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EAN : 9782213635187
184 pages
Fayard (04/01/2012)
3.75/5   107 notes
Résumé :
résumé du livre

Je suis noir, et forcément ça se voit. Du coup les Noirs que je croise à Paris m'appellent 'mon frère '. Le sommes nous vraiment ?

Qu'ont en commun un Antillais, un Sénégalais, et un Noir né dans le Xème arrondissement, sinon la couleur à laquelle ils se plaignent d'être constamment réduits ?

J' oublie évidemment la généalogie qu'ils se sont forgée, celle du malheur et de l'humiliation – traite négriè... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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J'ai fini il y a déjà quelques jours… cet essai captivant d'Alain Mabanckou .Exemple vivant d'un citoyen du monde… qui analyse, décortique, élargit le débat pour ne pas tomber dans des affirmations manichéennes ou trop simplistes.

Un long moment que j'avais en tête de découvrir les textes de cet écrivain…une rencontre avec Alain Mabanckou, à la Médiathèque d'Issy-Les-Moulineaux ce 21 mars…au moment du Salon du Livre, a accéléré ma décision ; tant je l'ai trouvé passionné,... passionnant, ...dans l'enthousiasme de son poste d'enseignant de littérature de langue française, aux Etats-Unis…

Ainsi je me suis plongée dans « le Sanglot de l'homme noir » (référence à l'essai de Pascal Brückner )…réflexion dans laquelle il s'adresse à son jeune fils ; chaque intitulé de chapitre fait référence à un texte de langue française : L'Esprit des lois, L'Etudiant étranger, le Soleil des Indépendances, L'Afrique fantôme, etc."
Questionnements, constats, réflexions élargies sur l'identité nationale, le racisme, l'antagonisme historique noirs-blancs, les idées préconçues, l'aveuglement entretenu sur les réalités historiques dérangeantes, mais aussi l'amour de l'auteur pour la langue française et les richesses culturelles, historiques de tous les pays.
Un ouvrage assez court, mais très dense ; un beau texte qui incite à la tolérance et à la réflexion, avant d' "Exclure » quiconque !

Un passage très explicite sur son travail d'enseignant aux Etats-Unis, et de ses engagements :
« Je gagnais bien ma vie en France et j'aurais pu vivre ainsi jusqu'à la fin de mes jours. Il s'agit d'abord et avant tout d'une décision individuelle mûrement réfléchie. Si j'ai accepté d'aller enseigner aux Etats-Unis, c'est parce que je savais que je ne me couperais pas pour autant de cette langue d'écriture qui est la mienne : le français. J'ai exigé d'enseigner le français, ce qui est toujours le cas à ce jour. J'ai aussi souhaité enseigner, outre les auteurs africains, certains auteurs français que j'apprécie. Il se trouve que j'allais, bien malgré moi, devenir l'ambassadeur d'une culture et d'une langue que j'avais reçues par la colonisation. En enseignant les textes d'écrivains africains d'expression française, j'avais pour mission indirecte de veiller à la diffusion de la langue auprès des étudiants américains. Et c'est en Amérique qu'on m'a pour la première fois considéré comme un écrivain français, parce que dans ce pays la couleur de la peau ne définit pas forcément le pays d'origine d'un individu. Je m'exprime et enseigne en français, pour les Américains. Je suis donc naturellement un français. Jamais ils n'ont songé à me demander si je suis un « franco-quelque chose ». (p.114)

Cet ouvrage m'a appris de nombreuses choses quant à l'histoire de l'Afrique, ses littératures…dont le parcours difficile, contesté de l'écrivain , Ouologuem…qui reçut le prix Renaudot 1968, avec « le devoir de violence » ; ce texte polémique, accusé de plagiat fut retiré de la vente. Ce texte reste un roman incontournable de l'histoire de la littérature africaine d'expression française. Texte pour la première fois éloigné des thèmes habituels, et autocritique quant au continent africain ; il dérangea à l'époque l'image que l'on voulait donner des civilisations africaines « avant l'arrivée des méchants européens »...

J'ai fort apprécié cet essai rendu très vivant de par les anecdotes vécues par l'écrivain, qui viennent illustrer ses propos…Dans ce texte, Alain Mabanckou refuse de définir l'identité noire par le ressentiment, le ressassement et la haine du « Blanc »…permanents

Avant d'achever cette note de lecture sur deux autres extraits, je redis mon plaisir et vif intérêt pour l'ouverture d'esprit, la réflexion élargie d'Alain Mabanckou… qui va bien au-delà de l'histoire africaine, de l'hostilité ancestrale des blancs envers les noirs et réciproquement. Ce livre incite à peser le pour, le contre, d'analyser les faits historiques, de prendre de la distance… et de ne surtout pas ostraciser aucun individu, au nom de la race ou d'autre chose. Mise en garde indirecte contre toutes les intolérances…possibles, et célébration de la richesse apportée par la diversité des cultures

« Définir l'homme par le –sang-, c'est privilégier une vision naturaliste au détriment d'une approche humaniste correspondant plus à l'évolution des sociétés actuelles, où l'identité est le résultat d'une diversité de cultures. En somme, il y a deux catégories de Français : ceux qui n'ont rien fait pour l'être, et ceux qui ont entrepris les travaux d'Hercule pour le devenir. Les premiers se croient –naturellement-français » (p.93)

« le fanatisme trouve son terrain d'expérience d'abord entre les hommes d'une même origine, avant de s'étendre peu à peu sur d'autres « races » avec une virulence alimentée par l'esprit de vengeance. » (p.15-16)

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Lorsque, en 2012, j'avais suivi une interview d'Alain Mabanckou pour la sortie de son ouvrage, conquise par l'auteur et sa philosophie, je m'étais faite la promesse de le lire.
Mais vous savez ce que c'est... il n'y a rien de plus volage qu'un amoureux des bouquins. On se pâme devant l'un et on se laisse emmener par le second qui se présente pour, l'idylle juste consommée, partir avec un troisième qui passait par là. Cependant, le libertinage littéraire a cela de bon que, ne s'engageant avec personne, on ne renonce jamais vraiment à aucun et un rendez-vous manqué n'est finalement qu'un rendez-vous remis. C'est ainsi que, cinq ans plus tard, "Le Sanglot de l'Homme Noir" et moi nous sommes à nouveau rencontrés.

En lisant la quatrième de couverture, j'ai craint d'y retrouver le même propos que celui de l'excellent Gaston Kelman dans son "Je suis Noir et je n'aime pas le manioc" et j'ai été très agréablement surprise en constatant qu'il n'en était rien. Si la trame de fond est la même, elle est abordée sous un autre angle et l'argumentaire développé porte sur des aspects différents.
Les deux ouvrages sont aussi éclairés l'un que l'autre et, pour ce qui me concerne, se sont avérés d'un apport particulièrement enrichissant sur le plan de ma réflexion sur un sujet duquel j'étais relativement peu ou mal informée.
Nous avons, en effet, beaucoup à apprendre des gens qui savent de quoi ils parlent et ont l'intelligence de le faire avec honnêteté et objectivité. Ils nous ouvrent à leur culture sans accabler la nôtre plus que nécessaire et de cette manière permettent une analyse constructive de la situation.
Ne se fourvoyant pas dans un affrontement stérile, victimisant pour les uns et accusatoire pour les autres, ils mettent en lumière les valeurs de chacun et la responsabilité de tous, portant l'accent sur la nécessité d'une prise de conscience réciproque comme seule issue nous permettant d'envisager un espoir d'Humanité meilleure.
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" le Sanglot de l 'homme noir"est le pendant du "Le sanglot de l 'homme blanc"qui est un roman ou plutôt un essai polémique écrit par le philosophe , romancier et essayiste français Pascal Bruckner en 1983 .
"Le titre de l 'essai , "Le sanglot de l 'homme blanc",reprend le poème de l 'écrivain anglais Rudyard Kipling , le Fardeau de l 'homme blanc publié en 1899 , qui apparaît comme une injonction intimant à l 'homme blanc le devoir de civiliser , de subvenir aux besoins et administrer les colonisés ( le fardeau pouvant être à la fois les populations , et le devoir en lui-même ) .Wikipédia
"Le Sanglot de l 'homme noir", lui , est un essai de Alain
Mabanckou .Dans ce court essai qui compte douze
chapitres où chacun de ces derniers porte le nom d 'un
roman ou d 'un classique : Négritude ,traite négrière ...
l''auteur s 'appuie sur son parcours personnel pour expliquer la façon de s 'intégrer à la société accueillante .
Comme exemple , il nous donne sa réussite dans la vie .
Il débute par son départ du pays natal , le Congo .Il
arrive en France muni de son baccalauréat .Il entame des
études de droit à Nantes puis à Paris .Il exprime son
amour de la langue française et la richesse de cette
dernière .Nous apprend ses voyages à l 'étranger . Au USA ,il est professeur de la littérature francophone et ses
cours , il les donne en français .
Il explique la notion du droit du sol contre le droit au
sang pour accéder et avoir la nationalité du pays d'accueil
l''auteur considérant son propre parcours personnel ,il
invite les autres Afro-quelque chose à se forger une
nouvelle identité en se tournant vers l 'avenir .
Personnellement , si Alain Mabanckou vivait en France ou
USA et si il a observé en direct à la TV comment a été
traité le citoyen Afro-américain ,George Floyd .Qu 'elle

aurait été sa réaction devant tant de bestialité ,d 'arrogance
et où on tue froidement et atrocement un citoyen de
cette manière criminelle et bestiale ?
On ne peut pas gommer de nos mémoires ce qu 'ont
subi nos ancêtres ?
A la lecture de cet essai , je me suis poser bien des
questions .Dans quel monde vivons-nous ? !





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Merci Hugo d'avoir mis en exergue la citation qui suit car elle me sert, aujourd'hui, d'ouverture pour annoncer ma petite participation à la découverte de l'essai d'Alain Mabanckou "Le sanglot de l'homme noir" :

L'esprit des Lumières de Tzvetan Todorov
...Tous les habitants du globe sont, d'emblée, des êtres humains. Ce que les hommes ont en commun est plus essentiel que ce qui les différencie. " Je suis nécessairement homme et je ne suis français que par hasard" déclare Montesquieu. Ceux qui se sentent imprégnés par l'esprit des lumières chérissent davantage leur appartenance au genre humain que celle à leur pays. Denis Diderot écrit à David Hume, le 22 février 1768 : mon cher David, vous êtes de toutes les nations et vous ne demanderez jamais au malheureux son extrait baptistaire. Je me flatte d'être comme vous, citoyen de la grande ville du monde.




Dès les premières pages, Alain Mabanckou s'adresse à son fils afin que celui-ci prenne conscience que son histoire est celle d'aujourd'hui et qu'elle se construit avec des actes d'aujourd'hui et non pas ceux du passé. Il refuse de s'appuyer, contrairement à la plupart de ses frères de couleur, sur les souffrances subies pour définir sa place au sein du territoire français.
"Mon cher petit la pire des intolérances est celle qui vient des êtres qui te ressemblent, ceux qui ont la même couleur de peau que toi. le fanatisme trouve son terrain d'expérience d'abord entre les hommes d'une même origine, avant de s'étendre peu à peu sur d'autres "races" avec une virulence alimentée par l'esprit de vengeance. Ils ont de ce fait, érigé une union fondée sur ce passé mythique au lieu de l'asseoir sur leurs préoccupations quotidiennes."

Autre constatation : Les Noirs de France ne se connaissent pas. Leur origine est diverse et variée. Leur venue en France provient de mobiles personnels et divers. Ils n'ont pas en commun l'histoire esclavagiste comme les Noirs d'Amérique. Leur seule ressemblance est la couleur de peau. Un Malien ne côtoie pas un Antillais. Leur culture est différente.
Pour Alain Mabanckou,"Le défi consiste plutôt à rapporter de nos différentes "appartenances" ce qui pourrait édifier positivement un destin commun et assumé" et non pas se focaliser sur les préjugés occidentaux.

Il exprime aussi l'idée que ce qui définit l'homme n'est pas le territoire. Ses parents étaient français (sans le savoir) puisqu'avant l'indépendance, le Congo était français. de même, il nous montre qu'un ressortissant français, s'il commet un acte répréhensible à l'étranger, c'est bien la France qui sera montrée du doigt, et ce quelque soit la couleur de peau de ce ressortissant. Et en ce qui concerne les jeux olympiques, par exemple, tous les Français s'enorgueillissent quand la médaille d'or revient à un Français, et ce quelque soit la couleur de peau de celui-ci. Alors franco-quelque chose ? Non, Français tout simplement. Une France blanche n'existe plus, que ça déplaise ou non à certains, c'est un fait, une évidence. Mais il faudrait bien que les esprits s'ouvrent et acceptent ce constat, et ce à tous les niveaux. Nos ancêtres les Gaulois ont vécu...

D'aucuns se sont penchés sur l'identité nationale et ont même créé un ministère ad hoc. Mais qui aujourd'hui est capable de faire le portrait-robot du Français ?
Identité nationale, immigration, ces débats existent bel et bien et réapparaissent régulièrement au moment des élections. Il faut s'attirer des voix !

Parmi les réflexions d'Alain Mabanckou, il est aussi celle des écrivains francophones. Faut-il se débarrasser de la langue française pour devenir écrivain africain ? Il semblerait que notre auteur juge ce fait d'acte fanatique. le discours sur l'Afrique ne peut pas être uniquement le reflet de celui qui vit sur le sol africain et s'exprime uniquement avec sa langue maternelle. L'Afrique est multiple et ne relève pas d'une conception unique bâtie sur la nostalgie des actes passés.

Voici quelques unes des réflexions d'Alain Mabanckou. Je n'ai pas développé toutes ses idées. Je vous laisse le soin de les découvrir et de vous forger votre propre regard. Toujours est-il qu'il nous interpelle sur la place des Noirs en France et qu'il le fait souvent en utilisant les rencontres qui l'ont marqué au cours de sa vie et qui lui ont servi à s'interroger et à se construire. Mais, une chose est sûre, c'est qu'Alain Mabanckou est bien un citoyen du monde.

"Définir l'homme par le sang, c'est privilégier une vision naturaliste au détriment d'une approche humaniste correspondant plus à l'évolution des sociétés actuelles, où l'identité est le résultat d'une diversité de cultures."



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Le Sanglot de l'Homme Noir
Alain Mabanckou
Fayard

Le romancier Alain Mabanckou nous propose un essai iconoclaste dans lequel il utilise pour construire son argumentation la littérature, la philosophie, l'histoire, la sociologie ainsi que quelques anecdotes - parfois cocasses - de sa vie d'écrivain et d'homme Noir.
Le livre commence par une lettre adressée à son fils Boris dans laquelle il l'exhorte à ne pas sombrer dans l'accusation-condamnation à sens-unique de l'homme Blanc que certains rendent responsables de tous les malheurs de la condition des Noirs et de tous les maux du continent africain ; l'essai s'achève par une autre lettre - en annexe -, celle de Yaguine et Fodé - les deux adolescents retrouvés morts dans le train d'atterrissage d'un avion à l'aéroport de Bruxelles en 1999 - qui demandent désespérément, au prix et sacrifice de leurs vies, de l'aide aux « responsables de l'Europe » pour sauver l'Afrique qui se meurt.
Le Sanglot de l'Homme Noir nous invite à prendre nos responsabilités, Noirs et Blancs.
Alain Mabanckou revient sur une réalité historique et politique, tout en prenant du recul avec pragmatisme, quitte à nous faire grincer des dents. Il ne renie pas les monstruosités commises lors de la Traite des Noirs, ni celles perpétrées pendant la période coloniale et postcoloniale, mais il met aussi les Africains « sur le banc des accusés » aux côtés des Blancs, en rappelant entre autres que des chefs Noirs ont aussi vendu leurs frères pendant les horreurs du commerce triangulaire et qu'après les indépendances, dans les années soixante, les africains n'ont pas su profiter de cet élan de liberté pour trouver leur propre modus vivendi, ils se sont fait à nouveau avaler par des ogres avides de pouvoir et de sang tels que Bokassa, Mobutu ou Amin Dada - pour ne citer qu'eux -.
Mabanckou revient aussi sur le débat houleux qui concerne la langue française, celle du colonisateur et du colon pour certains intellectuels africains.
Son parcours illustre une autre voie - et voix - loin de la haine, du complexe d'infériorité et de la méfiance que pourraient avoir ceux qui comme lui utilisent cette langue qu'ils ont du apprendre souvent contraints et forcés ; il est né au Congo Brazzaville, a bénéficié d'une bourse pour étudier en France et il enseigne - en français, précise-t-il - aujourd'hui aux Etats-Unis.
Nous pensons qu'il est un des meilleurs représentants de l'essor de la langue française ; il n'est en aucun cas un larbin du colonialisme linguistique parce qu'il utilise la langue des colons, mais un acteur majeur de sa rénovation et de sa vitalité à travers son oeuvre. Voilà la meilleure réponse qu'il peut donner à ses détracteurs, une belle revanche sur un passé obscur.
Il pose aussi la question - en ces nauséeux moments de débat sur l'identité nationale ou sur la supériorité de certaines civilisations par rapport à d'autres - de la nationalité : qu'est-ce que c'est « être français » ?
Quand il annonce qu'il est français, on lui demande aussitôt son origine, car en tant que Noir, il ne peut être que « franco-quelque chose ». Dans l'esprit étriqué de beaucoup, être français c'est être Blanc, un point c'est tout. Or la France est aussi ce mélange enrichissant et bouillonnant de cultures qui viennent de différents horizons. Mabanckou est un ambassadeur de la culture française à travers ses livres. Etre français ce n'est pas une donnée géographique liée à un territoire donné, bien sûr que non !
Les républiques des lettres et de la langue dépassent ces frontières topographiques purement stériles.
Faut-il être français de père en fils - ou 100% français, horrible expression aux connotations puantes -, pour avoir une vraie légitimité quitte à parler un français approximatif comme beaucoup de nos compatriotes qui ignorent tout des subtilités de leur propre langue et la prostituent dès qu'ils ouvrent la bouche ; on retombe alors dans une vision inquisitrice de la nationalité qui rappelle les heures sombres de l'histoire de l'humanité - le sang pur et pourquoi l'ADN tant qu'on y est !-.
Le Sanglot de l'Homme Noir est un livre choc très riche qui bouscule beaucoup d'idées reçues. Nous mettons cependant un bémol sur la part exagérée de responsabilités qu'attribue l'auteur aux Noirs. le rôle de la France et par conséquent, jusqu'à une certaine époque en tout cas, de l'homme Blanc a eu une incidence indéniablement négative et destructrice sur le continent africain. Des siècles d'humiliations, de viols - culturels, humains, religieux, etc. - ont forcément une conséquence culturelle et humaine sur les victimes. Au lendemain des indépendances, comment l'homme africain, jusqu'alors muselé, noyé dans un obscurantisme que les Blancs ont savamment entretenu, aurait-il pu prendre le recul que nous confère aujourd'hui l'histoire - et la raison - ? Ce n'est pas, en tant que Blanc, le sentiment de culpabilité et de honte - qu'analyse d'ailleurs l'auteur - qui nous amène à tenir ce discours, mais la colère et l'indignation de faire partie de ceux qui ont permis ces ignominies. Si Plaute disait que « l'homme est un loup pour l'homme », nous pensons que l'homme blanc a été un ogre pour l'homme noir et que des hommes blancs aux masques noirs - Mobutu, Bokassa et compagnie - n'ont fait que perpétrer une oeuvre de destruction et d'humiliation permanente de laquelle les africains ont évidemment du mal à se sortir. Nous ne justifions certes pas la haine ou la méfiance de certains Noirs envers les Blancs, néanmoins nous la comprenons en partie.
Nous partageons - avec quelques nuances - la réflexion qu'Alain Mabanckou propose dans son essai, mais précisons qu'il l'exprime, ou peut se permettre de l'exprimer, après avoir effectué un parcours intellectuel qui n'est pas à la portée de tout le monde et certainement pas de ceux à qui l'on n'a jamais permis de relever la tête pour des raisons historiques, politiques ou sociales.
Quoiqu'il en soit, le Sanglot de l'Homme Noir a gagné son pari, celui de nous indigner, de nous faire réagir et c'est cela même qui permet de faire avancer le débat. Et puis lire du Mabanckou ça reste toujours un grand plaisir...

http://faranzuequearrieta.free.fr
Lien : http://faranzuequearrieta.sk..
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critiques presse (3)
Bibliobs
08 février 2012
Mabanckou froissera beaucoup de susceptibilités dans la diaspora africaine. On l'accusera de s'être «blanchi», d'avoir épousé les valeurs des anciens maîtres. Preuve qu'il aura visé juste. On mesure la valeur d'un texte à l'irritation qu'il provoque, au nombre des conformismes qu'il bouscule.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Lhumanite
23 janvier 2012
Le Sanglot de l’homme noir est un texte rude, sévère, étayé, qui fait fi de tout politiquement correct. L’adresse initiale justifie tant d’intransigeance.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
LaLibreBelgique
10 janvier 2012
L’autocritique, pour [Alain Mabanckou], est essentielle si l’on veut ensuite poser un regard juste sur le reste du monde. Il sait que l’Afrique n’a jamais été, hélas, aussi tributaire de ses anciens maîtres, mais il sait que les Africains eux-mêmes se retrouvent aussi sur le banc des accusés.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Gauche ou droite, le monopole du cœur n'aura jamais été d'un côté ou de l'autre, et l'immigration semble être très tôt devenue un argument politique pour s'attirer les voix des électeurs en jouant sur la peur de l'étranger. N'en blâmer que le Front national serait une grande erreur; (p.87-88 / Seuil, coll. points, 2013)
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-La carte d'identité-

Lorsqu'on me demande si l'émigration influe sur mon écriture, il m'est impossible de donner une réponse précise et définitive. Sans doute parce que suis de plus en plus persuadé que le déplacement, le franchissement des frontières, nourrit mes angoisses, contribue à façonner un pays imaginaire qui, finalement ressemble à ma terre d'origine. Il y va de ma propre quête intérieure, de ma façon de concevoir l'univers. J'ai choisi de ne pas m'enfermer, de prêter l'oreille au bruit et à la fureur du monde, de ne jamais considérer les choses de manière figée. (p.131)
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On nous a fait croire que la pensée ne pouvait pas être noire.

   La raison était forcément blanche, aryenne si possible.

   Nous étions un peuple de paresseux.

   Montesquieu l'avait écrit : nous autres, les gens du Sud, étions faibles comme des vieillards, tandis que les gens du Nord étaient vigoureux grâce à leur climat froid. Qui pouvait nier de telles évidences écrites de la main d'un des plus grands esprits de la philosophie occidentale ? Les gens du Nord étaient tous intelligents, beaux, forts. Nous autres, gens du Sud, étions "ceux qui [n'avaient] inventé ni la poudre ni la boussole ", "ceux qui [n'avaient] jamais su dompter la vapeur ni l'électricité", "ceux qui [n'avaient] exploré ni les mers ni le ciel". C'était à nous désormais de crier urbi et orbi que nous étions "ceux sans qui la terre ne serait pas la terre". Aimé Césaire, dans le Cahier d'un retour au pays natal, s'est chargé de cette mission épique :

   " Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ; que les pulsations de l'humanité s'arrêtent aux portes de la nègrerie ; que nous sommes un fumier ambulant hideusement prometteur de cannes tendres et de coton soyeux et l'on nous marquait au fer rouge et nous dormions dans nos excréments et l'on nous vendait sur les places et l'aune de drap anglais et la viande salée d'Irlande coûtaient moins cher que nous, et ce pays était calme, tranquille, disant que l'esprit de Dieu était dans ses actes."



   Et si la voix de la poésie était trop impénétrable pour le commun des mortels, le même Césaire avait choisi la forme d'un "discours". Le colonialisme est forcément un asservissement. L'Europe aura commis l'un des crimes les plus crapuleux de l'histoire en imposant sa vision du monde aux autres peuples.



   Or voilà que le cours des choses se précipitait. La fin des années cinquante et le début des années soixante annonçaient une ère nouvelle. Les blancs décampaient de gré ou de force. Déjà, en 1947, les malgaches s'étaient soulevés, perdant dans leur désir d'émancipation plus de cent mille âmes.

   D'autres pays dominés furent gagnés par la fièvre : en 1954, les Algériens se lançaient dans une insurrection tandis que les Tunisiens accédaient à l'indépendance deux ans plus tard. En 1959, on comptait presque une dizaines de pays africains indépendants, et, en 1960, plus du double. 

   Qu'à cela ne tienne, les colonisateurs avaient un "plan B" : ils avaient "formé" quelques hommes à leur image. Des hommes qui auraient la peau noire et un masque blanc. Des hommes qui "inconsciemment" les remplaceraient et seraient leurs yeux et leurs oreilles sur le continent noir. Certains de ces hommes avaient participé aux guerres mondiales pour défendre l'empire français. D'autres avaient été membres de l'Assemblée nationale française. Certains deviendraient des présidents de la République. D'autres, des ambassadeurs, des ministres, etc. Ils avaient des passeports français. Ils avaient des villas en Europe...
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 Les soleils des indépendances n'allaient pas tarder à recouvrir le ciel d'Afrique d'un nuage sombre. La prolifération des conflits ethniques, les assassinats politiques, les "coups d'État permanents", deviennent autant de spécificités africaines. Le mot démocratie semble banni du vocabulaire de nos dirigeants. la pauvreté attribuée au continent tranche avec l'inventaire des richesses du sous-sol laissées à l'exploitation de ceux-là même  qui furent naguère les dominateurs. Et lorsqu'un pays a la hardiesse de remettre les pendules à l'heure, l'ancienne puissance lui fabrique un opposant de toutes pièces. On lui donne les armes et on l'accompagne dans sa conquête du pouvoir. Pendant que les balles crépitent, les contrats se signent sous les tentes. Peu importe qu'un monarque s'installe au pouvoir pour quarante ans, ou que, à sa mort, son fils lui succède. Oui, c'est certainement le nouveau mode de transmission de la gouvernance en Afrique : de père en fils. Certains diront qu'il en était ainsi dans beaucoup de sociétés traditionnelles du continent. Sauf qu'à l'époque c'était une règle coutumière acceptée  démocratiquement par les peuples. Or nous avons adopté des institutions qui prévoient des élections. Peu de pays en Afrique peuvent revendiquer le bon déroulement de ce processus politique. Au Gabon, au Togo, en République démocratique du Congo, les fils des anciens dictateurs pérennisent les bilans calamiteux de leurs géniteurs...



   Nous sommes comptables de notre faillite. Nous n'avons pas su trancher le nœud gordien et assumer notre maturité. Par notre silence, par notre inertie, nous avons permis l'émergence des pantins qui entraînent les populations dans le gouffre, avec pour point de non-retour le dernier génocide du XXe siècle, celui qui s'est déroulé sous nos yeux au Rwanda. Il a pu avoir lieu parce que nous avons intégré l'image que l'Occident se faisait de nous. Hutus : traits grossiers, barbarie, imbécillité. Tutsis : traits fins, intelligence, proximité avec le monde civilisé. Et tandis que ces "deux camps" s'entretuaient, l'Occident déployait son armée sous le prétexte fallacieux de protéger ses ressortissants. À l'ONU, on discuta longuement de la sémantique - génocide ou pas génocide ? - pendant que les massacres se poursuivaient...
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Etre francophone, cela empêcherait-il d'être écrivain ? L'ombre de la France serait-elle si pesante qu'elle nous empêche d'écrire en toute liberté ? N'avons-nous pas encore compris qu'il y a longtemps que la langue française est devenue une langue détachée de la France, et que sa vitalité est également assurée par des créateurs venus des cinq continents ? (p.137)
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Si je vous dit le Crédit a voyagé : à quel écrivain, qui connaissait bien l'Afrique, pensez-vous ? le voyage… au bout de la nuit… Mort… à crédit…
« Verre cassé », d'Alain Mabanckou, c'est à lire en poche chez Points Seuil.
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