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sur 1844 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
MACHIAVÉLIQUE ?
Les écrits de Machiavel lui ont valu de féroces inimités. Avec la particularité, remarquable, que cette hostilité s'est perpétuée à travers les siècles jusqu'à aujourd'hui. Ses ennemis ont même réussi à imposer dans le vocabulaire le terme "machiavélique" comme synonyme de : perfidie, traîtrise, manque de scrupule. A travers cette fallacieuse utilisation de son nom, Machiavel se trouve donc doté d'une fort mauvaise réputation dans l'histoire; privilège que seul Le Marquis de Sade partage avec lui pour des raisons toutes aussi abusives et mensongères. Mais qui sont donc ces ennemis si acharnés et que l'on retrouve en presque toutes les époques depuis la publication de ces écrits? C'est bien entendu en lisant Machiavel, avec l'attention qu'il mérite, que l'on trouve la réponse. Car l'on constate alors que Machiavel y décrivit avec un goût de la vérité et une extraordinaire lucidité l'ignominie du pouvoir et de la domination, de ses représentants de toutes catégories et de tout temps; leurs moeurs, leurs manières d'agir, leurs crimes. C'est ce dévoilement radical de l'infamie des puissants qui ne lui a pas été pardonné. C'est pourquoi il se trouve encore aujourd'hui des gens se prétendant historien attribuant aux "idées de Machiavel" la responsabilité de ce qui n'est rien d'autre que la pratique de leurs maîtres et l'évidence de leur propre servitude.
-Le personnage
Car il faut comprendre que Machiavel du fait des circonstances de l'époque, n'aurait tout simplement pas eu la moindre possibilité de faire paraitre un livre "contestataire". Mais il lui brulait de mettre en lumière ce qu'il avait compris des moeurs de la domination (de par son emploi, il était extrêmement bien informé et il n'avait pas les yeux dans sa poche). Il choisit donc la seule voie qui lui était possible en rédigeant son livre sous la forme d'un ouvrage pour l'édification des princes et en le dédiant aux Médicis (la famille dominante de Florence).
Ce qui lui permit de tout dire. Mais ce n'était bien sur pas aux princes qu'il s'adressait en vérité, mais au contraire à tous ceux qui pourraient estimer que ces logiques politiques là devaient cesser, n'étaient pas tolérables. Dans le Prince, l'on ne trouve donc pas des "conseils" mais la mise en lumière des pratiques courantes de la domination, de ce qui se faisait partout alors en Italie (et ailleurs aussi) dans les nombreuse principautés.
Aucun cynisme donc chez Machiavel, mais au contraire une très sérieuse prise de risque !
Par chance, le Médicis qui reçut l'ouvrage, soi-disant en hommage, reçut le même jour en cadeau une meute de chiens de chasse qui monopolisèrent toute son attention et abandonna le livre dans un coin. C'est ainsi que "Le Prince" put commencer sa brillante carrière. Il y a différentes manières de dire le vrai; il faut aussi espérer des lecteurs qui en trouvent l'usage. Peu de temps après La Boétie écrivit son "De la servitude volontaire" qui ne parut que 20 ans après sa mort, et fort discrètement.
-Le contexte
Machiavel vivait à Florence qui était somme toute une petite entité, menacée constamment par des ennemis diverses. Il y a chez lui un profond attachement à sa ville qui se trouvait également être à l'époque l'un des principaux centre culturel de l'Europe. Cet attachement n'est pas une forme de nationalisme mais au contraire un sens du commun, de l'appartenance à un tout. A cela, on peut rajouter une forte conscience du devenir historique, des changements possibles. Tout démontre que Machiavel n'était pas un ambitieux, tout au moins dans le sens mesquin et égotiste que l'on donne à ce terme aujourd'hui. Seule la possibilité d'agir lui importe; il est un citoyen à part entière, dans un sens que la médiocrité de notre époque rend difficile à saisir.
C'est au moment où Florence est une république qu'il déploie pleinement son activité. Il écrit seulement quand il n'y a rien de mieux à faire, quand il est maintenu à l'écart. Car son intelligence inquiète les médiocres qui pour cette raison le maintiennent dans des postes secondaires.
Il faut donc aussi envisager le Prince comme un agir, lié à des circonstances particulières (les Médicis sont au pouvoir) mais qui espère bien viser au-delà historiquement.
Quelles sont les possibilités d'une époque ? de quelle manière agir à un moment donné en prenant en compte l'ensemble des circonstances présentes ? Tout en sachant que l'on pouvait fort bien finir égorgé au coin d'une rue, si quelque potentat vous trouvait trop encombrant ou trop clairvoyant. La publication anonyme d'un ouvrage comme le Prince n'était à mon avis ni possible, ni adéquate ; car Machiavel vise sciemment au-delà de lui-même. Ce n'est donc qu'en lui donnant cette forme qu'il pouvait alors le pousser comme nouveau pion dans l'histoire même.
Avec le Discours sur la première décade de Tite-Live, le ton sera tout différent, le désir d'agir sur son temps tout similaire.
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Ouah !

Si ce petit bouquin est assez loin de ce que j'en attendais, quelle baffe ! J'ai adoré !

La description des hommes avides de pouvoir et de richesse est d'une véracité et d'une crudité rares, ce me semble. (Etonnant d'ailleurs qu'il n'ait pas disparu englouti par les brumes de "l'Histoire"...).

Mais d'où sort donc le "machiavélisme" ? Pas de cet écrit en tous les cas, où les conseils aux "princes", anciens ou nouveaux (à l'époque, entendons-nous, mais en sommes-nous si éloignés aujourd'hui, je ne crois pas... A part que les nôtres n'ont plus d'armes aux côtés !). Où les conseils, je disais, sont on ne peut plus avisés, (pour l'époque, s'entend), appuyés d'exemples historiques divers et fabuleusement intéressants !
Le mot "machiavélisme" vient sans doute de l'intelligence, de la lucidité, de l'incroyable faculté d'analyse du personnage. Et du fait qu'il ne mâche pas ses mots, qui qu'il vise... Mdr !

Les petites phrases (citations) qui visent au coeur de la cible sont nombreuses, bien trop pour toutes les mettre sur Babelio ! Qu'elles soient sur les puissants, ou les autres...
J'ai vraiment beaucoup aimé. Indispensable pour tous les amateurs d'Histoire ! Attention cependant, c'est un peu ardu à lire par moments.
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Le Prince de Machiavel n'est bien sûr pas aussi machiavélique que le nom commun qu'a donner son auteur. Ce n'est peut être aussi pas son écrit le plus provocateur. Par contre, il faut le replacer dans l'époque pour comprendre la rupture que ce livre va opérer. Jusqu'à Machiavel tous les traités du bien gouverner étaient basés sur les bonnes moeurs chrétiennes qu'un prince se respectant devait obligatoirement essayé de tenir. Ne nous leurrons pas, ils n'essayaient pas vraiment. Mais les futurs dirigeants étaient tout de même éduqué dans cette optique. L'auteur, lui était en rupture avec la vision chrétienne du monde, il s'apparentait plus à la philosophie libertine, matérialiste. La rupture de Machiavel dans ce livre qu'il offre à son protecteur est qu'un prince étant au-dessus des autres ne doit pas et surtout n'est absolument pas tenue de part sa place de respecté les bonnes règles. Qu'un seul but importe vraiment, comment prendre le pouvoir, et le conserver. Mais Machiavel sait que si le prince veut pouvoir conserver son pouvoir et ne pas être détesté de son peuple, il doit fournir une apparence de respect des us et coutumes. Il pousse le réalisme politique à prévenir le prince que s'il veut garder son pouvoir, il doit s'appuyer sur le peuple et non les grands qui lorgnent sur son trône. le machiavélisme au sens stricte est plutôt un réalisme politique, encore utilisé de nos jours par beaucoup de nos hommes politiques : caressant pour obtenir le pouvoir et faire le contraire en nous laissant croire que c'est pour notre bien, qu'ils y sont obligé. Bien qu'il soit indubitablement un livre de cours, de flatteries, ainsi que beaucoup d'autres oeuvres italiennes de la renaissance, protection oblige, c'est un livre claire voyant sur la politique des anciennes royautés que sur celle des républiques actuelles.
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Qu'est-ce qu'un homme de pouvoir? Comment aborde-t-il cette notion? Et qu'elle est sa place? Pour la rédaction du Prince, Machiavel se sera inspiré de Cesare Borgia, fils du Pape Alexandre VI, et fin stratège politique. Machiavel aspire à une unification de l'Italie, pays morcelé qui est alors plongé dans une situation politique complexe, entre les duchés rivaux et les Etats Pontificaux. Pour l'auteur, c'est la raison d'Etat qui doit guider chaque prince afin d'agir en conséquence. Ce livre inspirera d'autres grands hommes politiques et même aujourd'hui, il sert de référence pour l'analyse philosophique de la grandeur politique!
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Texte fondateur de la pensée politique moderne, le Prince est d'abord le livre d'une époque tumultueuse, qui a vu à Florence – ville de son auteur – se succéder divers régimes, dont la très controversée république théocratique de Savonarole, de 1494 à 1498.
Aussi, devant l'urgence des événements celle des décisions politiques devient une nécessité. Machiavel propose donc un principe de réalité, pas un idéal utopique et inapplicable.
Il oppose la vertu à la fortune, c'est-à-dire, en résumant à l'extrême, l'action plutôt que le hasard des événements. Mais cette vertu est essentiellement politique, s'écartant de sa définition morale. Il faut s'adapter aux circonstances et non les subir.
Pour exemple, ceci a une résonnance particulière s'il on regarde l'inaction des puissances occidentale dans l'entre-deux-guerres face à la montée du péril nazi. Dans ce cas précis, on a préféré s'abandonner à la fortune plutôt qu'à la vertu.
Machiavel préconise que l'autorité politique se donne tous les moyens pour obtenir la fin souhaitée. D'où, peut-être, ce malentendu « machiavélique ». Vocable oh combien hypocrite, car il y a du Machiavel dans tout homme de pouvoir confronté à son exercice !
Lire Machiavel c'est donc lire la politique sous un jour plus franc, sans les circonvolutions habituelles, plus connues sous le terme de « politiquement correct ».
Il y a bien sûr le contexte dans lequel écrit Machiavel : en exil – après avoir mené des missions diplomatiques pour la République de Florence qui lui feront côtoyer notamment le roi de France Louis XII ou César Borgia, régulièrement cité dans le Prince –, banni par la puissante famille des Médicis, revenue au pouvoir à Florence, et auprès de laquelle il cherche un retour en grâce. D'où la dédicace. Mais il y a surtout le rêve d'une Italie unifiée, capable de résister aux invasions qu'elle subit depuis la chute de l'Empire romain. Rêve qui ne se concrétisera qu'au XIXe siècle…
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J'ai plusieurs fois eu l'occasion de lire le Prince au cours de mes études : une première fois au lycée en philosophie puis à la faculté. Ce fut une révélation : Machiavel en serait presque devenu mon maître à penser !!

Toujours d'actualité, les stratégies et théories politiques qu'il développe marquent les esprits par leur relative amoralité : seuls comptent la force et le charisme du Prince c'est-à-dire du dirigeant politique qui se doit d'être un véritable meneur. En effet la société a besoin d'être gouvernée par un homme fort, capable de faire abstraction de ses émotions pour oeuvrer dans l'intérêt général. Les spécialistes assimilent tantôt ce Prince à Cesare Borgia tantôt à Laurent de Medicis. Mais une chose est sûre, Machiavel envisage avant tout ce Prince comme un être sachant utiliser la ruse, la douceur ou la violence selon les situations.

Brillant stratège politique, Machiavel aurait beaucoup à dire sur les hommes politiques et les leaders de partis actuels !

Le Prince est très bien écrit bien qu'un peu ardu à lire. Avec sa plume cynique et une bonne dose d'ironie, Machiavel nous expose les stratégies politiques que le Prince se doit d'utiliser pour conserver le pouvoir, assurer sa domination sur le peuple et préserver la souveraineté de son pays.
Lien : http://drunkennessbooks.blog..
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Bonsoir,

J'ai lu il y a quelques années LE PRINCE, de Machiavel. Et j'ai jugé que c'était bien injuste pour lui que l'adjectif "machiavélique" ait aujourd'hui un sens péjoratif.

Machiavel n'est pas un puissant de son temps. Un temps diplomate pour Florence, en particulier auprès de la cour de France, il prend conscience du peu d'influence de la cité qu'il représente auprès des grandes cours. Pour peser sur les décisions, il faut disposer d'une puissance certaine ... C'est une réalité qu'il expérimente.

A cela s'ajoute sous ses yeux, le triste spectacle des grands seigneurs italiens qui s'entre-déchirent, font dépendre leurs succès de telle ou telle alliance avec telle ou telle nation étrangère : l'Espagne (pour le royaume de Naples), ou bien la France. Et puis il y a ce que font les Papes.

Bref, comme de nombreux italiens de l'époque, Machiavel se lasse des invasions permanentes des Français, des Espagnols, des mercenaires, des guerres intestines et de leurs dégâts : c'est toujours le peuple qui paie la facture au final, car tous ces guerriers parasitent les territoires qu'ils ravagent. Et se prend à rêver d'un peu de stabilité politique.

Observateur et pragmatique, admirateur de Laurent de Médicis "le Magnifique", il espère en lui le prince capable d'unifier l'Italie, de mater les guerres intestines et de chasser les perturbateurs que sont les Français ou les Espagnols en faisant jeu égal avec eux. La recette de la réussite, il la donne dans son ouvrage.

Le prince, s'il veut réussir, doit être populaire : il doit être respecté de son peuple, donc craint, mais cependant ne doit pas être haï. Son fief est imprenable si le peuple qu'il gouverne est son partisan. Machiavel préconise le recrutement des autochtones dans l'armée, sans aucun doute très motivés pour la défense de leur terre, plutôt que le recours aux mercenaires, qui ont pour seul soucis de faire durer les "statu quo" plutôt que d'obtenir la victoire et qui s'activent à ruiner le seigneur qu'ils prétendent servir.

Pour ce qui est des territoires conquis, Machiavel rappelle qu'aucune conquête n'est acquise tant que le peuple qui y vit n'est pas acquis à la cause du conquérant : il faut donc y acquérir de la popularité ou coloniser le territoire conquis.

Machiavel appuie ses démonstrations d'exemples choisis. Son texte ne fut pas reçu comme il l'espérait par Laurent de Médicis. Sans imaginer qu'il connaîtrait une telle postérité.

A lire.
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Un monument !
Mais un monument facile à lire !!!
Allez y foncer !
Et c'est tout sauf du machiavélisme de le lire !
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Un ouvrage classique, d'actualité, qui a donné lieu à beaucoup d'interprétations.
Pour ma part, j'y vois un traité révolutionnaire.
Si on explique à un Prince comment conserver le pouvoir, on en déduit très aisément comment le renverser. J'ai trouvé plusieurs analyses intéressantes sur cet ouvrage.
Je le conseille vivement, c'est concis et efficace, la lecture est fluide
Cet ouvrage m'a personnellement marqué, les enseignements livrés par Machiavel sont toujours utiles de nos jours.
Un classique de la littérature
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Ouvrage miroir du discours sur la première décade de Tite Live, Machiavel rédige un code à l'usage de tous les gouverneurs pour maintenir un pouvoir politique stable et demeurer populaire et légitime aux yeux du peuple, peuple qui il n'est pas anodin de le noter pour l'époque comporte femmes, hommes, et enfants.
On ne peut pas lire le Prince sans lire le discours sur la première décade de Tite Live. Si on le fait on pensera Machiavel stratège, manipulateur et cruel envers le peuple, ce qui donnera l'adjectif machiavélique.
Si on lit les deux on notera que Machiavel est un fantastique observateur de la politique et de la philosophie des idées politiques, un fervent démocrate mais surtout un peu comme Hobbes un phobique de la guerre comme outil de déstabilisation du pouvoir.
C'est cette détestation qui poussera Clausewitz à penser que la guerre n'est que l'extension de la politique par d'autres formes.

Machiavel indique alors les bons procédés pour que le chef soit légitime à demeurer. Il ne pense pas comme pensera Rousseau plus tard qu'on ne peut être assez fort pour demeurer le plus fort. Pour Machiavel nulle question de force, il convient de posséder un art de gouverner, une Virtu mélange de charisme, de bon sens morale et logique, et de séduction.
De même, il doit se révéler en capacité de faire un meilleur choix que nul autre concitoyen face à n'importe quelle situation.

Référence de la philosophie politique, préface fut un temps par Mussolini qui n'avait pas compris grand chose, le Prince a subi une réputation peu flatteuse à cause de tous les lecteurs qui n'avaient lu que cela de Machiavel alors que la pensée d'un philosophe s'éprouve dans la totalité de son oeuvre. Inspirateur de Locke, Hobbes, Rousseau, Kant et tant d'autres Machiavel fut le plus grand professeur de bonne conduite et de bon sens face aux chefs et aux tyrans.
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