Nous sommes dans les années 70 en république populaire du Congo, du coté de Pointe-Noire, la capitale économique de ce pays. C'est un régime marxiste-léniniste qui s'applique. Michel a entre neuf et dix ans. Il est le fils unique de maman Pauline et il fait partie de la grande famille de papa Roger qui l'a choisi pour fils.
Son oncle René est un marxiste exalté donnant une place importante à Marx, Engels et
Lénine dans son salon et qui n'hésite pas en parallèle à spolier son entourage familial de tous les biens matériels issus des héritages successifs.
Michel nous conte les personnages hauts en couleur de son enfance dans un quartier populaire de Pointe-Noire et l'apprentissage de la vie d'un mome. Par l'amitié de Lounès, le fils du tailleur du quartier. Par l'amour de Caroline, la soeur de Lounès. Par la rivalité de Mabélé, un prétendant de Caroline, footballeur, castagneur et lecteur de
Marcel Pagnol. Par le sens des responsabilités de papa Roger. Par la folie de Petit Piment, qui fut dans un autre vie un étudiant en philosophie et un cadre d'entreprise. Par la détresse de sa mère dans son désir de concevoir d'autres enfants. Par maman Martine, sa deuxième mère...
Ce que le regard de Michel restitue, c'est à la fois l'atmosphère de ce quartier, l'ambiance d'une époque où etre traité de "capitalistes!" ou "impérialistes!" au Congo était la pire des insultes. Mais
Alain Mabanckou brosse également par les nouvelles que papa Roger écoute de la voix de l'Amerique, les hauts faits de l'actualité internationale de l'époque, comme les frasques d'Idi Amin Dada, la chute et les pérégrinations du Chah d'Iran, la neutralisation de
Jacques Mesrine ou les otages du Liban...
Je trouve très interessant la manière avec laquelle il rappelle combien cette actualité façonne l'imaginaire de la jeunesse de ce que l'on appelait le Tiers monde. Michel écoute avec la meme attention que son père, ce poste radio ainsi que les interprétations passionnées de papa Roger.
Ce roman alterne à la fois entre la réalité de ce que Michel voit autour de lui et cette intrusion du lointain.
Mabanckou utilise une écriture qui permet d'exprimer le ressenti de Michel, de mieux rentrer dans l'imaginaire en gestation de cet enfant. de comprendre ses mécanismes de défense face l'absurdité des choix des adultes ou encore dans une lutte féroce pour gagner le coeur d'une fille. Par les mots plutot qur par les poings.
L'interet de ce roman réside dans ces petites étincelles d'émotion que nous transmet Michel, dans son désir d'etre accepté et d'etre aimé.
Pour terminer, il est difficile d'évoquer un texte du romancier congolais sans les références littéraires qu'il sème avec extase dans ses livres. Il y a en une qui traverse tout l'ouvrage : celle à
Arthur Rimbaud. dont le visage sourit à Michel. C'est assez amusant de voir cet enfant se débattre pour tenter de rentrer et comprendre un texte de ce poete.
Un roman qui m'a replongé dans une époque où je revais d'avoir 20 ans jour. Ce titre,
Demain j'aurai vingt ans, est inspiré d'un vers de Tchicaya U Tam'si, celui qu'on appelait aussi le
Rimbaud noir. Un très beau roman.
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