Giorgio Manganelli
Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Hilarotragoedia
Résumé :
« Depuis la cime de ta bouille, la gargouille de ta tête d'os, l'ami, ma copropriétaire de parties génitales, mon complice en distillation d'urine, frère en excrément ; et toi de même, préalable auquel péniblement je m'adapte, modèle de crâne, mon rien craquetant et obtus, mon coavortement, loquace lithopède ; depuis l'infime cime penche-toi, abandonne-toi à ton précipice. Sois fidèle à ta descente, homme. »
Une fois consommé l'adieu, traversée la chambre des pleurs, évacués les rêves du visage désertant, reste le signe mathématique, le graphique d'un unique non-né et non mortel poisson abyssal, gravé sur le fond, sur l'urinoir de l'âme, par une main pieuse et obscène. Une fois toi-même consumé dans le vitriol de l'adieu, tu ne pourras plus perdre ni âme ni mort ; tu as gagné un grand saut vers le bas ; maintenant tu voles : tes jambes poilues, comme d'un arbitre de football et prophète aviné, frétillent à travers l'abysse aéreux, et point ne te manque le souffle pour un tel envol descensionnel, car tu as obtenu la compacité de la mort. Icare pilotant, non emporté vers la catastrophe, tu dégringoles exactement : spectacle des plus épouvantables ! Les mères couvrent leur le visage de leurs chérubins, que ta ruine imminente ne les aille point emplir d'effroi. Mais toi, avec détachement, voix cultivée et modulée, cravate absolument sociable, souriant, annotant, festoyant tu dégringoles.
Extrait de Giorgio Manganelli "Bruits ou voix".