La mort c'est la grande interruption. La suspension de tout espoir, de toute illusion, de toute attente, de tout projet que tu aurais pu faire pour l'été prochain, pour le mois prochain, pour l'heure à venir. C'est le vertige au bord de l'abîme. C'est la fin. Qu'elle représente un voyage au paradis ou un saut transmigratoire vers un autre corps qui vient de naître, la mort c'est le trou noir, le néant, la fin. La fin de la vue, de l'ouïe, du goût, du toucher. Daniel ne s'extasiera plus devant aucun film, il ne s'enthousiasmera plus devant la télé, il n'aura plus l'occasion de se perdre dans la foule et d'agiter les bras en appelant ses parents pour qu'ils le repèrent, il n'écoutera plus de musique. Nous ne reverrons jamais plus cette tête d'idiot absent qu'il faisait quand tu lui racontais son histoire préférée, il n'ira plus sentir les fleurs des rosiers de sa grand-mère, "Mmmh, elles sentent encore drôlement bon, mamie !", il n'éprouvera plus de plaisir à manger du chocolat ou du riz au lait, il ne mastiquera plus de chewing-gum, il ne caressera plus. Il ne pourra jamais caresser la peau d'une femme amoureuse de lui.