LA PEAU-CURZIO MALPARTE
Les sentiments inspirés par la victoire, la défaite, la révolution, la mort, sont d'une nature aléatoire ; ils nous demeurent largement insaisissables, et peu susceptibles d'un éclairage univoque .C'est ce que décrit avec une grande force lyrique
Malaparte dans son ouvrage «
La Peau », récit de la libération de la péninsule italienne par les troupes alliées en 1943.
Jouant en permanence sur l'ambigüité de la situation de l'Italie, son pays natal, successivement allié de l'Allemagne nazie puis retournant ses alliances après la chute du régime de Mussolini,
Malaparte fait justice du simplisme historique : « Avant la libération, les peuples d'Europe souffraient avec une merveilleuse dignité. Ils luttaient le front haut, ils luttaient pour ne pas mourir. Et les hommes (…) s'accrochent (…) à tout ce qui constitue la partie vivante, éternelle de la vie humaine .Ils luttent pour sauver leurs âmes .Mais après la libération, les hommes avaient dû lutter pour vivre. C'est une chose humiliante, horrible que de lutter pour vivre. »
Les notions de vainqueurs et de vaincus sont soumises à de pertinentes interrogations et remises en cause, dont l'acuité augmente tout au long de l'ouvrage : « Au cours de cette glorieuse guerre, soyons justes, ce n'est pas seulement aux Italiens qu'il était arrivé de tourner le dos à l'ennemi, mais à tou
s : Anglais, Américains, Allemands Russes, Français, Yougoslaves, à tous vainqueurs et vaincus. »
Les descriptions des combats sont accompagnées de fréquents recours à l'histoire antique, à l'onirisme, ce qui fait de ce récit l'un des plus significatifs dans le domaine des romans inspirés des événements de la seconde guerre mondiale .
La dernière réplique du roman ,« Tu ne voudrais pas me faire croire, dit Jimmy, que le Christ a perdu la guerre ?
-C'est une honte de gagner la guerre, dis-je à voix basse» résume la profondeur des interrogations décrites dans ce récit de très grande qualité dont l'appel à la réflexion sur ces notions est d'une grande force.