Voilà bien longtemps qu'on n'avait ouvert un livre d'
Amin Maalouf.
Les désorientés : un titre qui semble marcher dans les traces des bienveillantes et autres adjectifs substantivés, mais qui cache en réalité un jeu de mots qui invite au voyage vers l'est, au coeur de la civilisation levantine.
D'autant plus que, même si aucune ambiguïté n'est laissée, le Liban n'est jamais cité expressément.
[…] Ce pays bien-aimé dont je redoute d'écrire le nom.
Élégante astuce, s'agit-il de rappeler une célèbre Disparition ?
[…] Ce n'est pas à toi que j'apprendrai que notre Levant est perdu, irrémédiablement.
Le roman est partiellement autobiographique qui raconte la vie d'Adam et d'une bande de copains.
Adam était depuis fort longtemps expatrié.
Il était fâché depuis de longues années avec son pays.
[…] Choisir l'exil plutôt que de vivre au pays les mains sales.
Fâché également avec son meilleur ami Mourad qui lui, avait choisi les compromissions des vendettas et des notables de guerre, et qui vient de décéder au Liban, pardon au Levant.
Pour Adam, le temps est désormais venu de la mémoire, des réconciliations, des retrouvailles avec les ami(e)s et avec le passé. Il retrace les trajectoires des uns et des autres et c'est toute l'histoire récente du Liban qui défile ainsi, de guerre civile en guerre civile.
Il faut reconnaître que de temps à autre certaines digressions introspectives d'Adam (un roman très américain) lassent un peu : on s'intéresse moins aux atermoiements du Adam d'aujourd'hui qu'à ce qu'il nous raconte de lui et ses ami(e)s au fil des années passées, mais la prose d'
Amin Maalouf est fluide et se lit très facilement, de la belle langue, où plusieurs voix se mêlent : les lettres des uns et des autres, d'aujourd'hui et d'hier, un journal de bord et le récit même de l'auteur, …
Et puis si cet Adam à la noblesse rigide et intransigeante, pétri de convictions inébranlables, si cet anti-héros ne nous attire guère, c'est peut-être justement pour qu'on s'intéresse aux autres, à ses ami(e)s, à tous ces autres personnages qui gravitaient autour de lui dans les années 70-80 et qu'il retrouve aujourd'hui, vingt ans plus tard.
Il faut apprécier cette prose fluide et ample.
Un roman pas inintéressant comme le dit l'auteur mais où l'on apprend finalement peu de choses sur les événements du Liban, pardon du Levant. Si c'est par souci d'universalité, c'est dommage et présomptueux.
Un récit parfois un peu plombé par la bienveillance oecuménique du message trop insistant d'
Amin Maalouf : faisons preuve de tolérance, d'empathie et de compréhension, tout le monde il est pas vilain et même plutôt gentil, les juifs persécutés, les catholiques illuminés, les musulmans barbus, et même les gays, … on ira même jusqu'à un couplet sur l'amour libre, soixante-huitard sur le tard.
Si l'on avait voulu se montrer inutilement méchant (mais bien sûr ce n'est pas le cas), on aurait dit qu'une fois savouré ce gros loukoum, on a les doigts tout poisseux de sirop de miel.
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