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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai fini il y a déjà quelques jours… cet essai captivant d'Alain Mabanckou .Exemple vivant d'un citoyen du monde… qui analyse, décortique, élargit le débat pour ne pas tomber dans des affirmations manichéennes ou trop simplistes.

Un long moment que j'avais en tête de découvrir les textes de cet écrivain…une rencontre avec Alain Mabanckou, à la Médiathèque d'Issy-Les-Moulineaux ce 21 mars…au moment du Salon du Livre, a accéléré ma décision ; tant je l'ai trouvé passionné,... passionnant, ...dans l'enthousiasme de son poste d'enseignant de littérature de langue française, aux Etats-Unis…

Ainsi je me suis plongée dans « le Sanglot de l'homme noir » (référence à l'essai de Pascal Brückner )…réflexion dans laquelle il s'adresse à son jeune fils ; chaque intitulé de chapitre fait référence à un texte de langue française : L'Esprit des lois, L'Etudiant étranger, le Soleil des Indépendances, L'Afrique fantôme, etc."
Questionnements, constats, réflexions élargies sur l'identité nationale, le racisme, l'antagonisme historique noirs-blancs, les idées préconçues, l'aveuglement entretenu sur les réalités historiques dérangeantes, mais aussi l'amour de l'auteur pour la langue française et les richesses culturelles, historiques de tous les pays.
Un ouvrage assez court, mais très dense ; un beau texte qui incite à la tolérance et à la réflexion, avant d' "Exclure » quiconque !

Un passage très explicite sur son travail d'enseignant aux Etats-Unis, et de ses engagements :
« Je gagnais bien ma vie en France et j'aurais pu vivre ainsi jusqu'à la fin de mes jours. Il s'agit d'abord et avant tout d'une décision individuelle mûrement réfléchie. Si j'ai accepté d'aller enseigner aux Etats-Unis, c'est parce que je savais que je ne me couperais pas pour autant de cette langue d'écriture qui est la mienne : le français. J'ai exigé d'enseigner le français, ce qui est toujours le cas à ce jour. J'ai aussi souhaité enseigner, outre les auteurs africains, certains auteurs français que j'apprécie. Il se trouve que j'allais, bien malgré moi, devenir l'ambassadeur d'une culture et d'une langue que j'avais reçues par la colonisation. En enseignant les textes d'écrivains africains d'expression française, j'avais pour mission indirecte de veiller à la diffusion de la langue auprès des étudiants américains. Et c'est en Amérique qu'on m'a pour la première fois considéré comme un écrivain français, parce que dans ce pays la couleur de la peau ne définit pas forcément le pays d'origine d'un individu. Je m'exprime et enseigne en français, pour les Américains. Je suis donc naturellement un français. Jamais ils n'ont songé à me demander si je suis un « franco-quelque chose ». (p.114)

Cet ouvrage m'a appris de nombreuses choses quant à l'histoire de l'Afrique, ses littératures…dont le parcours difficile, contesté de l'écrivain , Ouologuem…qui reçut le prix Renaudot 1968, avec « le devoir de violence » ; ce texte polémique, accusé de plagiat fut retiré de la vente. Ce texte reste un roman incontournable de l'histoire de la littérature africaine d'expression française. Texte pour la première fois éloigné des thèmes habituels, et autocritique quant au continent africain ; il dérangea à l'époque l'image que l'on voulait donner des civilisations africaines « avant l'arrivée des méchants européens »...

J'ai fort apprécié cet essai rendu très vivant de par les anecdotes vécues par l'écrivain, qui viennent illustrer ses propos…Dans ce texte, Alain Mabanckou refuse de définir l'identité noire par le ressentiment, le ressassement et la haine du « Blanc »…permanents

Avant d'achever cette note de lecture sur deux autres extraits, je redis mon plaisir et vif intérêt pour l'ouverture d'esprit, la réflexion élargie d'Alain Mabanckou… qui va bien au-delà de l'histoire africaine, de l'hostilité ancestrale des blancs envers les noirs et réciproquement. Ce livre incite à peser le pour, le contre, d'analyser les faits historiques, de prendre de la distance… et de ne surtout pas ostraciser aucun individu, au nom de la race ou d'autre chose. Mise en garde indirecte contre toutes les intolérances…possibles, et célébration de la richesse apportée par la diversité des cultures

« Définir l'homme par le –sang-, c'est privilégier une vision naturaliste au détriment d'une approche humaniste correspondant plus à l'évolution des sociétés actuelles, où l'identité est le résultat d'une diversité de cultures. En somme, il y a deux catégories de Français : ceux qui n'ont rien fait pour l'être, et ceux qui ont entrepris les travaux d'Hercule pour le devenir. Les premiers se croient –naturellement-français » (p.93)

« le fanatisme trouve son terrain d'expérience d'abord entre les hommes d'une même origine, avant de s'étendre peu à peu sur d'autres « races » avec une virulence alimentée par l'esprit de vengeance. » (p.15-16)

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Merci Hugo d'avoir mis en exergue la citation qui suit car elle me sert, aujourd'hui, d'ouverture pour annoncer ma petite participation à la découverte de l'essai d'Alain Mabanckou "Le sanglot de l'homme noir" :

L'esprit des Lumières de Tzvetan Todorov
...Tous les habitants du globe sont, d'emblée, des êtres humains. Ce que les hommes ont en commun est plus essentiel que ce qui les différencie. " Je suis nécessairement homme et je ne suis français que par hasard" déclare Montesquieu. Ceux qui se sentent imprégnés par l'esprit des lumières chérissent davantage leur appartenance au genre humain que celle à leur pays. Denis Diderot écrit à David Hume, le 22 février 1768 : mon cher David, vous êtes de toutes les nations et vous ne demanderez jamais au malheureux son extrait baptistaire. Je me flatte d'être comme vous, citoyen de la grande ville du monde.




Dès les premières pages, Alain Mabanckou s'adresse à son fils afin que celui-ci prenne conscience que son histoire est celle d'aujourd'hui et qu'elle se construit avec des actes d'aujourd'hui et non pas ceux du passé. Il refuse de s'appuyer, contrairement à la plupart de ses frères de couleur, sur les souffrances subies pour définir sa place au sein du territoire français.
"Mon cher petit la pire des intolérances est celle qui vient des êtres qui te ressemblent, ceux qui ont la même couleur de peau que toi. le fanatisme trouve son terrain d'expérience d'abord entre les hommes d'une même origine, avant de s'étendre peu à peu sur d'autres "races" avec une virulence alimentée par l'esprit de vengeance. Ils ont de ce fait, érigé une union fondée sur ce passé mythique au lieu de l'asseoir sur leurs préoccupations quotidiennes."

Autre constatation : Les Noirs de France ne se connaissent pas. Leur origine est diverse et variée. Leur venue en France provient de mobiles personnels et divers. Ils n'ont pas en commun l'histoire esclavagiste comme les Noirs d'Amérique. Leur seule ressemblance est la couleur de peau. Un Malien ne côtoie pas un Antillais. Leur culture est différente.
Pour Alain Mabanckou,"Le défi consiste plutôt à rapporter de nos différentes "appartenances" ce qui pourrait édifier positivement un destin commun et assumé" et non pas se focaliser sur les préjugés occidentaux.

Il exprime aussi l'idée que ce qui définit l'homme n'est pas le territoire. Ses parents étaient français (sans le savoir) puisqu'avant l'indépendance, le Congo était français. de même, il nous montre qu'un ressortissant français, s'il commet un acte répréhensible à l'étranger, c'est bien la France qui sera montrée du doigt, et ce quelque soit la couleur de peau de ce ressortissant. Et en ce qui concerne les jeux olympiques, par exemple, tous les Français s'enorgueillissent quand la médaille d'or revient à un Français, et ce quelque soit la couleur de peau de celui-ci. Alors franco-quelque chose ? Non, Français tout simplement. Une France blanche n'existe plus, que ça déplaise ou non à certains, c'est un fait, une évidence. Mais il faudrait bien que les esprits s'ouvrent et acceptent ce constat, et ce à tous les niveaux. Nos ancêtres les Gaulois ont vécu...

D'aucuns se sont penchés sur l'identité nationale et ont même créé un ministère ad hoc. Mais qui aujourd'hui est capable de faire le portrait-robot du Français ?
Identité nationale, immigration, ces débats existent bel et bien et réapparaissent régulièrement au moment des élections. Il faut s'attirer des voix !

Parmi les réflexions d'Alain Mabanckou, il est aussi celle des écrivains francophones. Faut-il se débarrasser de la langue française pour devenir écrivain africain ? Il semblerait que notre auteur juge ce fait d'acte fanatique. le discours sur l'Afrique ne peut pas être uniquement le reflet de celui qui vit sur le sol africain et s'exprime uniquement avec sa langue maternelle. L'Afrique est multiple et ne relève pas d'une conception unique bâtie sur la nostalgie des actes passés.

Voici quelques unes des réflexions d'Alain Mabanckou. Je n'ai pas développé toutes ses idées. Je vous laisse le soin de les découvrir et de vous forger votre propre regard. Toujours est-il qu'il nous interpelle sur la place des Noirs en France et qu'il le fait souvent en utilisant les rencontres qui l'ont marqué au cours de sa vie et qui lui ont servi à s'interroger et à se construire. Mais, une chose est sûre, c'est qu'Alain Mabanckou est bien un citoyen du monde.

"Définir l'homme par le sang, c'est privilégier une vision naturaliste au détriment d'une approche humaniste correspondant plus à l'évolution des sociétés actuelles, où l'identité est le résultat d'une diversité de cultures."



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Voici un essai qui ne va pas passer inaperçu dans la littérature africaine.En effet, il met à plat les relations de l'homme noir avec son passé et part du principe qu'il faut se construire par soi-même et non en référence à un passé de sueur et de sang. Il ne faut pas restreindre le passé de l'Afrique à l'esclavage et au colonialisme, et vivre dans l'esprit de vengeance.

La reflexion de l'écrivain se construit au fil de ses rencontres multiples, tant en France qu'aux Etats-Unis, et il profite de ces occasions pour analyser les relations de ses interlocuteurs avec cette histoire avec laquelle tous prétendent se coltiner.

Le livre est de lecture facile, agréable. Nous suivons très clairement la pensée de l'auteur, au fil de chapitres faisant allusion à différents auteurs ou textes fondateurs.
Il convoque Pascal Bruckner et la culpabilité des occidentaux envers leur passé colonial.
Dans le passage intitulé ''L'esprit des lois'', il fait référence à la Constitution de la République française qui assure l'égalité de tous devant la loi sans distinction d'origine. Mais s'il faut effectivement dénoncer les dérives racistes et les injustices envers la population noire (je ne dis pas la population africaine, car il faut penser à ceux qui sont nés en France et qui n'ont de l'Afrique qu'une idée parfois mythologique), cette population doit aussi veiller elle-même à ne pas se marginaliser en mettant en avant "des instincts grégaires" anticonstitutionel.
Cet ouvrage pose de multiples questions et essaie d'apporter des éléments de réponse: la place de l'immigration, des immigrés, leurs perceptions dans les différentes politiques, la place de la diversité dans la création des identités nationales.
Alain Mabanckou est écrivain et se pose alors la question du français comme langue d'écriture. Ce français, langue des Blancs, des dominateurs, pourtant toujours parlée dans de nombreux pays d'Afrique, peut-il être la langue de l'expression de l'identité africaine? le combat fait rage et la réponse n'est pas la même pour tous.

Mais pour nous, lecteurs cherchant l'ouverture culturelle, la découverte de nouvelles identités, que doit-on penser? Lire un livre de littérature africaine en VO en français, ou lire une traduction du wolof ou du peul, que doit-on choisir pour promouvoir ces oeuvres? Qu'est-ce qui aura la plus grande diffusion, un plus grand impact?
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Un essai plus utile pour la compréhension de ce monde que les milliers d'information crachées à a minutes par nos chaînes d'actualité en continu. Clair, direct, fort, parfois violent, souvent touchant, "Le sanglot de l'homme noir" ne laisse pas indemne. On admire là toute la force de l'esprit intellectuel d'Alain Mabanckou.
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Sur le ton simple, calme, imagé, heureux des Africains, Alain MABANCKOU a écrit un petit livre d'histoire sur la traite des noirs....mais surtout sur le rêve de chaque Africain qui " pense que l'Europe....c'est la-bas que son rêve deviendra réalité "...
Alain MABANCKOU y ajoute un ouragan d' optimisme,d' intelligence et d' Amour de la langue française...
un petit bijou unique
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