A les voir ainsi, inertes sous leur couverture lisse, on dirait de petits cercueils qui emprisonneraient une âme. Et c’est bien leur âme, en effet, leur âme ailée et subtile qui s’en ira, de par le monde, éparpiller au gré des vents divers la semence bonne ou mauvaise.
Car les livres sont comme la fleur de la légende qui distillait du parfum ou du venin selon les visages qui se penchaient sur elle. Et nous ne saurons jamais ce qui naîtra des idées sorties de nous, mais qui font leur chemin sur mille routes différentes…
On n’aime pas une entité. Lorsqu’il l’évoque, il la voit réellement telle qu’il la rêve… et cela me chiffonne… je suis jalouse, Miche, de l’image qu’il a pu se faire de moi !…
« Voilà une idée cocasse, pas ?… Et tu constates une fois de plus qu’on n’est jamais contente de ce que le ciel vous accorde !… On aspire toujours à savoir davantage… Que veux-tu ? je suis femme… j’admets que l’homme que j’aime tienne à mon être moral, mais je ne serais pas fâchée qu’il s’aperçoive des modestes attraits que la nature m’a accordés… Alors, je me suis juré que Claire triompherait d’Ariane et que mon mari deviendrait amoureux de moi tout entière, sans le secours de Sérénité.
Il n’y a qu’une vertu : la joie », a dit un philosophe qui s’y connaissait. Vertu des forts et vertu forte, vertu féminine entre toutes, car la femme, qui excelle à extérioriser ses émotions et ses allégresses, sait parfaitement, lorsqu’il le faut, enfouir ses peines au plus profond de son cœur.
Parce que son mari lui avait juré devant l’autel de lui être fidèle et de la protéger contre les orages de l’existence, elle a cru naïvement qu’elle arriverait à le conquérir…
Or, elle sait, aujourd’hui, mieux que jamais, que ce qu’il a cherché en elle, ce qu’il a appelé désespérément, c’est le souvenir de l’autre, le souvenir de l’autre dont il ne pouvait pas guérir, parce qu’on ne guérit pas d’une blessure d’orgueil et de jalousie.
Quand j’étais enfant, je me sentais attirée vers les lettres ; j’aurais voulu préparer une licence, devenir… avocate… ou professeur de littérature… Mon père a manifesté le désir que je fasse des sciences parce que là est l’avenir, prétendait-il. Alors, je suis devenue chimiste. C’est ainsi… J’ai le tempérament d’une résignée.