ci se fait du point de vue de notre héroïne, s'avère pesante et polluante. En revanche, les termes aborigènes et la très discrète touche de surnaturel qui prend sa source dans la force ancestrale des peuples, agrémentent remarquablement ce texte. Cet accent mis sur les croyances fut même un peu trop léger à mon goût.

L'autrice suit une trame que rien ne vient entraver. Elle pose les jalons expliquant les motifs qui ont donné lieux aux différentes colères enfouies ou exprimées, dévoile les causes de la marginalité de certains membres de cette famille tout en laissant le lecteur émettre sa propre opinion sur les agissements des uns et des autres.
Quant au message de lutte contre le bétonnage enlaidissant, destructeur de magnifiques lieux naturels, il est malheureusement universel mais traité ici de manière plutôt originale avec ce genre de combattants pleins de paradoxes.

Merci à Babelio. Merci aux Editions du Seuil que je félicite en passant pour l'excellent choix de cette couverture dont les éléments peuplent cette lecture australienne.
Commenter  J’apprécie          310
MERCI aux Éditions du Seuil [collection Voix Autochtones] qui m'ont fait parvenir CELLE QUI PARLE AUX CORBEAUX dans le cadre d'une opération Masse Critique.
La couverture est très réussie, colorée et engageante ; une baleine, des corbeaux, des essences d'arbres exotiques, un requin Bouledogue, des symboles graphiques aborigènes, une Harley Davidson…. Mais indiscutablement, quelque chose de plus grand que notre quotidien semble se nicher entre ces figures totems.

Kerry, un sacré brin de fille toujours en délicatesse avec la justice, débarque dans le bourg de Durrongo avec ses grosses bottes de cuir et sa Harley pétaradante qui fait sa fierté et son honneur. Elle fait halte à la sortie du bourg tandis que l'injurient trois corbeaux dédaigneux envers cette stupide blackfellah qui semble s'être trompée de route…
Rien, rien, RIEN de se qui se produit ensuite n'aura de conséquence ; de la bête la plus petite à l'arbre le plus grand, du terrible serpent brun aux corbeaux croassants, des sables antédiluviens à l'air chargé de bonnes et de mauvaises nouvelles, tout aura un impact dans la suite des évènements.
Ainsi va la vie dans le bush.

Le livre, dédié à son frère qui plongeât dans une rivière pour lui sauver la vie, commence fort et se poursuit à « tombeau ouvert », au sens propre comme au figuré.
En préambule le rappel d'une affaire issue des archives d'audiences criminelles d'une Cour de District où on apprend qu'une fille aborigène [Christina Copson] a été inculpée pour avoir tiré sur son agresseur qui tentait de la violer sous le seul prétexte qu'elle n'était, selon lui, qu'une gin, c'est-à-dire une « trainée aborigène » et qu'il avait bien le droit d'en faire ce qu'il voulait (sic)… Dans la confusion, le déni ou la provocation, la Justice – comme on le sait aveugle – semblant préférer mettre tout le monde sous les barreaux plutôt que de paraitre laxiste, a punis l'un et l'autre.
Melissa Lucashenko met aussi en garde le lecteur quant à la violence de certaines actions évoquées ici et là qui pourraient paraître très exagérées et qui pourtant furent tout à fait réelles ; le livre repose sur des faits ayant été vécus soit par des membres de sa propre famille – [ils] ont subi au moins une fois dans leur vie la plupart des faits de violence évoqués dans ces pages – soit tirés d'archives historiques, soit encore véhiculés par l'histoire orale aborigène.

Ce roman puissant est basé sur l'injustice faite aux Aborigènes depuis la spoliation de leurs terres par l'Empire Britannique dès 1770, alors que le lieutenant James Cook prenait possession des deux tiers de l'Australie pour la raison que l'île-continent paraissait inoccupée. Par la suite, la privation de nationalité aux aborigènes, la substitution des enfants arrachés à leurs mères et placés dans des orphelinats, ou la destruction de sites aborigènes par des sociétés minières ont poursuivis l'oeuvre destructrice…
En 1847, un certain E.W. Landor déclarait : « Nous nous sommes emparés de ce pays, nous avons abattu ses habitants, jusqu'à ce que les survivants aient jugé sage de se soumettre à notre autorité. »

On vola la terre, puis on s'empara des jeunes femmes, des jeunes enfants…
On piétina des sols sacrés, des symboles, des évidences…
On nia une culture, une langue, des actes innommables.

Ce beau roman mérite d'être lu. C'est aussi un voyage pour l'âme, en communion avec les Forces du Vivant.


Comme le chante MIDNIGHT OIL dans BEDS ARE BURNING :
Out where the river broke the Bloodwood and the desert oak (Là où la rivière s'est arrêtée, le Bloodwood et le chêne du désert)
Holden wrecks and boiling diesels steam in forty five degrees (Les épaves d'Holden et les diesels bouillants grésillent à quarante cinq degrés)
The time has come To say fair's fair to pay the rent To pay our share (Le moment est venu de dire qu'il faut être juste, payer le loyer, payer notre part)
The time has come a fact's a fact It belongs to them let's give it back (Le moment est venu ; un fait est un fait, cela leur appartient, allez, rendons-le.)
Commenter  J’apprécie          161
Des ennuis avec la justice obligent Kerry Salter à quitter le Queensland et à revenir dans sa ville natale de Durrongo. Un retour qu'elle redoute tout particulièrement. Son grand-père, Owen Addison dit Pop, est mourant et les relations avec sa famille sont toujours aussi tendues. Sa mère ancienne alcoolique ne se remet pas de la disparition de sa fille Donna une vingtaine d'années auparavant. Son frère aîné qui a été plusieurs fois en prison vivote depuis à la maison délaissant totalement son fils.

Un évènement extérieur va venir ébranler encore plus les Salter et envenimer un contexte familial déjà tendu, voire explosif. le maire de la ville, Jim Buckley, a décidé de lancer un projet immobilier sur les terres ancestrales de cette famille issue de la nation bundjalung, un peuple aborigène de l'Est de l'Australie. Bien décidés à défendre leurs droits sur ces terres sacrées où sont enterrés leurs ancêtres, Kerry et sa famille vont se révolter contre ces « whitefellas » qui veulent les spolier.

Entrer dans ce roman n'est pas chose aisée.
En accord avec l'autrice, l'éditeur a volontairement choisi de conserver les termes aborigènes, sans lexique, ce qui nécessite un petit temps d'adaptation. La suite de la lecture n'en souffre pas une fois familiarisé avec ces différentes expressions.
En revanche le récit intègre de très nombreux personnages qu'il m'a été parfois bien difficiles d'identifier. le choix d'appeler Kenny le frère de Kerry n'aide clairement pas non plus à la bonne compréhension des évènements, confusion accentuée par des dialogues pas toujours très clairs.

Passé ces petits freins à la lecture, le récit offre un témoignage important sur les conditions dans lesquelles vivent aujourd'hui les aborigènes. Comme les peuples autochtones des autres régions du monde, ils se sont vus privés de leur identité, de leurs croyances, de leur langue et de leurs terres à l'arrivée des colons en Australie. Les conséquences pour les « blackfellas » sont généralement terribles : pauvreté, alcoolisme, drogues, violences intrafamiliales. le récit est à l'image de tous ces maux qui touchent les aborigènes. Percutant, sans concession, il transpire la rage, la détermination, parfois le désespoir qui rongent ces personnages. Reste alors l'espoir pour eux de pouvoir se reconnecter avec leurs racines et leurs traditions pour retrouver le sens et l'âme de la communauté.
Commenter  J’apprécie          100
J'ai été happée par la couverture et par le résumé de ce livre qui me semblait pour le moins original. Effectivement, à travers ce roman, j'ai appris énormément de choses sur le traitement des aborigènes en Australie. L'auteur prend dès le départ pour exemple, les violences et mauvais traitement infligés à sa famille, Pourtant, elle arrive à rendre les choses drôles et analyse les choses calmement. Au delà de ce qui s'est passé, l'auteur avec son style assez percutant et le recours courant à l'emploi de mots aborigènes rend le récit et la culture très vivante, ce qui est le meilleur contrepied à la volonté d'éliminer/dresser un peuple.
Je ressors enrichie de cette lecture et de tout ce que j'ai appris. J'ai aussi rencontré des personnages haut en couleur, comme Kerry.
Merci à Seuil et Netgalley pour cette lecture.
Commenter  J’apprécie          90
Deuxième livre de la collection «Voix autochtones» consacrée par les éditions du Seuil aux peuples premiers, «  Celle qui parle aux corbeaux » est l'oeuvre de Melissa Lucashenko, une auteure bundjalung , peuple aborigène australien vivant sur la côte est de l'Australie.

C'est donc dans cet univers plutôt méconnu que nous faisons connaissance avec Kerry Salter, jeune blackfella qui revient dans sa ville natale, une petite localité rurale de Nouvelles Galles du Sud de 320 habitants, au chevet de son grand-père mourant et y retrouve sa mère Pretty Mary, qui tire les cartes au marché local, son frère Ken «  un mètre quatre-vingt-huit et une épaisse musculature héritée d'années de basket et de football australien », alcoolique et violent à ses heures et qui a déjà tâté de la prison, et son neveu Donny « trop silencieux, trop doux. Trop intéressé par les insectes et les oiseaux […..] Une chochotte mollassonne » aux yeux de son père . Autour d'eux gravitent d'autres frère, soeur, oncles et tantes … Lucashenko trace un portrait violent et drôle à la fois d'une famille totalement dysfonctionnelle, qui règle les comptes avec son passé, mais fait bloc quand les terres ancestrales sont menacées par le projet de construction d'une prison.

Le livre est une plongée dans la culture et les mythes des blackfellas bundjalung et leurs relations difficiles avec les whitefellas ou « sessauvagesnormauxblancs » qui ne les respectent pas. Ces termes aborigènes parsèment le livre, volontairement non traduits mais cela ne gêne en rien la lecture.

Un roman qui parle plus globalement des traumatismes laissés par la violence de la colonisation, de l'expulsion des autochtones et la négation de leurs droits et de leur culture , qui se répercutent encore sur les jeunes générations.
Mais ne vous y trompez pas : si les thèmes abordés paraissent lourds, il est aussi question de résilience et de réconciliation autour de quelques figures bienveillantes, et le ton vif et mordant du roman en fait une lecture fort plaisante !

Bravo aux éditions du Seuil pour cette collection originale (et celle belle couverture !) et merci à elles et à Babelio qui m'ont permis de découvrir cette culture aborigène que je ne connaissais pas vraiment.
Commenter  J’apprécie          90
Ce livre met en lumière la population autochtone d'Australie et décrit les injustices passées et présentes auxquelles sont confrontés les Blackfellas.
Le gouvernement a essayé de tout changer mais rien n'a changé et les inégalités ont persisté.
Même si cette histoire est triste et empreinte d'un certain désespoir, l'auteur sait la traiter avec un brin d'humour.

Après un début difficile et après une cinquantaine de pages, j'ai trouvé l'histoire de ce peuple émouvante, et en même temps surprise de découvrir que rien n'avait changé pour les Aborigènes.
Commenter  J’apprécie          80



Lecteurs (272) Voir plus



Quiz Voir plus

L'écologiste mystère

Quel mot concerne à la fois le métro, le papier, les arbres et les galères ?

voile
branche
rame
bois

11 questions
255 lecteurs ont répondu
Thèmes : écologie , developpement durable , Consommation durable , protection de la nature , protection animale , protection de l'environnement , pédagogie , mers et océansCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..