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3,62

sur 211 notes
C'est la première fois que je lis un roman écris à la 2e personne du singulier. C'est troublant, étrange, mais en fait ça fonctionne très bien. Derrière l'emploi du "TU" se cache Liwa. Cela instaure un rapport particulier avec le personnage principal, une promiscuité forcée.

Mabanckou est un formidable conteur, maniant l'humour et esquissant de très bons portraits. La 2e partie du livre est construite comme une galerie de personnages qui se succèdent et racontent leur histoire. Derrière chaque récit, le sujet du livre se déploie.
A travers ces histoires, mais surtout à travers celle de Liwa, dans le monde des vivants et des morts, Alain Manbanckou parle de la lutte des classes dans un pays où la tradition, la sorcellerie et la corruption semblent omniprésentes.
Je le relirai avec plaisir !
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Alain Mabanckou nous raconte, sous la forme d'un conte africain en trois parties pleines de truculence, les aventures post mortem du jeune Liwa Ekimakingaï, 25 ans, aide cuisinier de son état, mort prématurément après la nuit du 15 août (fête nationale du Congo), au désespoir de sa grand-mère adoré, Mâ Lembé et expulsé vigoureusement de sa tombe, à peine inhumé. Pour se venger ?
Dans la première partie, Liwa, découvre avec surprise sa condition nouvelle de défunt revenu sur terre, assiste en rêve à sa veillée funèbre de 4 nuits selon la coutume de son ethnie et revit certaines scène marquantes de sa courte vie comme, par exemple, la mort de sa mère à sa naissance ou l'épisode mystique de sa grand-mère chez les Évangélistes…
Dans la 2ème partie, plus artificielle, le héros, bien réveillé cette fois, rencontre plusieurs autres défunts haut en couleur de son cimetière Frère-Lachaise qui l'éduquent sur les règles de sa nouvelle « vie » en lui racontant leur propre vie et mort, souvent peu communes, comme autant de récits dans le récit.
La dernière partie, plus en continuité de la 1ère, nous raconte, enfin, son décès lié à sa rencontre avec la belle Adeline et les actions qu'il va mener pour retrouver la paix.
Un style très imagé pour nous faire découvrir la vie quotidienne animée des habitants de la ville de Pointe Noire, et en particulier du quartier des 300, faite de pauvreté, de travail, d'entraide, de débrouille et d'arnaques aussi. Une vie marquée également par le poids des différences sociales et ethniques écrasantes, jusque dans la mort, de la corruption omniprésente sans laquelle rien ne fonctionne et par-dessus tout de la magie et de la sorcellerie, gratifiant business censé régler tous les problèmes… ou en créer de nouveaux!
Un livre savoureux, parfois un peu répétitif (2ème partie) qui sonne souvent vrai et fait vivre avec amour mais aussi férocité ce petit peuple congolais où vivants et morts peuvent cohabiter (presque) naturellement !
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RENTRÉE LITTÉRAIRE 2022📚

Allez, suivez-moi, je vous emmène en promenade. On va se balader en plein coeur du cimetière Frère-Lachaise de Pointe-Noire, au Congo. On y a rendez-vous avec Liwa, qui vient de mourir. Tiens, le voilà d'ailleurs qui sort juste de sa tombe, l'occasion pour lui de découvrir les autres défunts qui l'entourent.

Quoi ? Un petit gueuleton avec des fantômes au milieu des tombes, ça ne vous tente pas ? Vous avez tord, franchement. Parce que tous les personnages qui vont croiser la route mortuaire de Liwa vaudront le détour. le DRH de la Lyonnaise des Eaux, l'artiste, Mamba Noir le gardien du cimetière, Papa Bonheur le pasteur, Mâ Mapassa dont les jumeaux ont été empoisonnés. Chacun représente un morceau d'âme humaine.

Liwa, avec son allure bizarre et se vêtements bigarrés, décide de retourner voir sa grand-mère, Mâ Lembé, qui l'a élevé lorsque sa mère est morte. Liwa pense que sa mort est injuste et il souhaite régler ses comptes, et pourquoi pas, finalement, se venger, puisqu'il est autorisé à revenir chez les vivants malgré son statut de mort. Il déambule donc dans la ville, l'occasion pour Alain de nous faire découvrir la capitale du Congo, ses quartiers riches et ses quartiers pauvres, de nous parler corruption et lutte des classes. le rapport avec la mort est présenté avec beaucoup de détails. La mort est considérée comme une autre vie, peut-être meilleure ; l'auteur nous parle des coutumes, de l'organisation des funérailles, avec notamment les chanteuses-danseuses-pleureuses. J'ai trouvé cela très intéressant. Découvrir une autre culture est toujours enrichissant.

« Tu revois le deuxième jour de tes funérailles. Des femmes qui chantent, qui dansent et qui pleurent tout autour de toi. Tu es sous l'emprise de leur charme, tu perds la sérénité habituelle des dépouilles. Tu contient difficilement l'envie de quitter ton lit de mort, de passer ton bras autour des reins de la plus belle de ces créatures et d'exécuter avec elle la fameuse danse des Bembés, le Muntutu. »

La partie historique avec le chapitre consacré à Kimpa Vita, la Jeanne d'Arccongolaise, est passionnante. Les femmes tiennent une place prépondérantes dans le récit d'Alain. Que ce soit la grand-mère de Liwa ou encore les femmes du Grand-Marché, avec leur organisation honnête et courageuse, avides d'aider les plus faibles et les plus pauvres.

« C'était ce qu'elles appelaient le Likelemba, un système de crédit sans taux d'intérêt fondé sur l'honneur, la parole, la confiance réciproque et une véritable amitié. »

La construction avec le « tu » a été assez déstabilisante au début. J'ai dû m'habituer au style, je l'avoue. Mais ce mode de narration permet le dialogue entre Liwa et le lecteur, et de ce fait, une totale immersion dans le récit. J'ai eu l'impression de « vivre », enfin d'être morte aux côtés de Liwa, de partir moi aussi à la découverte de son passé, entourée des chanteuses-danseuses-pleureuses. La plume de l'auteur est élégante, poétique, drôle et riche.

« le commerce des allongés » est à la fois drôle, léger, mais aussi d'une belle profondeur. Il apporte au lecteur une bonne base pour approfondir l'histoire de ce pays. C'est ce que j'ai fait d'ailleurs, posant le roman régulièrement pour aller fureter sur internet.

Un road trip macabre faisant penser à un conte, où les personnages, qu'ils soient morts ou vivants, plongent dans leurs souvenirs, au milieu d'un pays à la fois sombre et fascinant. La couverture est juste parfaite, elle attire et Liwa est représenté tel que je me le suis imaginé tout le long de cette lecture, avec son pantalon mauve pattes d'eph et sa veste orange.

Une très belle découverte, un roman vraiment surprenant que je vous conseille.

« Tu es un morceau de bois sec emporté par le courant de tes illusions, et tu ne pourras plus éviter ce quatrième jour de tes funérailles, c'est-à-dire ton dernier jour sur terre, incontestablement le plus important car, si tu avais un mot à dire, il faudrait le prononcer là, après ce sera fini. Pour de bon… »

#Lecommercedesallongés #AlainMabanckou #Seuil #RentréeLittéraire2022
Lien : https://soniaboulimiquedesli..
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Bière qui roule n'amasse pas mousse !

Congo, Pointe-Noire, cimetière du Frère-Lachaise (le cimetière des pauvres)

Un cyclone violent vient d'ébranler le sol comme les sépultures alentours et de la sienne, toute fraîche encore, émerge péniblement Liwa, étonnamment surpris de s'extraire de sa bière. Il se trouve drôlement attifé pour un tel lieu, bariolé de couleurs criardes de la tête aux pieds.
Désorienté aussi, chamboulé, tourneboulé même.
Sens dessus dessous.
Plus aucun repère au sortir de ce mortuaire repaire.
Rien ! Que dalle (funéraire) !
Tombé de sa tombe, voilà qui n'est pas banal ! Serait-ce une mise en boîte que cette sortie de cercueil ?

Un rêve insolite l'extrait de la moite pesanteur de l'ossuaire puisque maintenant il vole dans le ciel par-dessous les toits (si bleu, si calme).
Loin de son oreiller, ses rêveries emplumées vont le mener à survoler les différentes étapes de sa courte existence, de la couche au tombeau, lui qui plane au-dessus de son propre cadavre que pleurent ses proches éperdus de chagrin, durant les quatre jours que durent les funérailles qu'il finira par suivre, lui aussi (mais sans les commentaires de Stéphane Bern, sûrement occupé ailleurs) le long des boulevards et artères encombrés.

La nuit, tous les chagrins sont gris.

L'est-il lui aussi, gris, pour voluter de la sorte, comme la fumée vaporeuse d'une tabagie hallucinogène excessive ?
Et ce songe post-mortem va même lui faire remonter le temps bien en amont de sa propre existence, puisque sa grand-mère comme sa mère viennent hanter ses pensées évanescentes dans des scènes cocasses parfois anciennes et hautement folkloriques pour certaines (ha, la plainte à la gendarmerie).

Ce media hallucinatoire permet alors au narrateur de nous brosser le fonctionnement de la cité-bidonville dominée, un temps, par le pasteur autoproclamé de l'église évangélique ‘grâce à dieu' dont l'attitude équivoque (euphémisme) suscitera bien des interrogations (interrogatoires) qui lui vaudront une funeste fin peu enviable pour une fine lame.
Chaque chapitre devient alors un épisode épique de cette saga africa (ambiance de la brousse, attention les secousses) et se termine par un cliffhanger qui nous tient en suspens (c'est la définition même) et nous interdit de refermer ce livre.

Nous sommes hameçonnés !

En un flashback Lelouchien (Chabada bada, chabada bada…), on devine la vie et l'influence de sa pittoresque grand-mère comme les secrets de la naissance de sa propre mère ou les traditions ancestrales qui gèrent la cohabitation des différentes tributs et castes sociales composant la population éclectique de la ville tentaculaire.

Comme si cet onirique voyage au dessus de son quartier et de son convoi funéraire ne suffisait pas à perturber Liwa, le voilà qui se retrouve de nouveau égaré et bigarré sur sa propre bière tombale toute fraîche (c'est meilleur) à entreprendre de faire connaissance avec son nouvel environnement géographiquement quadrillé.

 Agacé par certaines épitaphes mal orthographiées, il se met en tête de les corriger quand vient à passer un autre trépassé au passé compassé qui le met en demeure de respecter les dernières de ses condisciples.

Croix de bois, croix de fer, si je meurs, je vais au…cimetière (un peu de logique, que diable !)

Ce trépassé lui raconte sa vie passée de haut fonctionnaire dépassé par les événements, qui a fait ses études et le début de sa carrière en France avant de se faire abuser grave à son arrivée au pays, obligé, de son avenir brillant faire tintin au Congo.
Il lui révèle surtout être l'âme responsable de cette partie de la nécropole où il résidera désormais (le DRH), âme parmi les âmes qui vivent leur éternité dans ce monde parallèle qu'il vient de découvrir à son corps défendant.

D'autres figures éteintes viendront accueillir ce nouveau-mort et former une galerie étonnante autour de Liwa pour le dissuader de retourner se venger de son brutal et tragique trépas dans le monde des vivants.
Y parviendront-ils ou son besoin sera-t-il si vivace que le jeune macchabée cadavérique fera la morte oreille ?
Pourquoi se venger, d'ailleurs ? Dans quelles conditions est-il passé de vie à trépas ? Qui devrait se sentir en danger de cette vengeance envisagée ?

Voilà là (itou) une originale radiographie d'un pays qui fut longtemps une colonie française à travers cette galerie de portraits atypiques, ces parcours insolites ou se côtoient des espoirs, des regrets, des désillusions, des sacrifices ou des farces et des feintes pour ces vies défuntes et défaites par la corruption, les magouilles ou les traditions, les croyances tenaces et les trafiquants…d'âmes !

Qui sait quelles séquelles infinies trimballent les disparus qui, contrairement à ce que chante Brassens, ne semble pas passer leur mort en vacances si on en croit ce récit  ?

Une lecture enthousiaste entreprise pour avoir entendu l'auteur sur Inter dans une interview passionnante et riche en expressions colorées et si dépaysantes. Une verve implacable, une farce aux allures de pamphlet, une certaine vision de l'Afrique ou coups d'états et sorciers maléfiques rythment le cours de la vie publique.
J'ai rêvé d'un autre monde..

Un conte fantaisiste et fantastique ou les morts aux dents blanches règlent leur compte aux vivants aux dents longues.
Mordant !
 
 
 
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Liwa Ekimakingaï a 25 ans, peu ou prou. Il est commis de cuisine à Pointe-Noire , au Congo. Il porte une veste orange vif, une chemise vert fluo, des chaussures Salamander vernies et rouges, il pue le parfum libanais .
Et surtout, Liwa est mort.
Il vient de s'en rendre compte, lorsqu'un tourbillon d'énergie le propulse hors de sa tombe du Frère-Lachaise et le laisse là, pantelant, la vision troublée, les idées en bataille.
Comment en est-il arrivé là ? Il ne le sait plus trop bien; tout ce qu'il sait, c'est que sa position est particulièrement malcommode, que ses vêtements sont ridicules et qu'il voudrait rentrer chez lui. Auprès de Mâ Lembé, sa grand-mère, celle qui l'a élevé tant bien que mal pour qu'il devienne un Monsieur. La femme de sa vie, qui a mené une existence de misère au marché mais a gagné le respect de la communauté entière.
Et c'est pourquoi, dans la parcelle de Mâ Lembé, on organise quatre jours de funérailles princières pour Liwa, le cadavre. Sous les yeux de Liwa, l'esprit. Quatre jours qui font ressurgir un à un ses souvenirs d'enfance, d'adolescence. Quatre jours de quête qui l'amènent à discuter avec d'autres défunts, qui effeuillent un à un les souvenirs naïfs de Liwa mais aussi ceux d'un pays malmené par les puissants, les sorciers et les féticheurs. Un pays violent et sensuel, un Congo qu'on n'imagine pas depuis nos brumes européennes, un pays plein d'une féroce ironie, dont on dit parfois qu'elle est la politesse du désespoir.
Au terme du deuil qu'il accomplit, de ce deuil de lui-même, Liwa Ekimakingaï trouvera une raison de vivre sa nouvelle vie dans l'au-delà. Et chacun de ses lecteurs portera lui aussi , un peu, le deuil de ce personnage attachant.
Une lecture surprenante, dérangeante par bien des aspects, mais assurément enrichissante.
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Mabanckou est décidément un grand conteur même s'il écrit aussi de la poésie, des récits, des essais. En France, on l'a découvert avec Verre cassé et Mémoires de porc-épic, il me semble. C'est dans les essais que l'on découvre sa grande culture mais ses romans nous emmènent souvent à Pointe Noire (du "petit Congo" comme il dit) où il raconte son enfance avec truculence et la vie d'autres congolais.Mon livre préféré est un très bel album pour enfant: Ma soeur-étoile.
J'ai récemment rencontré Mabanckou à Manosque: il était vêtu comme le personnage de couverture: pantalon de velours violet et pull orange (je n'ai pas fait attention aux chaussures ni au noeud papillon!)
Ce livre n'est pas mon préféré mais cette curieuse vie après la mort interpelle. Plus sérieusement on y voit la lutte des classes jusqu'aux cimetières: un pour les riches et le Frère Lachaise pour les autres.
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J'ai découvert l'auteur lors d'une émission télé (La Grande Librairie). Sa verve, sa culture et son humour m'ont tout de suite donné envie de lire cet opus.
La première partie du livre, correspondait bien à ce que j'attendais : un conte plein d'humour,de truculence mettant en scène la vie des morts dans un cimetière congolais. Enfin dans les 2 cimetières de la ville puisque riches et pauvres ne se mélangent pas dans la mort.
On suit l'arrivée au cimetière de Liwa Ekimakingaï , on revisite sa veillée mortuaire, puis le temps de son adaptation à sa nouvelle condition.
Puis viennent rencontrer Liwa les figures les plus marquantes des morts du cimetière.
Je n'en dis pas plus un réel plaisir de lecture on voyage loin, là bas, dans ce cimetière.
Las la dernière partie où est présentée l'origine de la mort de Lewi, où est dénoncée la corruption institutionnalisé, m'a paru nettement moins riche et du coup moins captivante. J'ai lu en diagonale pour connaitre la fin de l'histoire.
Certains Babelionautes indiquent ci-avant que ce livre n'est pas le meilleur d'Alain Mabanckou ==> Il va falloir que je tente un autre écrit de lui.
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Le soir de la fête de l'Indépendance de la République du Congo, Liwa Ekimakingaï, notre héros, meurt.
On le suit alors dans le cimetière de Frère-Lachaise à Pointe-Noire où il assiste à sa propre veillée funèbre et à son enterrement.

Dans ce cimetière, il rencontrera une galerie de personnages hauts en couleurs aux histoires plus fascinantes les unes que les autres.

Sur fond de traditions africaines avec une pointe de mystique, la belle plume d'Alain Mabanckou nous embarque dans le royaume des morts où Liwa cherche à savoir ce qui lui est arrivé…
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Le jeune Liwa émerge d'un profond engourdissement, et très vite, tout comme lui, nous nous rendons à l'évidence : c'est au royaume des morts qu'il reprend progressivement conscience, plus précisément dans le cimetière du Frère-Lachaise, à Pointe-Noire, capitale de la République du Congo. Il aura beaucoup affaire, entre la découverte de ce monde nouveau, peuplé de défunts hauts en couleur de la société congolaise, et les visites au monde des vivants dans lequel il a encore des choses à accomplir. Après une enfance joyeuse, au milieu des danses et des odeurs de beignets de la rue du Joli-Soir, qu'a-t-il pu arriver à Liwa pour être si brutalement séparé de Mâ Lembé, sa grand-mère ? Reparcourant le fil de sa vie et le passé de sa famille, il part en quête de vérité, et de réparation.
Grâce à l'usage d'un « tu » s'adressant à la fois au personnage et au lecteur, Alain Mabanckou nous guide à travers une culture où les morts sont aussi agissants que les vivants. C'est avec un bonheur presque enfantin, que nous acceptons que les frontières s'abolissent, dans ce récit onirique où l'humour n'affaiblit en rien l'expression d'un vrai besoin de justice sociale et d'égalité entre les sexes.
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Quelle importance a la mort s'il est toujours possible de conclure quelques frasques les deux pieds en avant ? Définitivement aucune, si ce n'est se faire de nouveaux compères dans l'ultime demeure de terre et de pierre. Cette année, Alain Mabanckou se délecte d'un récit morbide faisant fi des commodités du réel. Epopée fantastique et surnaturelle, le commerce des Allongés publié aux éditions du Seuil casse les codes et empoigne le lecteur dans un règlement de comptes qu'il n'est pas près d'oublier.

Liwa Ekimakingaï menait une existence plutôt simple de cuisinier à l'hôtel Victory Palace de Pointe-Noire. le jeune homme vivait chez Mâ Lembé, sa grand-mère, sa génitrice étant morte en couche. Il avait presque tout à l'exception d'Adeline, une sublime jeune femme rencontrée un soir de 15 août lors de la fête de l'indépendance. Elle répondait à ses avances mais gardait toutefois un semblant d'inaccessibilité. Voilà une histoire plutôt commune si le jeune congolais ne s'était retrouvé quelques jours plus tard en train d'assister à sa propre veillée funèbre au cimetière du Frère-Lachaise. Famille et chanteuses-pleureuses sont désormais là pour célébrer le défunt durant quatre jours, après quoi il pourra s'en aller en paix. Mais trop de détails échappent à ce prématuré d'outre-tombe pour un quelconque repos éternel, il est temps d'enquêter, et pourquoi pas de se venger ?

Alain Mabanckou embarque son lecteur dans un excellent roman plus cocasse que jamais, il faut bien se l'avouer, entre les voisins de l'autre monde – un DRH à l'épitaphe truffée de fautes, une femme-corbeau inquiétante, et le cimetière qui défie quelques lois scientifiques. Si tout devient obsolète, la quête amoureuse reste intacte pour retrouver la chère Adeline dont le personnage principal est obsédé. Qu'elle prenne une tournure surnaturelle n'a donc rien de surprenant, le commerce des Allongés brille par cette hybridité particulièrement bien dosée pour nous égarer de temps à autre, nous rattraper au vol et nous faire retomber sur nos pieds quand il est nécessaire de mettre le point sur quelque chose.

Ce quelque chose, c'est tout l'aspect social dressé dans le roman par l'écrivain franco-congolais qui n'hésite pas à esquisser les affres d'une société qui s'embourbe dans ses inégalités même la mort aux trousses. S'opposent alors le Cimetière des Riches dans lequel tout le monde rêve d'être enterré et celui où loge Liwa, bien moins prisé par les citoyens de Pointe-Noire. Rythmée, l'intrigue offre une tératologie sociétale qui en dit malheureusement long tout en confrontant ceux qui profitent du système monétaire et ceux qui le subissent. Soulevant invariablement des questions fatalistes que nous serions tous en mesure de nous poser sur les inégalités qui sévissent, Alain Mabanckou inquiète et fascine tout en proposant un récit terriblement plaisant. Sa légèreté macabre et décalée (que l'on aime secrètement ou non retrouver dans sa plume) prête à bien des sourires cyniques mais sincères.

En définitive, c'est un contraste maîtrisé et politisé qui berce le lecteur au coeur des luttes sans oublier l'absolue beauté de l'imaginaire culturel et ancestral congolais.
Lien : https://troublebibliomane.fr..
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