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Claude Porcell (Traducteur)
EAN : 9782070348022
144 pages
Gallimard (26/10/2007)
3.69/5   49 notes
Résumé :
Voici l'un des plus beaux textes de Thomas Bernhard.

Il date apparemment de la fin des années soixante-dix, et l'on y retrouve bien sûr les thèmes habituels : l'existence " au degré de difficulté le plus haut " d'un " être de l'esprit " engagé dans une recherche totale et mortelle.

Ici, c'est la physiognomonie appliquée à quatre personnages ordinaires rencontrés à la cantine populaire (à ce qu'il y a de plus quotidien donc), dans le d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Ce petit livre m'a un peu fait penser aux modifications de Butor, dans cette façon qu'a l'auteur de répéter sans cesse les mêmes mots, les mêmes petits bouts de phrases, comme pour accentuer un côté obsessionnel de l'écriture. C'est par la répétition que Thomas Bernhard construit son écrit et qu'il le rend solide. Ainsi se crée une certaine harmonie qui outre le texte, englobe la vision qui nous apparaît de plus en plus claire des personnages. C'est assez hypnotisant, particulier, et curieusement, pas vraiment difficile à lire.

Le personnage, Koller, écrit une étude sur la physiognomonie. Il prend pour sujets 4 camarades qu'il rencontre tous les midis à la Cantine Publique Viennoise. Koller est handicappé des suites d'un accident survenu à l'âge de 15 ans, où on a du lui amputer une jambe, remplacée par une prothèse. Plus tard, la cantine viennoise sera un refuge et il y rencontrera ces amis qui seront comme une famille.

Cette étude est très importante pour Koller, et il veut l'exposer à son ami. On insiste beaucoup sur l'idée de l'être de l'esprit. Koller est présenté comme une personne supérieure, superficielle, qui recherche une certaine forme de liberté et d'indépendance par rapport à sa famille et qui aime s'opposer à la société.

« L'être de l'esprit est bien avisé d'être depuis le tout début contre les parents et contre les maîtres et généralement contre tout, pour, dans un premier temps, se libérer de ces parents et maîtres de cette société, pour pouvoir ensuite, avec le temps les observer et les juger effectivement et sévèrement et sans les épargner, ce qui est en fin de compte, disait-il, sa mission, il n'en a pas d'autre, c'est pour cela, quoique sans son consentement et de fait contre sa volonté, qu'il est là. »

En constatant que ce livre parlerait de physiognomonie, j'ai eu peur de ne pas aimer, car en théorie, cette science étudie l'apparence physique afin de catégoriser les personnes, or je n'y crois pas du tout. En plus, ce genre de catégorisation n'est qu'un mur supplémentaire que l'on se construit entre soi.

Mais ici, la physiognomonie semble être pour Koller une façon plus étendue de vouloir étudier le panel qu'il s'est choisi. Il cherche des traits commun à ces mange-pas-cher... En réalité, on est très curieux de savoir de quoi il en retourne, et cela capte toute notre attention.

Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde avec ce petit bouquin, et j'ai été agréablement surprise par cette grande qualité de conteur bizarre de Thomas Bernahrd, qui s'exprime donc surtout en se répétant. Il est dans la liste des auteurs que j'aimerais découvrir davantage.
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« Il avait besoin d'êtres humains autour de lui pour pouvoir être seul ». (Thomas Bernhard)

Les Mange-pas-cher sont quatre personnages que Koller, dont les pensées sont rapportées par le narrateur, rencontre à la Cantine Publique de Vienne. Ceux-ci, choisissant toujours les repas les moins chers de la Cantine, ont permis à Koller de reprendre son projet de Physiognomonie qui était dans l'impasse depuis plusieurs années
Et si Koller avait pris comme toujours le chemin du frêne et non celui du chêne, il n'aurait jamais rencontré les Mange-pas-cher. Comment départir le hasard de la nécessité ?
Thomas Bernhard va alors nous dresser le portrait d'un individu, Koller, en lutte avec la famille, l'école et le monde entier, pour préserver sa liberté. S'il relâche son attention, le monde est déjà sur lui pour l'anéantir. Possédé par son oeuvre, Koller ne cesse de s'interroger, l'esprit assailli par la ritournelle de ses questions, comme dans une fièvre obsidionale.
Voilà la trame proprement dite du livre.
Si on peut appeler trame cette inlassable répétition des mêmes mots, des mêmes phrases.
Sauf à fermer le livre, le texte enferme, agit comme une bonde dans laquelle est aspiré le lecteur, incapable de trouver la moindre soupape dans ce délire de mots.
Il nous fait entrer dans la spirale obsessionnelle des pensées de son personnage.
Cette « musique » n'est nullement un ornement. Elle ressasse comme Koller ressasse son existence, cherche un sens à sa vie.
Et cette rumination est, je l'avoue, difficile et douloureuse pour le lecteur.
Alors pourquoi s'efforcer de lire ce livre ?
La paranoïa ( ?)de Thomas Bernhard et/ou sa névrose obsessionnelle( ?) en font un visionnaire, un exclu de l'hébétude.
Le désespoir, l'absence de perspective et d'issue, la destructivité du monde extérieur, voilà ce que ressent Bernhard.
L'individu, plongé dans l'indifférence absolue de son environnement, n'a le choix qu'entre la créativité totale ou la monomanie obsessionnelle.
« On ne discute pas, on ne touche pas ».dit-on aux enfants.
C'est de cette posture de renonciation que vient la connivence avec tous les systèmes totalitaires, puisqu'au fond ,ces systèmes ne font que reprendre ces énoncés pour les faire passer dans le collectif.
Écoutez les publicitaires qui vous proposent avec le sourire d'acheter « le canard en plastique coin-coin parce que tu le vaux bien ».
C'est ce danger de l'existence qu'aura expérimenté toute sa vie Thomas Bernhard, isolé absolu.
Bon courage !
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Comment commencer cette chronique ? Thomas ne me facilite pas la tâche, et je l'imagine s'en réjouir. Car il n'aime pas les sentiers battus. Ca, c'est sûr.
L'écriture de Thomas est assurément dérangeante, on pourrait dire complexe, ou, compliquée, mais elle est travaillée, elle est drôle, elle est riche, elle est multiple, et du coup elle est rare.
C'est un bonheur de le lire, c'est dérangeant, c'est parfois inquiétant.Thomas joue avec le langage, joue avec les mots, mais joue-t-il ? est-ce un jeu ? ne serait-ce pas la répétition des souffrances qu'il endurait ? Lire Thomas Bernhard c'est forcément passer dans un monde différent, c'est accepter être dominé par le langage et donc par la pensée de celui qui écrit. Lire Thomas Bernhard c'est comme accepter une séance d'hypnose, se laisser happer par une écriture si maîtrisée, si répétée (comme la danseuse répète ses figures jusqu'à la perfection). Lire Thomas Bernhard c'est partir dans un monde qui n'existe plus, mais dont on aurait aimé qu'il en restât quelque étincelle.
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Pour avoir moi-même fréquenté les mange-pas-cher, je veux dire, pour les avoir fréquenté personnellement et aussi longtemps que cela fut nécessaire, il m'est possible à présent de confirmer la pertinence non seulement esthétique mais aussi et en un sens, clinique que Thomas Bernhard mobilise avec le génie des grands auteurs. Ce génie et cette pertinence a sans doute un coût, une contrepartie parfois douloureuse, jusqu'à la nausée qu'elle implique, elle a un coût dans la mesure où, et l'on devra en tenir compte dès les premières pages car c'est une lecture dangereuse, puisqu'elle coûte littéralement de devoir peser chaque mot et chaque page, les mâcher longuement, depuis un certain accident jadis. Au lecteur qui n'a pas le courage de rencontrer l'inertie bouleversante et effrayante des mange-pas-cher, et pas seulement leur inertie mais cette force de caractère, qui ne cède pas sur l'essentielle - pour le narrateur, ça tient à la physiognomonie - à ce lecteur couard, je dirai d'ouvrir le livre et de tenir bon. Je ne connais que peu d'auteurs qui ont ce talent de faire éprouver au lecteur la teneur de l'âme folle de l'autre : Dostoïevski, Gombrowicz, Kenzaburo Oe. Ce sont des lectures toujours un peu risquées.
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Récit «cubiste» introspectif. Koller est infirme. Il a perdu une jambe après avoir été victime d'une morsure de chien. Cet événement sans cesse ressassé tout au long du roman constitue pour lui néanmoins un point tournant puisqu'il lui révélera le véritable sens de sa vie, l'étude de la physiognomonie. La rencontre des mange-pas-cher, quatre individus pitoresques, constituera la matière première de son travail de recherche. Son unique ami, narrateur discret et admiratif recueillera l'ultime confidence de cet être unique dont l'intelligence et l'esprit est constamment à la frontière de la folie et de l'obsession.
Une lecture hypnotique qui rappelle sans contredit certains personnages de Dostoïevski en cela qu'on pénètre et ressent la démence du personnage. Un excellent texte, qui rappelle un peu les thèmes exploités dans le neveu de Wittgenstein ou Les naufragés du même auteur, tous deux excellents!
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
« Sur le chemin qu’il empruntait depuis des semaines vers le soir, et, depuis trois jours régulièrement, vers six heures du matin aussi, aux fins d’études, jusqu’au Wertheimsteinpark où, eu égard aux conditions naturelles idéales qui régnaient précisément au Wertheimsteinpark, il avait, disait-il, pu revenir, après une longue période, d’une pensée parfaitement sans valeur concernant sa Physiognomonie à une pensée utilisable et même en fin de compte incomparablement utile, et donc à la reprise de son écrit, que, dans un état d’incapacité à toute concentration, il avait laissé en plan depuis le temps le plus long déjà, et dont l’aboutissement, disait-il, conditionnait finalement un autre écrit dont l’aboutissement conditionnait de fait un autre écrit dont l’aboutissement conditionnait un quatrième écrit sur la physiognomonie reposant sur ces trois écrits qu’il fallait absolument écrire, et qui conditionnait son travail scientifique futur et subséquemment son existence future tout court, il était allé tout à coup et le plus soudainement du monde, dit-il, non pas comme il en avait déjà l’habitude vers le vieux frêne, mais vers le vieux chêne, et de ce fait en était venu à ceux qu’il appelait les Mange-pas-cher, avec lesquels pendant de nombreuses années, les jours de semaine, et donc du lundi au vendredi, à la Cantine Publique Viennoise, et donc à ce qu’on appelle la CPV, et plus précisément à la CPV de la Döblinger Hauptstrasse, il avait mangé pour pas cher. »
…………………………………………
: « Il avait dû, disait-il, consacrer un pourcentage élevé de ses énergies à se défendre contre le lycée et son mécanisme de destruction, contre l’école en soi, qui, dirigée contre la nature de chaque individu, n’était faite que pour déliter et détruire et subséquemment anéantir la nature de chaque individu. ».
…………….
«Ce qui avait été le plus important pour lui, ç'avait été de développer depuis le début son obstination et de la développer toujours plus et plus encore, même si cela signifiait d'abord heurter totalement de front les parents et le monde qui l'entourait, en fin de compte heurter totalement de front absolument tout, l'être de l'esprit ne devait naturellement pas s'en effrayer. (...) Il avait, peut-être d'abord tout à fait inconsciemment, décidé dès l'enfance de vivre au plus haut degré de difficulté qui lui était possible, ce qu'il n'avait jamais négligé de faire jusqu'à aujourd'hui. (...) C'est d'abord un combat contre les parents et ensuite un combat contre les maîtres qu'il faut mener et gagner, et mener et gagner avec la brutalité la plus impitoyable, si le jeune être humain ne veut pas être contraint à l'abandon par les parents et les maîtres et par là être détruit et anéanti. La société, il voulait dire la société des humains, est construite, disait-il, de manière à égarer le jeune être humain vers des détours et à le détruire et à l'anéantir et lorsque nous regardons autour de nous, nous ne voyons effectivement presque que de tels jeunes êtres que l'on a fourvoyés vers des détours et détruits et anéantis.»
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Pour ce qui le concernait, disait-il, il avait très tôt déjà résolu de ne surtout suivre aucun conseil, de quelque côté qu’il vînt, et en fait il avait même pris pour règle de faire exactement ce qu’on lui avait déconseillé, ce contre quoi on l’avait mis en garde, et il s’était toujours avéré, quoique souvent beaucoup plus tard seulement, qu’il avait agi comme il le fallait en ne suivant aucun conseil, cela non seulement sur un plan tout à fait général, mais avant tout sur tous les plans de l’esprit.
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Penser n’avait encore jamais été rendu dans sa perfection et son infini, avait dit Goldscchmidt à Koller. Rien de cela, aussi longtemps que rendre la pensée devrait passer par la langue, ne changerait.
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J’ai une jambe artificielle, un artifice pour jambe et je ne pouvais pas encore me servir de ma jambe artificielle, [...] je ne pouvais pas encore manier comme il fallait et de la façon requise pour ne pas se faire remarquer, dit Koller, aussi bien n’avait-il été libéré de l’hôpital Wilhelmi,e que le matin même et il avait fait de sa jambe artificielle ce qu’il appelait ses premiers pas de liberté.
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Par nature, il avait été fait pour prendre un chemin de l’esprit, comme il l’appelait lui-même, et cela ne signifiait rien d’autre que de devoir marcher parfaitement seul. Mais c’était afin de vivre et d’exister pour ce degré de difficulté le plus haut qu’il était né.
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Vidéo de Thomas Bernhard
Le 17 mars 2021 a disparu le comédien Jacques Frantz.
Sa voix de basse, puissante, vibrante et expressive, était particulièrement appréciée dans l'art du doublage. C'est tout naturellement que, en 2007, il a rejoint les grandes voix de « La Bibliothèque des voix » pour immortaliser dans un livre audio l'ancien acteur shakespearien désabusé dans la pièce de Thomas Bernhard « Simplement compliqué ».
Nous partageons cet extrait pour lui rendre un dernier hommage et adressons nos pensées émues à sa famille.
- - - Le texte imprimé de « Simplement compliqué » de Thomas Bernhard a paru chez L'Arche Éditeur, en 1988. Direction artistique : Michelle Muller.
+ Lire la suite
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature des langues germaniques. Allemand>Romans, contes, nouvelles (879)
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